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Le Brésil sur les épaules de Neymar

Prodige et héritier annoncé de sa majesté Pelé, « O Rei » en personne, Neymar est l’incontournable star de la Seleçao 2014. Il porte sur ses épaules un poids considérable pendant cette Coupe du monde. Mais le jeune attaquant du Barça a ça pour lui : il sait prendre ses responsabilités.


Rédigé par leral.net le Samedi 28 Juin 2014 à 09:42 | | 0 commentaire(s)|

Le Brésil sur les épaules de Neymar
Dans les deux semaines qui s’annoncent, cette Seleçao 2014 connaitra son destin. Il sera glorieux ou misérable. Il n’y aura probablement pas d’entre-deux. Le titre, et l’équipe restera à jamais comme celle ayant enfin tourné la page du roman noir du Maracanazo. Elle sera l’équipe du 6e titre brésilien et plus encore celle du sacre à domicile. Tout autre résultat la marquera au fer rouge comme une génération maudite. Ce qui est vrai pour ce groupe l’est tout particulièrement pour Neymar. Parce qu’il incarne plus et mieux que tout autre cette Seleçao. Au plan sportif, médiatique, populaire, il y a Neymar et les autres. C’est son équipe. Ce sera donc, pour lui plus encore que pour les autres, son triomphe ou son échec.

Cela ne veut pas dire que ce Brésil ne compte pas d’autres joueurs de haut niveau. Un Thiago Silva, pour ne citer que lui, est une immense pointure à son poste. Mais jamais un défenseur central n’incarnera la Seleçao. C’est comme ça. Cette incarnation, c’est Neymar. Il est l’héritier de la lignée des Garrincha, Pelé, Romario et Ronaldo. C’est sur ces cimes, en tout cas, qu’il est attendu. Depuis son adolescence glorieuse à Santos, il porte d’ailleurs l’étiquette de plomb : le « nouveau Pelé ». Nous connaissons ce phénomène en France. Il y a eu dix ans de « nouveaux Platini » et bientôt une décennie de « nouveaux Zidane », depuis la retraite de ce dernier. Dans le cas de la comparaison Pelé-Neymar, c’est la même chose. Puissance 50. Parce qu’il s’agit du Brésil. Et de Pelé.

Un double héritage à porter, et à porter seul

L’équipe de Luis Felipe Scolari ne compte pas 15 stars. Pas même 5. Elle n’en a qu’une. Neymar Junior. Loin des mosaïques de légendes des cuvées 1958, 1970 ou 1982. Loin, même, du tandem Romario-Bebeto de 1994 et du trio des trois « R » en 2002. Non, cette fois, il y a Neymar et point barre. « La difficulté pour Neymar, c’est non seulement d’avoir à porter le poids d’un colossal héritage, estimait récemment l’ancien capitaine de l’équipe de 1970 Carlos Alberto, mais aussi de devoir le porter seul. » Vrai. Zico a été « le Pelé blanc », mais en 1982, il avait Socrates, Falcao, Eder, Junior ou Cerezo à ses côtés. Neymar est ce qu’il reste de caution brésilienne dans le 11 assez mécanique de Scolari. Le Brésil lui impose de le faire gagner, le reste du monde d’être le dépositaire d’un jeu fantasmé. C’est beaucoup pour un seul (jeune) homme.

Neymar (Brésil) face au Cameroun

Neymar (Brésil) face au Cameroun – Panoramic

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Neymar sait assumer. Il l’a prouvé l’an dernier lors de la Coupe des Confédérations en portant le Brésil vers le titre à domicile, le tout avec la couronne de meilleur joueur du tournoi. « Il jouait gros, se souvient dans les colonnes de Globo son père, qui a consacré sa vie à la carrière de son fils, qui porte également son prénom. Il était ou le héros ou le salaud dans cette Coupe des confédérations. » Avant le début de la compétition, il s’était même rajouté un surcroit de pression en demandant à porter le numéro 10, lui qui avait toujours eu le 11 en sélection. « J’ai demandé le numéro 10, avait-il assumé publiquement à la télé, parce que c’est un symbole, encore plus ici au Brésil. »

