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La responsabilité des médias dans la construction continue de la cohésion sociale et nationale face au « Wolofmania »

De fait, force est de constater que la langue Wolof est devenue par la force des choses la langue la plus parlée et la mieux partagée en milieu urbain et péri- urbain pour des raisons multiples liées à l’histoire, à la géographie, à la politique et au positionnement en premier ligne de celle-ci par un coup de pouce de la presse parlée et audiovisuelle. Grosso modo, pour l’histoire, la principale chance du Sénégal, c’est d’avoir eu comme premier Président de la république un homme de culture de l’acabit de Léopold. S. Senghor qui a su poser dès le début de son magistère les jalons de l’intégration nationale des entités ethniques et dans l’administration et dans tous les autres secteurs.


Rédigé par leral.net le Jeudi 15 Octobre 2015 à 09:30 | | 0 commentaire(s)|

Brièvement, aucune ethnie n’a été favorisée au détriment des autres. La langue du colon, le français fut adoptée comme langue officielle. La langue d’apprentissage à l’école. La langue de valorisation sociale et culturelle. Durant son règne, six langues étaient érigées en rang de langues nationales : le Wolof, le Mandinko, le Soninké, le Diola, le Pular et le Sérère.

Dans les médias de services publics (à la radio comme à la télévision) une place avait été réservée à ces langues nationales dans les grilles de programme et dans les éditions d’information. Quotidiennement pour le Wolof. Et hebdomadairement, pour les autres langues. Puis, est intervenue la volonté des annonceurs de communiquer autrement pour toucher leurs cibles dans leur campagne de communication. L’apparition des médias privés dans le paysage médiatique dans les années 90 aidant, la langue Wolof fut consacrée définitivement langue d’information et de communication de masse incontournable. A la radio comme à la télévision, les éditions d’information sont désormais faites en deux langues : en français et en wolof. De fait, la langue Wolof est érigée en langue officielle sans être dit et écrit noir sur blanc.

Evidemment que oui, faisant face à de multiples charges, les médias privés au même titre que les annonceurs ne peuvent pas faire l’option de continuer d’user uniquement de la langue française, une langue d’audience réduite , une langue de l’élite pour communiquer et atteindre leur cible pour les uns et pour augmenter leur taux d’audience pour les autres.

Or, pour les annonceurs comme pour les medias, la langue wolof étant la mieux partagée au Sénégal en tout cas dans les centres urbains et péri-urbains donc c’est tout naturel d’en faire usage pour faire passer leur message. La cible de l’annonce déterminant le choix du canal et de la langue à utiliser, la langue wolof s’est imposée naturellement non sans anicroche comme notre langue de communication de masse de préférence. Toutefois, l’école primaire a été pour longtemps, un rampart non négligeable au développement de nos langues nationales y compris le Wolof avec l’introduction du symbole qui empêchait les élèves de parler leur langue maternelle. A cette époque, le fait de parler sa langue maternelle à l’école était considéré comme un délit par le maître d’école passible de peine de châtiment sans compter les difficultés non encore mesurées que cela avait entraîné dans les relations entre parents et enfants à la maison.

En effet, une langue, quelle que puisse être son origine : africaine, asiatique, européenne ou américaine, est un véhicule de valeurs, d’éléments d’’identité et de référence de poids non négligeable pour l’individu qui la parle. Elle permet non seulement la communication entre deux locuteurs de la même langue mais aussi suscite en même temps de la sympathie et des liens affectifs qui en découlent. En substance, les hommes politiques connaissent bien le capital de sympathie que l’on gagne en parlant la langue des populations que l’on visite et du coup, forts de cette connaissance, ils ne s’empêchent pas d’en user si c’est nécessaire (les Présidents Léopold S. Senghor, Abdou Diouf en ont usé. Le Président américain John F. Kennedy en Allemagne).

La concurrence entre les groupes de presse (chaines de télévision et radio) en termes d’audimat, entre les entreprises en termes d’intérêts commerciaux et entre les hommes politiques en termes de légitimité et de pouvoir politique ont fait naître et grandir le « Wolofmania » dans le secteur de la communication. Au final, on est arrivé à un tel point de penser et de croire que tout ce qui n’est dit et annoncé en Wolof n’est pas partagé avec le grand public. Que cela n’en déplaise les autres qui ne partagent ce point de vue, cette façon de voir les choses regorge une part de vérité.

Le « Wolofmania » se lit aussi à travers l’analyse de nos grilles de programmes radio et télévision. On a observé non sans se poser la poser la question sur l’efficacité du genre d’émission linguistiquement hybride c’est à dire le fait de diviser le timing d’une émission en deux temps autrement dit en deux parties : une en français et une autre en Wolof.
Il se lit également à la façon dont certaines émissions (radio) sont conduites dans les autres langues nationales et dans les cérémonies officielles religieuses des entités non Wolophones.

