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L’emploi est bien la question focale

Rédigé par leral.net le Mercredi 28 Mars 2012 à 19:26 | | 0 commentaire(s)|

Au moment de sa prise de fonction, le Président Macky Sall doit se souvenir que le Sénégal indépendant a déjà plus d’un demi-siècle et n’a pas encore résolu l’équation du développement.
Il doit se rappeler que depuis les indépendances, les dirigeants de notre pays n’ont pas su régler les contradictions de notre économie encore caractérisée entre autre par :
- un secteur agricole globalement dépendant de la pluviométrie,
- un secteur secondaire encore sous l’emprise néfaste de la crise de l’énergie et de la forte insertion non maitrisée du Sénégal à l’économie mondiale,
- un secteur tertiaire fortement dépendant du commerce de produits importés,
- une désarticulation entre les secteurs de l’économie nationale,
- des infrastructures ne prenant pas en compte le nécessaire désenclavement national,
- une politique sociale d’assistanat loin d’une démarche d’insertion dynamique,
- un fort endettement de l’État assorti d’une gestion malsaine des ressources publiques,
- une absence d’une véritable
stratégie politique d’emploi de masse.

Le nouveau Président sait qu’une bonne politique de développement national doit d’abord s’articuler autour de la résorption du chômage raison pour laquelle son programme Yoonu Yokkute en a fait un axe majeur avec une vision moderne de la question de l’emploi à articuler autour de projets massifs dans des secteurs pouvant tirer le développement national
En vérité, dans la situation actuelle du Sénégal, l’État ne peut pas donner dans la fonction publique des emplois massifs au plus grand nombre.
Le secteur privé national actuel aussi ne peut pas prendre le relais globalement en absorbant tout le monde.
Le secteur dit informel commerçant n’est pas la solution globale miracle qui caserait toutes ces personnes dans le dédale de nos villes.

Notre rapport à l’emploi au Sénégal procède d’un grand malentendu de l’État employeur, de l’entreprise recruteuse ou de la débrouille individuelle prometteuse. Aujourd’hui, dans le subconscient surtout juvénile, le rêve se limite à venir à Dakar se débrouiller le temps d’émigrer pour revenir régler les problèmes de la famille élargie. Ce rêve le plus souvent se transforme en mirage ou en cauchemar. Ce rêve d’Occident en soit est accentué par le fait qu’en face, l’État n’offre pas d’autres perspectives intelligentes d’occupation des populations dans des cadres économiques viables. Aujourd’hui, les jeunes doivent savoir que l’Occident en crise n’est plus une terre d’accueil. Nous pouvons travailler dans ce pays et nous y épanouir à condition que l’État aussi prenne le taureau par les bonnes cornes.

Pour casser ce schéma, l’État doit inverser le rêve en créant des cadres privées de coopérative regroupant des personnes qui trouveront un intérêt direct au travail collectif.
Les facteurs bloquant doivent être étudiés et les mécanismes mis en place tant en amont qu’en aval pour permettre l’éclosion des intelligences dans un cadre global planifié et soutenu. Il nous faut passer par cette phase pour demain créer une base privée nationale qui tissera sa toile pour le développement intégral.
Des expériences ratées du genre ont été tentées à travers des structures comme le FNPJ (Fond national de promotion des jeunes) et l’OFEJBAN (Office pour l’emploi des jeunes de la banlieue).Avant ces programmes d’autres actions avaient aussi échoué comme « l’opération maitrisards ».
Les leçons du manque de pertinence de ces expériences doivent être tirées pour s’orienter résolument vers des projets collectifs à gestion plus démocratique à travers par exemple un schéma de coopérative privée rémunérant elle-même ses propriétaires à accompagner pour à terme aller dans une autonomie totale.
Le rôle de l’État sera d’abord d’identifier avec les acteurs les secteurs porteurs qui doivent faire l’objet d’une large diffusion. L’État doit aussi créer un cadre institutionnel souple pour permettre l’éclosion du modèle de coopérative privée à l’échelle nationale en l’articulant au schéma économique global de développement autocentré sur nos ressources propres. À ce titre l’agriculture, la pêche, l’élevage et l’artisanat pourraient servir de rampe de lancement du modèle. Les problèmes liés au financement transparent des coopératives privées doivent également être pris en compte dans la réflexion et l’action.
Les avis de tous les acteurs doivent être pris dans le cadre d’une sorte d’états généraux de la coopérative privée.