» Nous sommes en train de créer un monstre »

C’était d’autant plus gonflé que Neymar traversait alors une période difficile. En manque de réussite lors de ses dernières sorties avec Santos avant son transfert au Barça, il marquait peu. Mais il a estimé que c’était son devoir de s’imposer cela. « Je me suis dit qu’il était fou, soupire son père. Il avait déjà tellement de pression. J’ai pensé ‘décidément, il n’aime vraiment pas vivre en paix’ « . Depuis la Coupe des Confédérations 2013, les Brésiliens ont davantage confiance en Neymar. Ils le sentent capables de remplir sa mission. Il a gagné le respect. Comme si la chrysalide avait éclos. Loin de la cinglante tirade de René Simoes, deux ans et demi plus tôt…
•Revoir le 100e but de la Coupe du monde, signé Neymar

C’était en septembre 2010. Le 15, exactement. « Sans doute la pire soirée de ma carrière, se souvient Neymar. Ce jour-là, lors d’un match face à l’Atletico GO, il tire la tronche parce que son entraineur, Dorival Junior, a demandé à Marcel de tirer un penalty plutôt qu’à lui. Neymar échange des mots violents avec son entraineur. Une insulte fuse au passage. René Simoes, assis sur le banc d’en face, a tout vu et tout entendu. Consterné, il va livrer une charge contre le jeune Neymar qui va faire beaucoup, beaucoup de bruit. « Je suis très déçu, dira celui qui fut notamment sélectionneur de la Jamaïque lors du Mondial 1998. J’ai toujours travaillé avec des jeunes, je suis un éducateur et je n’ai jamais vu ça. Aujourd’hui, Neymar n’est ni un homme ni un grand joueur. Il faut éduquer ce garçon, sinon nous allons créer un monstre. » « Ce n’est pas le garçon que j’ai mis au monde », dira à son fils la mère de Neymar ce soir-là.

31 jours pour forger une légende ou figer une carrière

L’épisode va beaucoup nuire à Neymar et forger son image d’enfant gâté. Comme la raclée subie en finale de la Coupe du monde des clubs avec Santos face au Barça en 2011. « Qu’il devienne déjà Messi avant d’être Pelé », avait alors raillé Romario, jamais avare d’une cruauté verbale. « Neymarketing », comme le surnomment ses détracteurs, surtout quand il n’est pas bon, a encaissé tout ça. Il a appris aussi. Au moment de la Coupe des confédérations, l’an dernier, Simoes avait salué la métamorphose de Neymar. « Il a beaucoup muri, c’est la preuve que c’est un garçon intelligent et surtout bien entouré, avait-il estimé. Puis son transfert à Barcelone va lui faire du bien, c’est le bon endroit pour lui. »

Sa première campagne catalane a été, au mieux, mitigée. Mais le Brésil s’en moque. Seuls comptent les 31 jours qui séparent le Brésil-Croatie du 12 juin de la finale du 13 juillet. 31 jours. Pour le meilleur ou pour le pire. Jusqu’ici, Neymar a presque tout bon. Mais l’histoire s’écrit maintenant. Le Brésil ne gagnera pas qu’avec lui, mais il ne gagnera pas sans lui. Et tout le monde ici est convaincu que le destin de cette Seleçao est lié à celui de l’héritier. Comme Rai. « Si Neymar joue vraiment bien, le Brésil peut gagner. S’il est moyen, le Brésil sera une équipe comme une autre. S’il est mauvais, le Brésil sera pire que bien d’autres équipes », juge l’ancienne idole du Parc des Princes. C’est l’histoire de Neymar. Héritier promis au trône, devant assumer les pleins pouvoirs. Depuis deux semaines et, l’espère-t-il, pour deux autres, il mène la bataille qui forgera sa légende ou figera sa carrière.
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