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Le Sénégal en bonne place pour s’imposer comme Hub de la finance islamique - Par Mamadou Lamine Mbacké

Rédigé par leral.net le Vendredi 18 Juillet 2014 à 08:32 | | 0 commentaire(s)|

Le Sénégal en bonne place pour s’imposer comme Hub de la finance islamique - Par Mamadou Lamine Mbacké
L’émission d’un Sukuk (obligation en matière de finance islamique) était l’une des résolutions du Gouvernement sénégalais à l’issue du 1er Forum International de la Finance Islamique dans l’UEMOA que l’Institut Africain de la Finance Islamique (Aiif), a organisé en partenariat ave le ministère de l’économie et des finances ,en janvier 2010. Cette émission était prévue en 2012 mais elle a accusé un retard à cause des élections de 2012. L’évènement vient à son heure car la plupart des experts de la finance islamique surtout du monde anglophone considérait le Sénégal comme potentiel eldorado en tant que destination des investissements islamiques du fait de sa forte population musulmane et son statut de pays en voie d’émergence. Avec un gap infrastructurel énorme, nos pays regorgent d’intéressants retours sur investissements potentiels si l’environnement est favorable aux investissements directs étrangers. Avec l’organisation de 3 grands forums (en 2010, 2011 et 2013) regroupant les sommités de la Finance islamique du monde à Dakar ainsi que l’ensemble du secteur public et privé de la sous région, en sus de la formation de plus de 700 professionnels de la Finance dans le Sénégal et la sous région (Mauritanie, Niger, Gambie, Togo, etc.… ), nous sommes en mesure de dire que l’Aiif a joué un rôle de pionnier dans ce domaine et a grandement permis de positionner notre pays comme un hub de la finance islamique, terme que j’ai été le premier à prononcer lors du lancement de notre forum de 2010. Au vu de l’expérience acquise au contact de la Malaisie, de Bahreïn et du Royaume Uni(Londres), nous avons fait preuve de beaucoup d’impatience par rapport à la vitesse de mise en place de cette industrie dans notre pays. Aujourd’hui, nous sommes satisfaits de voir enfin la machine mise en branle avec l’émission de ce premier Sukuk Souverain, bien que nous déplorons la mise à l’écart, volontaire ou non de l’expertise locale comme l’AIIF, pourtant très respecté sur l’international et pionnier de cette industrie financière en Afrique de l’Ouest.

La règlementation bancaire ne doit plus constituer un frein, soyons pratiques

La Banque islamique de développement (Bid) a financé pour le compte du Sénégal une étude commanditée par le Ministère des Finances pour adapter la réglementation bancaire au système financier islamique au lendemain de notre premier Forum. Confié encore une fois à un cabinet étranger qui a présenté les résultats de cette étude, nous restons sur notre faim quelques années plus tard de voir son effet sur la réglementation bancaire. Apparemment rien de concret ne puisse être signalé à part quelques maigres changements sur le code général des impôts. L’expertise locale, qui maîtrise mieux les contours de notre système juridico-financier, aurait apporté des propositions de changements plus concrets pour adapter parfaitement la Finance Islamique à notre réglementation.

Finalement avec le cabinet anglais IFC (Islamic Finance Council) avec lequel l’AIIF a signé un accord de partenariat depuis 2010, qui a aidé le gouvernement britannique, Ecossais et Nigérian à la mise en place des changements effectifs nécessaires pour une règlementation bancaire conforme à la finance islamique, nous avons introduit une offre de services à la BCEAO pour la mise en place d’un Project Management Office donnant aux autorités un plan d’action quinquennal pour développer la finance islamique à travers l’UEMOA en ce qui concerne les banques commerciales, les marchés financiers islamiques, l’assurance islamique etc.…L’idée était d’allier la meilleure expertise internationale dans ce domaine avec la meilleure expertise locale. Après plusieurs réunions avec la BCEAO, les choses sont encore à la traine. Nos partenaires anglais n’arrivent pas à comprendre les lenteurs au niveau local vu les opportunités que représentent la Finance Islamique pour nos pays. Si l’Ecosse à finalisé la conformité de sa règlementation bancaire, on devrait vraiment s’inquiétait que le Sénégal, avec plus de 95% de population musulmane, tarde à avancer dans ce domaine.

