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La Terre n’a pas qu’une seule lune

Rédigé par leral.net le Jeudi 29 Décembre 2011 à 14:29 | | 0 commentaire(s)|

Mardi 20 décembre, le Weekly World News a annoncé au monde ébahi l'apparition d'une seconde Lune dans le ciel australien. Précisons d'emblée que cet organe de presse est un de ces journaux loufoques à sensation spécialisés dans les apparitions d'extra-terrestres, de mutants ou de zombies, que lisent assidûment les Men in Black dans le film de Barry Sonnenfeld. Même si sa seconde Lune était un canular assorti d'un grossier photomontage, le Weekly World News pourrait, involontairement, ne pas s'être situé trop loin de la réalité !


Crédit photo : NASA/NEAR
Crédit photo : NASA/NEAR
En effet, dans une étude prochainement publiée par la revue Icarus, un trio d'astronomes comprenant le Français Jérémie Vaubaillon (Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides à l'Observatoire de Paris) s'intéresse à une population méconnue de petits objets, les "orbiteurs temporairement capturés" (OTC). En d'autres termes, il s'agit de petits astéroïdes se promenant dans les environs de notre planète (on les appelle aussi géocroiseurs) qui tombent prisonniers du champ gravitationnel de la Terre et se mettent à tourner autour d'elle pour quelques mois, quelques années ou quelques siècles.

Il ne faut pas confondre la catégorie des OTC avec celle des quasi-satellites dont le représentant le plus connu est l'astéroïde Cruithne. Ces astres accomplissent leur révolution autour du Soleil sur une orbite si proche de la nôtre que l'on peut avoir l'impression trompeuse, depuis la Terre, qu'ils en sont des satellites. Rien de tel pour la famille des OTC qui tournent bel et bien autour de notre planète mais dont on n'a détecté pour le moment qu'un seul membre. Le 14 septembre 2006, un des télescopes du Catalina Sky Survey, projet destiné à recenser les géocroiseurs et par conséquent les astéroïdes potentiellement dangereux, détecte un "caillou" d'environ 5 mètres de diamètre qui sera baptisé 2006 RH120. L'analyse de sa trajectoire montre que l'objet, à l'origine sur une orbite héliocentrique, a été capturé par la gravité de notre planète et qu'il en fait gentiment le tour depuis plusieurs mois. En juin 2007, il s'en approche à moins de 300 000 kilomètres (soit nettement moins que la distance Terre-Lune) puis retourne sur une orbite héliocentrique.

Les auteurs de l'étude à paraître dans Icarus se sont demandé si 2006 RH120 représentait un cas isolé ou si la capture par la Terre de minuscules astéroïdes de l'ordre du mètre pouvait être monnaie courante. Pour le savoir, ils ont donc modélisé l'influence de tous les objets massifs du système solaire sur les petits astres qui voguent sur des orbites voisines de la nôtre. Les trois principaux protagonistes sont évidemment le Soleil, la Terre et la Lune. Des milliards de calculs, effectués sur le super-ordinateur français Jade du Centre informatique national de l'enseignement supérieur, ont livré un résultat étonnant. Les captures en question sont si fréquentes qu'à tout moment la Terre a, en plus de la Lune, au moins un autre satellite... provisoire. A l'instar d'une pièce de théâtre qui ne quitte pas l'affiche pendant des années, le rôle de second satellite est tenu par différents acteurs qui se succèdent au fil du temps. Comme dans la comptine, ces objets font en moyenne "trois petits tours et puis s'en vont", ce qui leur prend un peu moins de dix mois.

Les orbites sont donc en général instables mais des surprises peuvent arriver comme ce cas de figure où un astéroïde virtuel, après avoir été pris au lasso par la gravité de la Terre, effectue un survol en rase-mottes de la Lune, ce qui modifie de nouveau sa trajectoire et le place sur une orbite où il sera satellisé pour longtemps. Au maximum, la peine d'"emprisonnement" peut tout de même durer près de neuf siècles. Celle-ci s'achève en général par une évasion mais il arrive aussi que les OTC meurent en captivité. En effet, environ 1% d'entre eux finissent leur course sur la Terre. Comme ces astéroïdes sont de taille très modeste (du décimètre de diamètre à quelques mètres), ils se consument en entrant dans l'atmosphère et ne risquent pas de provoquer de dégâts au sol.

Savoir que la Terre dispose probablement en permanence d'un second satellite constitue, selon les auteurs de l'étude, un atout important. En effet, la NASA a, à plusieurs reprises, évoqué l'idée d'envoyer des astronautes sur des astéroïdes, corps primitifs porteurs d'informations précieuses sur la formation du système solaire. Au lieu d'expédier des hommes à des millions de kilomètres de la Terre, pourquoi ne pas attendre qu'un astéroïde vienne se faire prendre dans notre banlieue spatiale et aller l'y récupérer ? Cela impliquerait certes de réaliser un effort de détection de ces minuscules objets mais la mission deviendrait bien plus simple et moins coûteuse. Le trio de chercheurs terminent leur étude sur cette phrase : "Etre capable, tout d'abord, de décrire un météoroïde à distance, puis de lui rendre visite et de le rapporter sur Terre aurait un potentiel scientifique sans précédent." Ce serait comme un mini-programme Apollo. A bas prix.


lemonde.fr
http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2011/12/29/la-terre-n-a-pas-une-seule-lune/