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Khalifa Tandian, gérant de l’immeuble incendié à Paris : «ma famille est décimée»

Khalifa Tandian, 36 ans, fils de Karamoko Tandian, propriétaire de deux appartements situés dans l’immeuble, qui a été incendié à Paris dans la nuit du mardi à mercredi, est rongé par la douleur. Il a perdu son oncle et ses cousins. Pathétique !


Rédigé par leral.net le Vendredi 4 Septembre 2015 à 16:24 | | 0 commentaire(s)|

M. Tandian, que ressentez-vous 24 h après l’incendie qui a ravagé vos appartements et décimé votre famille ?
J’ai été surpris parce que c’est un immeuble qui venait juste d’être rénové. On y a fait des travaux il y a à peine deux ans. On a fait des travaux à tous les étages. Et donc cela m’a vraiment surpris quand j’ai appris que mes parents étaient à l’intérieur au moment où l’incendie a eu lieu.
Lesquels de vos parents étaient à l’intérieur au moment de l’incendie ?
Mon oncle Tandian Almamo, le petit-frère de mon père, était présent avec un cousin Alphousseyni Tandian au troisième étage.
Ils sont tous morts dans l’incendie ?
C’est mon oncle Almamo qui est mort avec sa femme Kagnassi Tandian, sa fille Tandian Tiguidanké et son fils Tandian Aliou. Almamo avait la cinquantaine, sa femme dans les quarante trois ou quarante cinq ans, sa fille allait avoir cette année ses seize ans et le fils avait sept ou huit ans.
Que ressentez-vous ?
Cela a été très difficile et très douloureux pour nous parce que mon oncle était quelqu’un qui avait une grande place dans la famille. Il n’était pas malade du tout. Et un matin on vous appelle pour vous dire que votre oncle ou frère n’est plus. Ainsi que toute sa famille. C’est une chose qui est très difficile à accepter. Au début, on n’a pas cru à la nouvelle parce qu’on se disait que ce n’est pas possible. On nous a dit qu’ils n’ont pas retrouvé les corps. Car ils étaient à l’hôpital, mais en tout cas, ça a fait trembler tout le monde. C’était douloureux. Notre famille a été décimée...
Parlez-nous des proches que vous avez perdus ?
(Très ému)... Almamo (Tandian), c’est mon père parce que j’ai grandi avec lui. Quand mon père a commencé à voyager, j’étais toujours avec lui. Sa femme (deuxième) est aujourd’hui hospitalisée à l’hôpital Principal de Dakar. Je suis venu lui rendre visite au Sénégal. Ce sont ces deux personnes qui m’ont élevé jusqu’à mes 8 ou10 ans. C’est mon père. Après, on s’est retrouvés en France, on a habité deux ans ensemble dans le studio qui se trouve au niveau du 3ième étage. On se connaissait très bien en plus, c’est mon beau-père car j’ai épousé sa fille aînée. Je ne pourrai pas définir nos liens. Il m’a considéré mieux que ses propres fils. Il m’appelait papa car je portais le nom de son père. Tout cela fait qu’on était unis et il m’a donné sa fille que j’ai épousée. Et on était plus soudés. C’est quelqu’un d’irremplaçable, il est un des meilleurs dans la famille. Il avait des qualités exceptionnelles. On ne peut pas l’oublier, on ne peut pas, on ne peut pas. Il nous a marqués.
Comment avez-vous appris la nouvelle ?
C’est le mercredi, tôt le matin, vers les coups de 7 ou 8 heures. On nous a confirmé que des corps étaient à l’hôpital mais sans vie. C’est la famille qui est là-bas qui a appelé pour nous informer. On a des petit-frères qui se sont présentés en premier. Ils ont été alertés par celui qui était sur place. On était connus dans le 18ème. Les gens savaient qu’on a la famille là-bas, donc des gens nous ont appelé et disaient qu’on a la famille dans l’immeuble de la rue Myrha qui a pris feu. Du coup, on s’envoyait des Sms, on s’appelait. A travers des messages, on a été informés. Il y a eu également des images à la télé vers 8h. C’est là qu’on a vraiment cru que ce que les gens disent était vrai. Un des petit-frères de mon père nous a appelés pour nous dire qu’ils ont été retrouvés mais sans vie.
