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Kémi Séba, activiste: «Nous nous opposons au néocolonialisme et à ceux qui le servent»

Au lendemain de sa relaxe par le tribunal des flagrants délits de Dakar, l’activiste panafricain, Stellio Gilles Capo Chichi alias Kémi Séba, chroniqueur à Vox Africa, est revenu sur les contours de
l’acte posé à la Place de l’Obélisque (Colobane, Dakar) et qui lui avait valu une détention préventive. Extraits.


Rédigé par leral.net le Jeudi 31 Août 2017 à 09:29 | | 0 commentaire(s)|

«On tient à saluer de la façon la plus profonde la manière dont la presse africaine a pu relayer et décrire les événements, tels qu’ils se sont déroulés. La victoire que nous avons, qui est une victoire du camp anti-Cfa, est due en grande partie à la mobilisation de la société civile. Qu’on soit très clair : des sociétés civiles africaines mais aussi d’un certain nombre de médias, majoritairement parlant, qui ont été capables de prendre leur responsabilités. »

« Je revendique cet acte d’avoir brûlé ce billet un milliard de fois »

« Je dénote aussi – et ça me chagrine – qu’une minorité de la presse sénégalaise pro Gouvernement, non pas africaine, très objective dans la manière de transcrire leprocès, ait voulufaire croire qu’on m’a libéré parce que je n’aurais pas voulu assumer mon acte. Ce qui est quand même la plus grande des stupidités. Le procès-verbal dit noir sur blanc, que Kémi Séba assume son acte et regrette que la justice ait cru qu’il voulait s’opposer aux institutions. Je le réitère : je ne suis pas là pour m’opposer aux institutions qui sont remplies de frères et de sœurs, d’aînés, de pères et de mères. Mais nous nous opposons au néocolonialisme et à ceux qui le servent. Donc, quand la presse pro Gouvernement, pour sauver la face, veut faire croire que nous renions nos actes, je le dis et je le répète: je revendique cet acte d’avoir brûlé ce billet un milliard de fois. Notez-le sans déformation, avec fierté, je l’ai fait en connaissance de cause. Si je dis ‘’nous’’, le frère (Alioune Ibn Abou Talib Sow) risque d’être incriminé. »

« La BCEAO a cru que nous étions des illettrés »

« J’ai été prévenu à l’avance que je serais cherché par la DIC (Division des investigations criminelles). Si je n’étais pas dans une dynamique d’assumer, j’aurais pu partir. J’en avais les moyens. Mais si j’ai attendu ces agents à six heures du matin, avec mon boubou, en leur proposant le café. Si je ne m’abuse, cela signifie que j’étais prêt à répondre à ce qui m’était demandé. Une certaine presse a fait croire que nous avons été libérés parce que nous avons dit que nous déplorions cet acte. C’est faux.

Car la loi dit que quelqu’un peut être poursuivi s’il brûle des billets. Et non, un billet. Le problème, c’est que la BCEAO a cru que nous étions des illettrés. Mais cela fait un an et demi que nous pensons à franchir ce palier. Non pas pour gaspiller de l’argent, car j’ai saigné ma poche en brûlant un billet de 5000 FCfa. Je suis journaliste à Vox Africa, je dois rejoindre le Grand Rendezvous (magazine qui passe à la 2Stv) au mois de septembre. Ici, tous savent que les journalistes africains ne sont pas riches.
»

« J’ai fait 20 procès dont15 sous Sarkozy »

« Si j’ai brûlé ce billet, c’est en connaissance de cause, parce qu’il était nécessaire d’envoyer un signal au monde entier. Ce n’est pas un signal de racisme, de volonté de diviser le monde en deux: gentils contre méchants.

C’est le signal d’une jeunesse africaine qui souffre, et qui ne veut plus être ostracisée dans ce concert des nations. A partir du moment où on est capable de mettre, de manière préventive, quelqu’un dont on n’est pas sûr de la culpabilité, de l’incarcérer, parce qu’il brûle un billet qui est le symbole de notre asservissement; à partir du moment où la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) est capable de demander cinq ans de prison…

Si ce procès n’est pas politique, alors, je ne m’appelle pas Kémi Séba. Si la justice a fait preuve de sagesse, c’est parce qu’elle avait la lucidité. La colère qui gronde à travers le monde par rapport à notre combat, a poussé la justice à faire preuve d’intelligence. Même si je regrette évidemment qu’on ne m’a pas laissé parler. J’ai fait 20 procès, le gouvernement de Sarkozy (ancien président de la France) m’en a fait 15. J’adore les procès. Il a fallu que je vienne en Afrique, pour découvrir qu’on ne pouvait pas parler dans certains procès, très peu d’ailleurs. »



Propos recueillis par Koura Fall

Alain Lolade