LA BIS lance ses premiers produits 100% conformes à la sharia

La Banque Islamique du Sénégal (BIS) pour qui ,l’AIIF a formé la quasi totalité du staff est en train de mettre sur le marché des produits de vente comme la Murabahha tout comme aussi des produits basés sur le partenariat comme la Musharakah. Il faut comprendre que s’ils sont bien compris par les banquiers et bien mis en place, les produits financiers islamiques sont plus éthiques que ceux du conventionnels mais aussi plus rentables aussi bien pour la banque que pour le client. Cependant, du fait d’un manque de formation de qualité, certains produits financiers islamiques ne sont que du conventionnel retourné. Par conséquent, ils nuisent aussi bien la rentabilité que la crédibilité du système financier islamique. Une formation d’experts de qualité reste le principal défi posé par cette industrie aussi bien à Bahreïn, à Londres ou au Sénégal. Le positionnement pour récolter les fruits de cette industrie de plus de 1500 milliards de dollars avec un taux de croissant dépassant les 20% ne peut se faire qu’à travers une masse critique de ressources humaines de qualité. L’Afrique à un gap infrastructurel énorme vu les exigences de croissance de ses pays. Les investisseurs du Golfe, (une région avec des excédents de financements importants) qui avaient jadis comme destination New York, Londres, Paris ou Tokyo, se tournent depuis un peu plus d’une décennie, vers les marchés émergents. Ceci est logique car les retours sur investissements sont plus juteux et plus influents pour les pays stables.

Sukuks et Financement islamiques par partenariat pour financer nos infrastructures

Enfin, le financement des infrastructures pour des pays où tout est à construire peut faire figure d’eldorado pour ces investisseurs .Les autres facteurs comme la stabilité politique, le rating, etc…étant bien sur pris en compte. A notre avis avis, il nous faut être proactifs et créer les conditions d’attractivité en direction des investisseurs. Le 2eme Forum de l’AIIF en 2011, présidé par le Président d’alors, avait dédié un plateau spécial pour le financement des infrastructures par la Finance islamique et les Sukuks. Beaucoup d’investisseurs du golfe s’étaient déplacés sur Dakar suite à notre invitation, certains même étaient venus en Jet privé .Ce qui témoigne de l’intérêt qu’ils portent à notre région. L’objectif était bien sur de faire de Dakar une place financière islamique pour l’Afrique de l’Ouest. Vu les interviews qui nous avions accordés à Bloomberg, CCTV News et récemment Euromoney, nous pouvons affirmer qu’une partie de ce pari a été réussi par l’AIIF. Le lancement de ce Sukuk par le Ministère des Finances est donc une excellente chose pour réconforter ce sentiment au niveau des investisseurs internationaux.

La Micro-finance Islamique, la solution micro-crédit pour l’Afrique

La micro-finance était jusqu’à récemment le secteur d’investissement préféré des bailleurs de fonds pour plusieurs facteurs : l’accès au crédit des femmes et populations rurales, le taux de remboursement élevé à travers les cautions solidaires et la création de richesses. Hélas, récemment beaucoup d’études ont montré que la plupart des organismes de micro-finance appauvrissait plus les populations pour deux raisons principales : le taux d’intérêt très élevé et le cycle d’endettement infernal dont le client était prisonnier et surtout avec le recours par ce dernier à plusieurs organismes de financement. C’est là ou la micro-finance Islamique vient en sauveur pour nos pays car elle conserve les mêmes avantages que la micro-finance classique et en plus n’applique pas de taux d’intérêt et ne favorise pas les prêts de consommation. En effet, avec l’exigence d’un actif tangible, les clients ne seront financés que par rapport à une activité économique. Et la plupart du temps ils n’ont pas accès au cash mais à l’actif en question, comme par exemple une machine à coudre, où l’institution financière islamique paie directement le fournisseur pour le bénéfice du client. Donc il est plus difficile de rentrer dans un cycle d’endettement.