Connaissez-vous les raisons qui ont motivé l’auteur de cet incendie ?
La motivation ? Je ne sais pas ce qui l’a poussé à commettre un tel acte. Mais, on ne pourra pas lui pardonner ça. Le fait qu’il soit en prison, ce n’est pas cela qui fera revenir notre famille. Ce sont des personnes qui nous sont chères, elles ne peuvent pas être remplacées. Si on le met en prison, ça ne nous soulagera pas. Quant aux raisons qui l’ont poussé à commettre cet incendie, je ne sais pas s’il a été payé, ou s’il a agi tout seul. Je ne sais pas. Mais en tout cas, mettre le feu une première fois dans un immeuble, on appelle les secours qui l’éteignent. Une deuxième fois, avec deux heures d’intervalle, il met le feu sous la cage d’escaliers, moi je pense que c’est quelqu’un qui sait ce qu’il veut faire. Parce que si c’était quelqu’un qui agit sans détermination, il serait déjà parti. Il était déterminé. Peut-être qu’on l’a payé ou on lui a dit de le faire. Donc, il était là pour mettre le feu dans l’immeuble. Et il a réussi.
Pensez-vous qu’il s’agisse d’un acte raciste ?
On nous a dit que c’est un Maghrébin (Algérien) qui l’a commis. Donc, c’est un Africain. Acte raciste ? Je ne sais pas, je ne sais pas la raison qui l’a poussé à commettre cet acte. Je sais que c’est quelqu’un qui est conscient. Il sait ce qu’il fait, il est en bonne santé. J’en suis sûr et certain qu’il n’est pas fou. Je ne sais pas ce qui l’a motivé à le faire. Mais, c’est quelqu’un de sain.
Y a-t-il des éléments qui peuvent laisser penser que votre père est la cible de certaines personnes ?
Non ! On n’a pas de problèmes avec les gens. Mon oncle et mon cousin n’ont pas de problèmes. Je suis souvent sur place. Et quand il y a des choses qui ne vont pas, on organise une réunion syndicale. On cotise pour résoudre le problème. Il restait 1 400 euros dans la caisse lors de notre dernière réunion. Cet argent doit servir à rénover les portes, réparer les fuites d’eau entre autres. Entre propriétaires et locataires, il n’y a pas de problèmes. Même s’il ya un problème entre des locataires, on ne doit pas les régler de la sorte. S’il y a un contentieux entre deux locataires, il faut le régler de façon pacifique en ne mettant pas le feu aux meubles. Cela a occasionné la mort inutile de personnes. Nous ne sommes pas une famille qui cherche des problèmes. On n’aime pas la pagaille. Et on fait ce qu’il faut pour cela.
Y a-t-il beaucoup de nationalités dans l’immeuble ?
Il n’y en a pas tellement. Il y avait des Sénégalais, des Asiatiques, des Français et des Maghrébins. La rue Myrha dans le 18ème et la rue Goudoltu, ce sont des quartiers de Maghrébins et d’Africains. On croirait même que c’est un quartier sénégalais. Quand j’ai appris la nouvelle, j’ai tout de suite su que ce n’est pas un noir africain qui l’a fait.
Pourquoi ?
Parce qu’eux (Ndlr : les noirs africains) ne font pas cela. Car nous avons reçu une éducation qui nous empêche de commettre de tels actes. Pour les petits vols, je peux être d’accord mais ils ne commettent pas un crime. Ils ne le font pas.
Comment expliquez-vous la propagation rapide du feu ?
