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L’intégrisme, le “retour religieux” et l’idéal communautaire.

Rédigé par leral.net le Lundi 30 Décembre 2013 à 21:11 | | 0 commentaire(s)|

Nous subissons aujourd’hui les effets dévastateurs de ce qu’il est convenu de nommer, bien à tort, l’intégrisme religieux. L’intégrisme serait la représentation du monde de l’intégrité, le comportement des personnes honnêtes qui veulent mettre leurs actes en accord avec leurs principes. C’est effectivement le désir d’intégrité que les intégristes manipulent, mais dans le but de dominer, d’asservir et d’établir une société totalitaire, c’est-à-dire une société qui réserve à des hiérarques le droit exclusif de dire ce qui est bien, ce qui est vrai, ce qui est beau et le droit exclusif de juger, de louer et de condamner, de récompenser et de punir.
 
L’intégrisme, nommé parfois «fondamentalisme» est d’abord à situer dans le contexte d’un phénomène plus large et qui est reconnu sous le nom de «retour du religieux». Les médias incluent dans le retour du religieux, indifféremment, le réveil de l’Islam et la dictature des ayatollahs, la prolifération des sectes, le «traditionalisme» des catholiques hostiles à l’aggiornamento et à Vatican II, le durcissement de certaines églises protestantes, le développement des courants ultra-orthodoxes chez les juifs, et aussi les progrès inquiétants de l’intolérance chez les hindouistes, les sikhs, certains mouvements qui se réclament de l’héritage de Bouddha, de Lao-Tseu, de Confucius.
 
Premier constat: il n’existe pas une seule religion qui n’ait sa frange sectaire, extrémiste, bien disposé à l’égard de la violence.
 
Second constat: plus une religion prêche l’amour, plus elle honore la violence.
 
Troisième constat: le retour du religieux plaît. En effet, de nombreux commentateurs, journalistes, écrivains, chercheurs, voient dans ce phénomène une réaction contre la froideur de l’Etat sans Dieu, le goût fade de la vie quotidienne de notre temps, la science «qui n’explique pas tout».
 
Ainsi sont généralement définies les causes d’un mal-être que la religion apaiserait et soignerait. On a vu des intellectuels approuver la montée de l’intégrisme. Michel Foucault fut un temps sensible à la ferveur des foules iraniennes et au charisme de Khomeiny. Le Toudeh (parti communiste iranien) a cru devoir suivre la voie de l’intégrisme pour édifier le socialisme, faisant ainsi de «l’opium du peuple» (Karl Marx: Critique de la philosophie hégélienne du droit).
 
Depuis le déclin du parti et de l’idéologie communiste, nombreux sont les intellectuels qui, habitués à tourner vers l’est, se détournent de Moscou et posent un regard attendri sur La Mecque ou Jérusalem. Une formule qui justifie cet attendrissement est actuellement à la mode: retour à l’authenticité. Cette formule vaut à celui qui l’utilise, des regards d’approbation et une connivence s’établit alors entre personnes éclairées qui, fatiguées d’avoir à comprendre, estiment préférable d’avoir à «sentir les choses». Le flair étant plus authentique que la réflexion!
 
Pour examiner le retour du religieux comme effet et comme cause, il convient de rappeler ces paroles de Freud, extraites de «L’avenir d’une illusion».
 
«Dès qu’il s’agit de religion, les hommes se rendent coupables de toutes sortes d’insincérité et de bassesses intellectuelles. Les philosophes étendent le sens des mots jusqu’à ce que ceux-ci ne possèdent presque plus rien de leur signification originelle…, les critiques persistent à appeler profondément religieux tout homme qui avoue le sentiment de l’insignifiance de l’homme et de l’impuissance face à l’univers, bien que ce ne soit pas ce sentiment qui constitue l’essence de la religiosité, mais bien plutôt la démarche qui s’en suit, la réaction à ce sentiment, réaction qui cherche un secours contre lui….».
Ce qui est à retenir comme essentiel, c’est la revendication d’une appartenance religieuse. La croyance en Dieu vient après, pour légitimer le désir d’appartenir au groupe des élus. Mais cette observation vaut pour toutes les idéologies closes défendues par des organisations telles que mouvements et partis, qu’elles soient théistes ou athées. Le désir de se retrouver parmi des personnes qui partagent le même idéal entraîne et entretient la foi en cet idéal. Pour être, il faut «en être», donc il faut partager les idées et le pain de ceux qui «en sont» déjà.
 
La communauté qui se réfère au Dieu des religions monothéistes et qui veut imposer sa foi par la violence est dite «intégriste». La communauté qui se réfère aux Dieux des mythologies nordiques et qui veut imposer sa foi par la violence est dite «fasciste» ou nazie. Il y a des communautés tout aussi dogmatiques et totalitaires qui reproduisent en les inversant les signes du religieux et qui, laïcisant le concept de providence divine en déterminisme historique, ont tout aussi conscience de faire partie du groupe des élus face à des réprouvés.
 
Et toutes ces communautés permettent à des hommes de se réchauffer entre eux, de vivre les plaisirs d’une connivence fraternelle entre «appelés» ou «missionnés» pour sauver le monde. Toutes ces communautés sont les lieux de la bonne conscience, valorisent la violence et procurent à leurs membres le plaisir de juger, de condamner, de terroriser et de tuer.
 
Les manipulateurs, lorsqu’ils élaborent un discours, ne tiennent compte que d’une chose: qu’est-ce que le public a envie d’entendre? Qu’est-ce que les gens ont envie de penser et de croire? Et, quels que soient les programmes, le thème autour duquel s’articule l’argumentaire est toujours le même. Le déni de réalité protège d’une réalité insupportée.
 
Qui veut vraiment combattre les idéologies et la violence totalitaire doit aussi se battre contre les effets pervers de la démocratie qui leur procure des armes. Chaque jour, les fascistes, les intégristes, les nationalistes dénoncent les abus de pouvoir et les injustices, le comportement de nombreux notables et hiérarques qui profitent de tous les moyens de s’enrichir au détriment de la collectivité.
 
Ce que ces gens peuvent dire de vrai leur permet de faire passer les mensonges les plus grossiers, les calomnies les plus odieuses, comme ceux que M. Niasse crache haineusement sur Macky SALL, Président de la République du Sénégal. Les mensonges les plus grossiers sont reçus comme vraisemblables et même vrais chez des personnes qui partagent les mêmes préjugés et qui, à cause de ceux-ci, dénient la réalité. Mais cela ne suffit pas; il faut que ces préjugés soient confortés par des faits réels qui, bien traités par les manipulateurs au moyen de généralisations et d’amalgames, permettent d’inventer d’autres faits, ceux-là totalement dénués de fondement. Les calomnies dont Macky SALL, Président de la République du Sénégal est victime, ne reposent sur aucun fait réel, seulement sur de la haine. Mais ce qui est devenu de la haine a été, au commencement, un sentiment de frustration causé par des faits réels, avec lesquels le Président SALL n’a rien à voir.
 
Il faut approcher l’interaction des mythes et des comportements. Cette approche permet d’éclairer les voies obscures qui relient les idées aux désirs. Il s’ensuit qu’elle peut nous permettre de voir comment fonctionne la maladie la plus mortelle parmi les hommes, celle qui les maintient esclaves de l’instinct et qui les fait se comporter comme des prédateurs.
 
Cette maladie c’est la «cratophilie» (amour du pouvoir). Il faut regarder les comportements pathogènes que cette maladie crée.
Demba Dieng
Lausanne (Suisse)