Le Takaful ou Assurance Islamique, un terrain vierge et une opportunité énorme pour les Assureurs

La notion d’assurance vie est parfaitement acceptée par l’Islam contrairement aux croyances populaires. « Attache ton chameau d’abord et confie le à Allah » avait dit le Prophète Muhammad Paix et Salut sur lui à un individu lui demandant ce qu’il fallait faire entre ces deux options. La notion d’assurance islamique ou Takaful découle du concept de « TA’AWOUN » ou entraide tiré du Coran. C’est un pilier fondamental de la religion musulmane. Cependant la manière d’opérer l’assurance classique est contraire à l’Islam en ce sens qu’elle utilise entre autres, le taux d’intérêt (pour l’Islam l’argent n’a pas une valeur intrinsèque, elle ne peut générer de l’argent qu’en passant par une activité de vente ou de partenariat avec un actif tangible). En utilisant la méthode conforme à l’Islam, le métier d’assurance devient plus équitable, plus loin de la loterie et des calculs de probabilités complexes mais aussi plus proche de l’invetsment banking et du partenariat.

Le Sénégal ne doit pas rater le train de la Finance Islamique :, Let’s Just do it !

A l’heure actuelle, Londres se dispute le statut enviable et envié de capitale de la Finance Islamique mondiale avec Kuala Lumpur et Bahreïn. Entre temps, Christine Lagarde alors Ministre Français de l’Economie et des Finances avait réussi à donner un coup d’accélérateur à Paris pour la position de numéro 2 en Europe après Londres. Malgré cela, avec l’émission prochaine d’un Sukuk, le Luxembourg est en phase d’être le numéro 2 réel en Europe devant les Français et les Allemands. Alors dans un monde ou l’Islam hélas est synonyme de terrorisme pour beaucoup de medias occidentaux, le finance Islamique paradoxalement est le nec le plus ultra, joyau préféré des experts financiers internationaux de New York à Tokyo. En témoigne l’existence du Dow Jones Islamic Index depuis un certain temps. Je suis moi même invité régulièrement (tous frais payés) par le département MBA de plusieurs universités américaines pour exposer les enjeux de la Finance Islamique et analyser comment le pays de l’Oncle Sam peut en profiter. Il est grand temps que l’on se réveille pour ne pas rater le train de la renaissance africaine avec des taux de croissance à deux chiffres et un rush des investisseurs du monde entier vers notre continent étant convaincu que c’est maintenant le tour de l’Afrique. Le message que je veux lancer aux autorités du Sénégal en particulier et de l’UEMOA en général, c’est d’apprendre à favoriser les initiatives privées comme l’AIIF dans nos pays et de les utiliser pour drainer les fonds islamiques du Golfe. Ensuite, il n’y aura pas d’éclosion d’une industrie financière islamique dans l’UEMOA sans une formation de masse critique d’experts à même de relever ce défi. Même si par complexe, on a une préférence pour les experts internationaux, ceux là ne maitrisent ni nos lois ni nos réalités au delà de leur expertise en finance islamique. Il faut que le gouvernement et les organismes comme la BID où la BIS (qui utilisera ces experts) nous accompagnent dans cette noble bataille. Nous avons formé plus de 700 professionnels dans la sous région à ce jour et nous comptons démarrer le 1er Exécutive MBA en Finance Islamique de l’Afrique francophone avec plus de 450 heures de cours basées sur des cas pratiques et destinées aux professionnels dès Janvier 2015 à Dakar. Par ailleurs, avec des partenaires des pays du Golfe, la 4eme édition du Forum International sur la Finance Islamique pour toute l’Afrique se tiendra inshallah à Dubaï en Octobre 2014. Il sera surtout question d’investissements directs entre investisseurs potentiels du Golfe et porteurs de projets d’infrastructures et autres du coté Africain. Il est évident que nous sommes en train de travailler avec les autorités de notre pays pour que le Plan Sénégal Emergeant(Pse) y ait une place de choix.

Mamadou Lamine Mbacké
Président de l’Institut africain de la finance islamique
Fondateur et PDG de l'AIIF, M. MBACKE est un ancien Directeur des PME et du Cash

Management de Citibank. M. MBACKE est titulaire d'une Maitrise de Mathématiques et d'un troisième cycle de Management de Lyon en France, puis d'un MBA de Old Dominion university de la Virginie, USA et enfin du Diplôme Supérieur de Finance Islamique du centre BIBF de Bahreïn.