Leral.net - S'informer en temps réel

Le talon d’Achille de Bennoo

PAR Me DJIBRIL WAR, DIRECTEUR DE L’ECOLE DU PARTI APR

Rédigé par leral.net le Mardi 15 Novembre 2011 à 02:14 | | 0 commentaire(s)|

A voir l’atmosphère très tendue de ces derniers jours pour le choix du candidat unique ou de l’unité - c’est selon - entre Messieurs Moustapha Niass, leader de l’Afp et Ousmane Tanor Dieng, leader du Parti socialiste, avec des discours pour le moins inappropriés de la part de l’entourage des deux candidats, force est de nourrir des inquiétudes quant à la survie de l’élan unitaire et solidaire de Bennoo autour de cet objectif : mettre fin au régime de l’Alternance pour restaurer l’espoir légitime des Sénégalais, aujourd’hui trahi.


Le talon d’Achille de Bennoo
C’est donc dire des difficultés certaines du comité de facilitation à imposer son choix au candidat malheureux, surtout à ses militants et alliés dont on peut douter de leur enthousiasme à respecter le mot d’ordre de s’aligner derrière le candidat de l’unité retenu.

Le drame, c’est que cette équation à mille inconnues par conséquent sans solution, outre qu’elle a fini par lasser les Sénégalais et installer le dépit et le découragement chez bon nombre de Sénégalais pressés d’en découdre définitivement avec le pouvoir, source de leurs malheurs et souffrances quotidiens, est un véritable supplice de Sisyphe, de Danaïdes.

Aujourd’hui, on constate que la panique qui s’était emparée de bon nombre de responsables libéraux qui rasaient les murs au lendemain des élections de mars 2009 et de la mémorable journée du 23 juin s’est émoussée à cause des tergiversations des leaders de Bennoo sur la candidature unique.

Le camp présidentiel s’est ragaillardi et se paie même le luxe de railler l’opposition. Les langues fourchues qui s’étaient tues ont repris du service et se sont à nouveau déliées avec leurs lots d’invectives, d’injures, de menaces, assorties d’actes de violences. Ainsi, par la faute du camp Bennoo, concentré sur le puéril débat de la candidature unique, le camp présidentiel a repris du poil de la bête. Quelle tristesse !

Plus grave, l’opposition semble même se détourner des priorités de l’heure. On n’a jusqu’ici entendu aucun communiqué, ni enregistré des manifestations de la part de l’opposition pour inviter les citoyens à consulter les listes électorales à quelques heures de la clôture de la révision et l’ouverture de la phase contentieuse. Et que dire de sa frilosité, suite à l’abandon à dessein par le pouvoir de la formule du bulletin unique de vote ?

S’agissant de la candidature unique, le premier écueil est d’abord d’ordre institutionnel. La vocation et l’objectif de tout parti politique et de ses militants, c’est la conquête et l’exercice du pouvoir grâce aux suffrages des citoyens. On agite souvent l’argument de la victoire de Bennoo lors des élections locales de 2009. Il ne faudrait quand même pas perdre de vue que pour les élections présidentielles, les Sénégalais élisent un homme et non une entité, fût-elle une coalition, d’autant plus que Bennoo n’avait pas désigné un président de cette coalition lors de ces élections.

Même si, malgré tout, Bennoo parvenait à trouver un candidat unique, il serait confronté à deux autres gros problèmes qui pourraient même provoquer l’effet contraire non désiré. Il est alors permis de se poser les questions suivantes.

Sur la base de quels critères objectifs devrait se faire le choix entre les deux candidats de Bennoo ? S’agissant du critère de la représentativité qui semble être privilégié, peut-on sérieusement se fonder sur des élections passées dans des contextes particuliers et dont les résultats mêmes sont jusqu’à ce jour, comble de paradoxe, contestés par les opposants d’alors, pour suspicion de fraude, ou de représentation nationale pour évaluer la représentativité d’un candidat ? Personne n’ignore que la population électorale potentielle dépasse de loin celle des militants, tous les partis confondus.

D’ailleurs, si on y parvenait, on ne sait par quelle alchimie à surmonter le premier obstacle, de toute évidence se posera un deuxième, plus ardu. Comment parvenir à imposer le candidat choisi par les leaders de Bennoo aux électeurs, surtout aux militants du parti dont le candidat a été recalé ? Le constat général est que, au Sénégal, outre le programme du candidat qui est spécifique, eu égard à la vision sociale, la doctrine, l’idéologie de son parti qui l’a plébiscité, d’autres critères subjectifs liés à l’affection, la sympathie, l’admiration, que l’électeur éprouve envers le candidat, de par sa personnalité, sa compétence entrent en ligne de compte.

