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Le législateur sénégalais se doit d’éviter d’être la source des problèmes mais en être le moyen de les prévenir

Quel que soit le secteur, si le texte de loi qui le régit est clair, limpide et applicable, il ne se pose pas de problèmes de compréhension et de respect des règles de droit établies. Le contraire serait une source de moult anicroches contribuant à étouffer la mise en application des dispositions de la loi et de l’expression démocratique. En effet, lorsqu’un article d’une loi quelconque n’est pas bien écrit c’est-à-dire n’est pas claire autrement dit est équivoque et ambigu, il produit beaucoup plus de méfaits que de bienfaits dans le secteur où il s’applique. C’est le cas de l’article 104 de la Constitution et des articles 20 et 22 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale relatifs aux groupes parlementaires.


Rédigé par leral.net le Dimanche 8 Novembre 2015 à 05:09 | | 4 commentaire(s)|

L’article 104 de la Constitution de 2001 du Sénégal objet de polémique politique en 2012 stipule :

Article 104 :

« Le Président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu'à son terme.
Toutes les autres dispositions de la présente Constitution lui sont applicables. »

Par manque de clarté et de précision de cet article 104 précité Me Abdoulaye WADE, avait estimé contre l’avis de l’opposition et de la majorité des constitutionalistes que rien ne devait l’empêcher de briguer un troisième mandat présidentiel. Contre vents et marées, le conseil constitutionnel lui avait donné raison en acceptant sa candidature. En effet, si cet article 104 était claire, sans équivoque et précis, on aurait pu éviter les violences et les morts que l’on a enregistrées à la place de l’Obélisque à la veille de la Présidentielle de 2012.

Quatre ans plus tard ,en 2015, c’est l’Assemblée nationale qui enregistre sa première crise inhérente à un texte de loi dont le législateur sénégalais il faut le dire d’emblée, a une grosse part de responsabilité comme en 2012 pour avoir fait des omissions et de n’avoir pas été suffisamment claire dans la rédaction des articles 20 et 22 du règlement intérieur à l’origine du problème politique qui oppose au jour d’hui les honorables députés Mme Aida MBODJ et M. Modou DIAGNE FADA par ricochet entre l’opposition parlementaire majoritaire et les députés de « Benno Bokk Yakaar » de la majorité présidentielle.

L’article 20 alinéa 2 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale stipule que : «les groupes se constituent en remettant à la présidence une déclaration politique signée de leurs membres, accompagnée de ses membres et des députés apparentés, ainsi que les noms du président et du vice-président désignés par le Groupe »

L’analyse de cet article 20. Alinéa .2 précité montre que le législateur est muet sur le statut de la personne qui doit porter à la présidence la déclaration politique signée des membres du groupe constitué.

Par ailleurs, au niveau de l’article 22 du même Règlement Intérieur de l’Assemblée nationale, il est écrit.

Article 22 du Règlement intérieur :

« Les modifications apportées à la composition d’un groupe seront portées à la connaissance du Président de l’Assemblée nationale, sous la signature du député intéressé s’il s’agit d’une démission, sous la signature du Président du groupe s’il s’agit d’une radiation et sous la double signature du député et du Président du groupe s’il s’agit d’une adhésion ou d’un apparentement. »

Aussi, l’analyse de l’article 22 du même Règlement intérieur de l’Assemblée nationale cité ci-dessus montre également que le législateur a omis de dire qui doit porter la déclaration de politique du groupe auprès du Président de l’Assemblée nationale.

En somme, on constate que si dans l’article 20, le législateur parle de « groupes à constituer » par contre dans l’article 22, il parle de « modifications à apporter dans la composition d’un groupe » Au fait, ce manque de clarté observée dans la rédaction des articles 20 et 22 est à l’origine de la crise inhérente au Règlement intérieur de l’Assemblée nationale dont la responsabilité du législateur ne peut être écartée.

Quelles interprétations faut-il en avoir ? La réponse à cette question va de soi. Cependant, ce que je crois, lorsqu’on parle de constitution de groupe comme c’est le cas au niveau de l’article 20 cela suppose que les groupes n’existent pas encore sinon on aurait usé du vocable « reconstitution » Et ce n’est pas le cas. Par contre, lorsqu’on parle de modifications apportées à la composition d’un groupe cela signifie que les groupes existent déjà. L’objectif visé dans ce cas, est d’apporter des changements voulus dans la composition du groupe en cause et non la constitution du groupe. Or le hic dans la rédaction des articles visés 20 et 22 est que le législateur n’explicite pas quand parle-t-on de constitution de groupe ou de modification de composition du groupe. Un effort d’explicitation dans le texte de la part du législateur aurait permis d’éviter les problèmes que vit actuellement l’Assemblée nationale. Bref ! L’explicitation de certains mots-clés dans une loi est un gage d’une bonne compréhension de celle-ci par les acteurs concernés à qui elle va s’appliquer.

Qui de l’article 104 évoquée ci-dessus des dispositions transitoires de la Constitution de 2001 du Sénégal objet de polémique politique en 2012, qui des articles 20 et 22 du nouveau règlement intérieur de l’Assemblée nationale élaboré en 2015 sujets également de polémique dénotent éloquemment tous des problématiques profondes symptomatiques du mal être de l’état de certaines dispositions mal écrites de nos textes de loi. (A titre d’exemple : article 104 de la Constitution de 2001 et articles 20 et 22 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale relatifs aux groupes parlementaires.)

Jusque maintenant, le premier responsable de ce qui est survenu à l’Assemblée nationale n’a pas été désigné en l’occurrence le législateur sénégalais. Si les articles 20 et 22 relatifs aux groupes parlementaires étaient clairs, on n’aurait pas enregistré un tel problème à l’hémicycle.

Au moment de l’élaboration du nouveau Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, le législateur ne s’est -il pas contenté comme il est de coutume dans une modification de loi de copier l’ancien texte pour faire le nouveau sans se poser une série de questions qui étaient pourtant nécessaires dont les réponses auraient pu éviter les omissions constatées mais aussi permis au législateur ‘d’être plus clair?

Dans tous les cas, pour des lois qui doivent s’appliquer à des gens qui ne sont pas forcément des juristes, la simplicité et la clarté du texte de droit doivent guider le pas du législateur en toutes circonstances. Ainsi, sur la base des expériences et des leçons apprises dans l’application de l’article 104 de la Constitution relatif au mandat du Président de la république et des articles 20 et 22 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale actuel relatifs aux groupes parlementaires, le législateur sénégalais est interpellé en premier avant tout citoyen. Quel que soit le domaine en cause, il se doit de faire des lois claires, limpides et applicables. Car il ne sert à rien de rédiger des textes de loi dont l’application poserait des problèmes ou sera sujet à des polémiques.

Baba Gallé DIALLO
Réalisateur
bbgd70@yahoo.fr