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La révolte des jeunes de Diannah Malari était prévisible !


Rédigé par leral.net le Samedi 29 Août 2015 à 20:35 | | 0 commentaire(s)|


En fin Mars 2013, je suis allé rendre visite à mes parents à Diannah Malari à la veille de mon départ pour la Cote D’ivoire pour une rencontre de la CEDEAO à laquelle je devais prendre part. A cette époque déjà, la situation de l’accès à l’électricité était une préoccupation majeure. Les conditions auxquelles les populations étaient soumises étaient intolérables. Certaines familles avaient purement et simplement renoncé à l’électricité du fait d’une part du rythme cadencé du paiement des factures estimées et d’autre part de la charge financière exorbitante qui résultait à la fois du rythme de paiement mais aussi et surtout du mode de facturation. A la place des compteurs convenus entre les deux parties pour mesurer leur consommation respective on leurs a présenté des disjoncteurs. C’est quoi ça ! Bon sang ! On est où là ?
A mon retour, j’ai écouté l’émission grand jury du Dimanche 03 février 2013 de Mamadou Ibra KANE sur la RFM qui avait reçu l’ancien ministre de l’énergie M. Aly Gouille NDIAYE. Fort des renseignements que je possédais, après l’avoir écoutée, je n’ai pu m’empêcher à l’époque d’écrire un article titré : Les populations de Diannah Malari, victimes et otages de l’électricité pour attirer l’attention des autorités Etatiques et gouvernementales sur cette anomalie.
Selon M Aly Gouille NDIAYE ancien ministre de l’énergie, la coalition « Bokkh Yaarkar » en arrivant au pouvoir avait trouvé le taux de l’électrification rurale à hauteur de 24%. Leur ambition d’ici 2017 était de relever ce taux à 50%. C’est le minimum selon ses propres termes car il ne sert à rien de promettre des choses dont on ne serait pas capable de respecter. Concernant les contrats de concessions, elles sont au nombre de six à leur arrivée et il faut les porter à dix. Selon toujours l’ancien ministre M. Aly Gouille NDIAYE d’ici 2017, 3200 villages allaient être électrifiés. Ce qui est ambitieux et louable !

A la lumière des évènements de ce jeudi 27 Aout 2015 survenus à Diannah Malari, j’invite à nouveau les autorités Etatiques et gouvernementales à regarder un peu plus près comment s’est déroulée et comment est en train de se dérouler cette électrification rurale à l’intérieur du pays qui faut-il le souligner n’est pas une fin en soi mais un moyen d’apporter un peu plus de bien être aux populations et qui est un droit. Le cas de la commune de Diannah Malari déjà électrifié est un échec patent et à la limite une arnaque financière qui ne dit pas son nom et qui n’a fait que trop duré. Cette révolte des jeunes de Diannah Malari était prévisible pour ceux et celles qui savent l’injustice qu’ils ont subis depuis des années. Elle est l’expression d’un ras le bol pour des jeunes qui ne savent plus également à qui s’adresser pour résoudre le problème de l’électricité dont ils sont confrontés depuis belle lurette.

En effet, il faut noter que tout le bien qu’on devrait s’attendre des rapports entre l’administrateur et l’administré n’est pas le plus souvent pas au rendez-vous pour plusieurs raisons. Pour les jeunes de Diannah Malari, ils vivent cette injustice depuis des années sans solution. Alors, si le président de la république devient la seule personne aux yeux des populations capable de résoudre leurs problèmes, dans ce cas, osons le dire que l’administration en tant que entité technique et administrative a échoué dans sa mission. Et dans cette optique, la seule façon de se faire entendre du président de la république c’est de faire du bruit quitte à faire entorse à la loi. La liberté de manifestation est un droit constitutionnel mais l’entrave à la circulation est une entorse à la liberté d’aller et de venir qui est-elle aussi érigée en valeur constitutionnelle (articles 9 et 10 de la constitution de 2001)

En vérité, les jeunes de Diannah Malari n’ont pas tort de revendiquer le droit d’avoir de l’électricité continue avec des compteurs qui mesurent l’état de leur consommation respective. Car l’électricité est le moteur même du développement. Elle est pour l’économie d’un pays ce qu’est l’oxygène pour la vie humaine. L’ambition du gouvernement de Macky SALL d’électrifier 3200 villages d’ici 2017 annoncée par son ancien ministre de l’énergie lors de l’émission Grand jury du Dimanche 03 février 2015 est à saluer et participe à la démocratisation de l’accès à l’énergie qui est très important. Car il permet aux populations de développer des activités économiques porteuses de revenus qui impactent sur l’augmentation de la qualité de leur vie. Au total, ce que les populations attendaient de l’électrification de la commune de Diannah Malari n’est malheureusement pas au rendez-vous Bref ! Ce qui a conduit à la révolte des jeunes en bloquant la circulation. Selon les discussions que j’ai eues çà et là pendant mes passages annuels à Diannah Malari ou par voie de téléphone avec les membres de ma famille et quelques amis habitants la commune, au début, lorsque les responsables de l’électrification sont arrivés, ils ont appelées les populations en réunion pour les expliquer les tenants et les aboutissants du projet. Ils ont demandé à chaque concession désireuse d’avoir de l’électricité de verser préalablement la somme de treize mille francs pour obtenir un compteur. Les concessions et ménages intéressés avaient déboursé la somme sans hésiter. Ils ont établi une liste, encaissé l’argent et sont partis. Plus tard, ils sont revenus et leurs ont apporté des disjoncteurs sans compteurs. Ce n’était pas ce qui était convenu avec les populations qui malheureusement n’ont pas réussi à parler d’une seule voix à l’époque.