La cage d’escaliers est faite en bois et en caoutchouc. Quand le caoutchouc prend feu, il est très difficile à éteindre. Le reste ? C’est-à-dire certaines parties du mur sont faites en bois, comme là où passent les fils des câbles électriques et c’est du rez-de-chaussée au cinquième étage. Si ça prend feu, c’est très difficile à éteindre et puis avec cette fumée, une fois que l’escalier commence à tomber, personne ne pourra descendre. Soit on saute dans le vide au risque d’en sortir avec une blessure grave et attendre qu’un secouriste arrive, ou bien, comme ça été le cas pour les victimes, c’est la mort. Ils ont attendu, il n’y a pas eu de secouristes, le feu les a brûlés.
Peut-on savoir la date à laquelle vous avez acquis ces appartements ?
C’est en 1981 que mon père a déménagé dans l’immeuble. Et il en est devenu propriétaire.
Peut-on savoir la profession de votre père ?
Il est un marabout.
Comment est-ce qu’il a acquis les appartements ?
Il les a payés lui-même. Il a payé le troisième étage et comme ça, il a acheté l’autre.
Et il vivait là-bas ?
Oui. Ce sont des appartements qui appartiennent à mon père. Et quand on se marie, on part habiter là-bas. Après, si tu as des moyens, tu peux aller chercher ton propre appartement. Quand tu quittes là-bas, un frère ou un cousin, qui est dans le besoin, vient s’installer. Ces appartements ont servi à ça. C’est pourquoi, on ne les a pas revendus. Ça servait aux membres de la famille qui étaient obligés de passer par-là, en attendant de trouver mieux. Par exemple, celui qui est logé au troisième a trouvé un autre endroit. S’il y a quelqu’un d’autre de la famille qui en a besoin, il le récupère.
Le vieux ne loge pas dans l’appartement ?
Ce sont ses enfants et des parents qui logent là-bas. Mais, toute la charge lui revient. C’est lui qui gère tous les soucis. C’est le troisième et le cinquième étages qui nous appartiennent.
Est-ce qu’ils étaient assurés ?
Oui ! Ils étaient assurés....
Qu’allez-vous faire maintenant ?
On écoute. On attend les décisions de la mairie, des syndicats pour voir. Comme ils sont partis faire le constat, l’état des lieux, les enquêtes, on attend pour le moment. On a déjà Habib (son frère) qui est en train de faire des démarches. Il faut que papa rentre en France, on essayera de voir comment gérer cette situation.
Il est au Sénégal depuis combien de temps ?
Depuis plus d’une semaine. Il n’a même pas fait dix jours ici. Moi, je suis venu dimanche dernier.
A combien évaluez-vous le préjudice ?
On a perdu plus de 150 millions. Parce qu’un appartement dans le 18ème, c’est quasiment 70 mille euros. Ce n’est vraiment pas facile.
Est-ce que vous vous attendez à un dédommagement ?
Bien sûr, on attend des dédommagements peut-être pour les appartements. Mais ce qui importe le plus pour nous, c’est notre famille, parce qu’il n’y a rien qui pourra la replacer. Si on pouvait nous poser la question de choisir entre les deux, on allait prendre la famille. Les appartements sont des biens matériels, c’est vrai qu’on a perdu de l’argent. Mais ce n’est pas comparable avec ceux qu’on a perdus. C’est dur pour nous, peut-être que vous ne les connaissaient pas mais nous qui les connaissons, on a vraiment perdu.
Aujourd’hui que le mal est fait que comptez-vous faire ?
Nous attendons que la justice fasse son travail. On n’a pas encore les corps, on fait ce que la religion nous demande et on remet tout ça entre les mains de Dieu. C’est de Sa volonté. Ce qui a été fait est fait, on ne pourra pas les ramener à la vie. Tout ce qu’on peut faire à notre niveau, c’est de prier pour que Dieu les accueille dans son paradis. Que justice soit faite ou pas, notre famille est partie. Mais, on souhaite que de tels actes ne se reproduisent plus parce que c’est la deuxième fois en 10 ans à Paris.*

Source: lequotidien.sn

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