Même la dénomination des partis politiques n’a pas échappé au « Wolofmania » c’est-à-dire à l’envahissement possessif du Wolof. Si certains partis politiques sont restés classiques dans l’appellation nominative de leur parti par exemple : PS, PDS, LD / MPT, PIT et AFP etc par contre ce n’est pas le cas pour d’autres. Exemple : APR Yaarkar et REWMI pour ne citer que ceux-là.

A l’Assemblée nationale, l’ex député PS, feu Lobat FALL faisait l’exception du fait de parler Pular pendant les plénières. Le français et la langue Wolof sont restés les deux langues les plus utilisées. Même si les autres langues ne sont pas interdites d’usage à l’Hémicycle. Bref ! Tout cela dénote notre « Wolofmania » ou la dynamique expansive de la langue Wolof mais aussi et surtout souligne de façon éloquente l’acceptation par les entités ethniques sénégalaises non Wolophones de la langue Wolof comme langue de communication. Pourquoi pas de conversation ! Soit dit, le fait que la langue Wolof soit acceptée et soit la mieux partagée par les entités ethniques non Wolophones n’est pas le fruit du hasard.

En effet, beaucoup de facteurs ont concouru à la positionner en premier ligne devant les autres langues nationales du Sénégal dont les médias à travers la place qu’ils lui ont réservée dans leurs grilles de programmes. A ce titre, par le truchement des programmes, faut-il le rappeler, les médias ont un rôle très important à jouer dans la construction continue de la cohésion sociale et nationale en faisant émerger les identités et les minorités culturelles invisibles sur nos écrans.

Si les médias ont d’une part contribué substantiellement à faire de la langue Wolof la langue la mieux partagée cependant, d’autre part, ils ont joué en même temps un rôle de contrepoids prépondérant pour étouffer à l’œuf les éventuelles revendications d’identité culturelle des entités ethniques qui ne se reconnaissaient pas dans les offres de programmes nationaux. Justement, la création de stations régionales radio par les médias publics comme privés ainsi que la mise en place de chaines de télévision régionales par la RTS avec des grilles de programmes locales ont d’un côté contribué à inhiber les velléités de revendication identitaire culturelle chez les entités ethniques non wolophones exclus des programmes nationaux (radio et télévision) et de l’autre côté, les programmes locaux de ces stations régionales participent également à freiner le processus d’intégration nationale des entités ethniques sénégalaises par le bais du partage des valeurs culturelles via d’émissions de télévision et de radio.

La langue Wolof a pris une place importante dans la communication, au jour d’hui beaucoup plus que sur le passé. En vérité, on assiste présentement à une sorte de « Wolofmania » tellement grande que le fait de parler Wolof est en passe devenir une garantie d’identité de notre Sénégalité. Ce qui est tout faux. Car notre Sénégalité, n’est uniquement pas faite que du Wolof. Notre Sénégalité est à la fois du Peul, du Mandingue, du Sérère, du Diola, du Soninké, du Ballante, du Manjacque, du Papel, du Bassari etc. . Tous confondus.

Les hommes politiques et les médias se doivent de regarder en face la problématique de l’absence des minorités linguistiques culturelles sur nos écrans de télévision. Ni la course à l’audimat, ni les intérêts commerciaux des entreprises ne peuvent justifier une telle absence criarde. C’est une question d’intérêt national et stratégique visant l’intégration intégrale de nos entités ethniques, linguistiques et culturelles malheureusement, au jour d’hui non visibles sur nos écrans de télévision en particulier.

Le « Wolofmania » quand tu nous tiens ! On a reproché à Karim WADE de ne pas parler Wolof. Pour cela donc, il ne peut devenir Président de la république du Sénégal. Depuis quand, les Présidents de la république sont-ils élus du fait de parler une langue nationale fut elle la mieux partagée ?

Pour être Président de la République du Sénégal c’est la constitution qui en a fixé les conditions et les modalités. La langue Wolof n’est pas posée comme une conditionnalité. Comme toutes les autres langues nationales. Sur ce, il faut être âgé de 35 ans et savoir lire et écrire en français. Etc. Et suite au drame de Mouna en Arabie Saoudite, certains ont reproché au Général Amadou DIA de ne pas parler Wolof. Alors, par ce qu’il ne parle pas Wolof, il ne doit pas être commissaire au pèlerinage à la Mecque. Attention ! L’Etat et les médias doivent fixer des limites à cette « Wolofmania » généralisé pour conserver nos acquis de pays où des entités ethniques linguistiques culturelles différentes vivent dans la paix et la tolérance dans une parfaite harmonie.

Baba Gallé DIALLO
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