Pour payer les factures estimées, ils ont divisé les abonnés en trois catégories. La première paye plus de quatre mille francs, la deuxième, plus de huit mille et enfin la troisième plus de treize milles. Ainsi, chaque fin de mois, chaque abonné débourse la même somme correspondant à sa catégorie à laquelle elle appartient Et puis après comment ça fonctionne ? A 19heures, les responsables de la centrale allument le courant, à 1heure du matin, ils la coupent. Lorsqu’ils sont en rupture de carburant, les populations restent dans le noir. Dans ce cas, qui donne le carburant pour faire fonctionner la centrale ? La population, en plus des factures mensuelles qu’elles payent ! Il est arrivé aussi que certains fils de la commune en séjour de vacances achètent du carburant pour alimenter la centrale électrique durant tout leur séjour. Quand ils repartent, les populations retombent dans le noir. Or au même moment à Dakar, dans un même pays, le paiement des factures d’électricité est bimensuel et la consommation est mesurée par un compteur approprié. Ce qui est une aberration qui ne peut s’expliquer. Nous sommes indubitablement en présence d’une injustice sociale qui n’a fait que trop durée et que l’Etat doit corriger.

Dans ses missions régaliennes, l’Etat se doit de protéger, de faire appliquer et de sécuriser les droits économiques et sociaux des populations. C’est là où pèchent la plus part des Etats africains y compris le Sénégal. Ce qui m’étonne, c’est le fait de voir l’Etat du Sénégal regardait une entité sociale quelconque commettre une injustice sur une autre entité sociale faible ou affaiblie sans lever le petit doigt. Comment un concessionnaire peut-il faire payer des populations des factures d’électricité estimées avec des disjoncteurs sans que l’Etat ne réagisse ? Comment peut-on assister à la baisse du prix du baril du pétrole sans que l’Etat ne fasse en sorte que cette diminution soit répercutée sur le prix du transport ? Comment est-ce possible que l’Etat décide la baisse du prix du loyer sans que cela ne soit respecté par les bailleurs ?

Dans un pays où tout le monde pense que seul le Président de la république est capable de régler son problème m’amène à dire que soit les populations sont nostalgiques des rois soit elles sont déçues par l’administration à la quelle elles ne croient plus. Sur ce point, il urge que l’Etat se donne les moyens de résoudre ce problème assez symptomatique du dérèglement de la république.

En plus de vivre des difficultés spécifiques, l’électrification rurale au lieu d’être une opportunité à saisir par les populations pour développer des activités économiques en vue d’améliorer leur quotidien est devenue à Diannah Malari un moyen pour le concessionnaire de pressurer les populations par des factures mensuelles estimées. Entre 19h et 1heure du matin qu’est ce qu’on peut faire comme activités lucratives ? On ne peut pas vendre de la glace, des crèmes et de la boisson. On ne peut pas conserver les aliments. On ne peut regarder la télé que dans cette fourchette de temps (19h -1heure du matin) Quel déséquilibre de traitement entre populations d’un même pays ! Au moment où on parle à tous azimuts de civisme et de patriotisme, c’est une honte que des populations qui ont du mal à joindre les deux bouts, qui cherchent à manger à leur faim soient arnaquées de cette façon là. Elles avaient demandé des compteurs, ils leurs donné des disjoncteurs. Quelle foutaise !

L’Etat ne doit pas choisir des concessionnaires, s’en arrêter là et fermer les yeux advienne que pourra ! Certains d’entre eux sont de véritables carnaciers qui sucent sans scrupules et sans vergogne le sang de pauvres paysans qui ont du mal joindre les deux bouts. En définitive, les populations de Diannah Malari ne veulent disposer que de la régularité du courant. Pour cela, elles demandent la révision des termes de contrat de concession, l’installation de compteurs dans leur foyer respectif pour payer le montant de facture d’électricité qui correspond à leur consommation. Au cours des évènements du Jeudi 27 Aout 2015 dix jeunes ont été arrêtés, conduits à Sédhiou. Aux dernières nouvelles, ils seront déférés à Kolda à partir de Lundi 01 Septembre 2016 Tout en condamnant les actes de violence, je crois que la mise en cachot des jeunes n’est pas une solution.

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Baba Gallé DIALLO / Réalisateur / bbgd70@yahoo.fr