Concrètement ce modèle d’emploi de masse et de promotion de l’initiative privée collective pourrait être mis en place selon l’agenda ci-dessous :

- lancer au niveau national les assises de la coopérative privée,
- mettre sur pied un ministère chargé des coopératives privées,
- mettre en œuvre les conclusions de ces assises,
- articuler ce modèle à l’acte uniforme de l’OHADA (Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires) relatif au droit des sociétés coopératives,
- prévoir dans le budget national une part importante pour ce schéma stratégique,
- s’appuyer sur les initiatives financières collectives actuelles pour mettre en place un modèle de financement et de garantie de la coopérative privée,
- démarrer une phase test de dix mille coopératives privées dans le secteur agricole,
- évaluer la phase test,
- généraliser le modèle aux autres secteurs de l’économie nationale,
- mettre en place un schéma passerelle entre le modèle de coopérative privée et la grande entreprise.

Ce modèle n’est pas la baguette magique qui nous fera sortir du chômage global. Il y aura des imperfections. Il s’agira de corriger et de peaufiner le modèle qui nous semble être la voie la mieux indiquée face aux faux espoirs des sources traditionnelles d’absorption du chômage. C’est un modèle salutaire d’auto prise en charge et de résolution du chômage de la grande masse qui a besoin d’une formation, d’un financement et du suivi des projets mis en œuvre. Le rôle de l’État est incontournable dans ce dispositif.

Les populations ont besoin d’être mises dans des conditions optimales d’auto-prise en charge progressive à travers surtout des formes d’organisation de type coopératives privées ; une autre piste qui n’a pas été assez explorées à cause d’une vision trop classique des recettes du développement.

La forme coopérative devrait répondre au double souci de décentralisation et de responsabilisation des populations. Ce chantier là-essentiel de la vision coopératrice privée a besoin, pour son lancement global, du concours de l’État central et des structures décentralisées. A terme, ce modèle permettra d’élargir la base entrepreneuriale nationale dans le prochain cinquantenaire. Un fort taux du budget national ainsi que celui des collectivités locales doivent être alloués à cette démarche stratégique globale qui devra s’articuler autour de cinq régions économiques qui pourraient être par exemple :

- le nord à vocation rizicole et pastorale,
- le centre orienté vers les cultures intrants pour l’industrie alimentaire,
- l’ouest pour la pêche, le tourisme et certains services de pointe,
- l’est spécialisé surtout dans le sous-secteur minier,
- le sud, grenier du pays et zone céréalière et fruitière.

Une multitude de coopératives privées de production, de services et de commercialisation adossées à la vocation de ces zones économiques pourraient régler le problème de l’emploi, de la croissance, du déficit des ressources publiques, bref du développement national. Avec un budget d’au moins 2000 milliards de FCFA par an, il suffit que l’État fasse l’effort de serrer son train de vie pour dégager une somme assez consistante pour ce projet (par exemple, 10% soit 200 milliards). Avec 200 milliards, c’est au moins 40 000 projets financés à hauteur de 5 millions par projet. Il suffit que chaque projet regroupe 5 personnes pour occuper 200 000 personnes directement. Avec toute la gabegie ambiante, nous pouvons bel et bien trouver des niches pour dégager 200 milliards par an pour ce projet salutaire dans lequel le système bancaire et les collectivités locales seront associés.
Il ne s’agira pas de jeter de l’argent par la fenêtre sans préalable comme la formation et l’encadrement. L’idée est noble. Il faudra juste la développer en tirant les leçons des échecs passés des différents programmes et initiatives. Aujourd’hui, les préalables à ce vaste chantier sont :

- la démocratisation de l’accès à la terre,
- la facilitation de l’accès au financement,
- la formation suivant l’approche par compétence
- une bonne politique de consommation locale


Cette vision coopérative ou coopératrice n’est pas un simple projet politique. C’est plus large. C’est une question de remise en cause d’une élite qui doit faire preuve de plus d’humilité et n’avoir qu’une vision globale de la souffrance collective à corriger dans un monde qui est et qui sera de plus en plus égoïste.

Les élites d’aujourd’hui et de demain doivent savoir qu’une nation a besoin, pour accepter les sacrifices souvent nécessaires, d’adhérer à un projet clair, géré par des hommes et femmes ayant une claire conscience de la mission publique.

Le rôle de l’élite au pouvoir sera surtout de lutter contre les prédateurs des valeurs démocratiques organisés le plus souvent en oligarchies, cette forme de « despotisme anonyme effroyable et plus difficile à renverser que le pouvoir personnel aux mains d'un bandit » comme l’écrit Arthur Arnould dans L'État et la révolution.

En clair, l’élite au pouvoir a besoin de la vigilance de tout le peuple pour rester dans le sillage de la vertu. Autrement, guette la trahison de l’intérêt collectif au profit des oligarchies.

C’est en cela que l’avis dynamique de tous les associés en République est d’une importance capitale pour les chantiers de la nation.

Quel Sénégal toute de suite et demain ?

La réponse à cette question dépendra de l’implication constante des citoyens dans les choix majeurs de recherche consensuelle de la souveraineté économique et sociale.

La réponse dépendra aussi du choix des leaders.

Choisir c’est renoncer d’abord. C'est-à-dire exclure ces leaders qui n’ont pas la vision peuple. Dieu sait qu’ils sont nombreux ces prétentieux qui oublient que « L’art de diriger consiste à savoir abandonner la baguette pour ne pas gêner l’orchestre. » comme disait le chef d’orchestre autrichien Herbert Von Karajan.

Les citoyens doivent peser pour que reste, demeure et ne meurt la République. Nous avons toutes et tous un mot à dire tout de suite sur le visage du Sénégal pour les prochaines années. Plus qu’un mot, nous avons une remise en cause et des actions à faire aussi maintenant pour anticiper sur les difficultés d’un monde qui sera de plus en plus égoïste.

Nous devons tout de suite savoir que seule une bonne stratégie globale et bien comprise par toutes et tous nous fera faire les pas importants et nécessaires vers le développement véritable.

Nous devons mener les vrais débats sur les questions vitales pour le Sénégal et l’Afrique. Ces débats-là de fond sont plus importants que toute autre considération crypto personnelle de simple casting des élites.
Nous devons agir tout de suite pour demain. Demain, c’est déjà aujourd’hui et il se fait tard.
Un Sénégal plus juste est possible dans la paix et la concorde, mais aussi dans le respect de la dignité des citoyens qui ne doivent plus être considérés comme de simple électeurs donnant un avis à chaque scrutin en laissant les hommes et femmes politiques faire ce qu’ils veulent en toute opacité.
L’autre Sénégal possible sera nécessairement une maison de verre qu’aucun subterfuge ne pourra obscurcir.
Ce Sénégal-là est irréversible et il vaut (bien plus qu’un débat).
Bonne chance au Sénégal et au Président Macky qui a la chance d’être né après les indépendances et d’avoir eu un parcours social de forte perception des enjeux collectifs.
Le FONGIP contenu dans le programme du Président Macky Sall peut s’articuler dans cette vision coopératrice privée pour changer le visage du Sénégal. C’est une chance d’avoir un Président jeune. C’est aussi une chance pour le Président de compter sur un peuple intelligent.
Mais une chance ne vient pas seule, on la saisit.
La question focale de l’emploi est une chance à saisir tout de suite dans le cadre de la redéfinition des ordres de priorités annoncées par la candidat, puis le Président Macky Sall.



Mamadou NDIONE
Président Mouvement SMS 2012
Economiste-Ecrivain-Logisticien
Mandione15@gmail.com