Le candidat unique de Bennoo ne sera pas forcément celui des militants des partis dont le leader n’a pas été choisi, encore moins celui de la majorité silencieuse des millions de Sénégalais à qui on ne saurait imposer un choix qui n’est pas forcément le leur.

"Bennoo ne court-il pas alors le risque d’apprendre trop tard, à ses dépens, que le choix du candidat unique ne saurait être un contrat d’adhésion opposable aux électeurs ? Le seul baromètre sérieux et démocratique de représentativité d’un parti ou de son leader, c’est l’électorat à partir des suffrages exprimés lors du premier tour du scrutin qui constituera de véritables primaires.

Le candidat qui obtiendra le plus de voix à l’issue du premier tour des élections sera le vrai et légitime candidat de l’unité, choisi librement et légalement par les Sénégalais, seuls souverains, et derrière qui se rangeront tous les autres leaders des partis de Bennoo, signataires du pacte de report de voix en faveur du candidat le mieux placé à l’issue du premier tour du scrutin.

L’option de la candidature unique étant dictée par la volonté de constituer un bloc face au président Abdoulaye Wade, dès lors que Bennoo est convaincu de l’irrecevabilité de la candidature de ce dernier, on ne voit pas l’utilité de l’option de la candidature unique ou de l’unité. Comme on le dit si bien, tout choix entraîne forcément des sacrifices. Et entre deux mots, il faut nécessairement choisir le moindre.

La candidature plurielle au sein de Bennoo pourrait être ce moindre mal. Le régime en place, de par les actes quotidiens qu’il pose, les scandales à répétition, la situation sociale de jour en jour dégradante des populations, a atteint le seuil paroxysmique de rejet, d’impopularité au niveau de toutes les couches sociales. L’intelligente idée du doyen Moustapha Fall ‘Che’, est la solution.

Ce dernier avait proposé, pour les prochaines élections présidentielles de 2012, que tous les leaders de l’opposition organisent ensemble deux grands meetings d’ouverture et de clôture de campagne, la main dans la main, scellant devant toute la nation le pacte de la constance dans une union sacrée, indéfectible autour d’un idéal commun de changement, au grand bonheur des Sénégalais. Les mouvements citoyens, "Yen a marre", le M23 qui donnent en ce moment bien du souci au pouvoir en place ne seront pas en reste.

Mieux, la candidature plurielle offre l’avantage pour les candidats de l’opposition d’adopter des stratégies comme celles de la terre brûlée ou de la chasse à courre qui auront finalement raison du candidat du camp présidentiel qui sera complètement essoufflé, s’il ne jette son gant en signe d’abandon avant la fin même de la campagne. Face à ce redoutable dispositif, on ne voit pas comment ce pouvoir en place pourrait détourner et contrecarrer la décision irréversible des Sénégalais de mettre fin à son règne, à travers son signal fort du 20 mars 2009, et du 23 juin.

Restaurer la confiance et l’espoir perdus des Sénégalais, leur garantir que, désormais, les parasites, les courtisans du roi, de la reine et du prince, les larbins de tout acabit ne vont plus couler des jours heureux dans le vice et l’oisiveté, aux dépens des honnêtes gens, en proie à des souffrances extrêmes.

Voilà les discours que nous attendons de Bennoo. C’est la seule démarche qui vaille. Pour y parvenir, Bennoo devra adopter une philosophie syncrétiste dans la paix, la solidarité, dans l’union autour d’un objectif essentiel : mettre le Sénégal sur les rails du développement, de l’Etat de droit et de la bonne gouvernance. Il est donc grand temps que les membres de Bennoo accordent leurs violons pour donner un tempo commun, axé sur leur principal objectif, et qui sera perceptible par le Sénégalais lambda.

Qu’on laisse à chacun des deux candidats ou un autre son droit et sa liberté de présenter sa candidature autour d’alliances de l’opposition dans et en dehors de Bennoo. Le comité des sages, les bonnes volontés comme le doyen Amadou Makhtar Mbow, les leaders de l’opposition, la société civile, devraient s’atteler de toute urgence à cette tâche. Bennoo n’a pas le droit de s’enfermer dans un orgueil mal placé. L’avenir du Sénégal et celui de ses enfants valent bien qu’il rectifie le tir pour le peu de temps qui lui reste, d’ici les échéances de 2012.

Me Djibril WAR, Directeur de l’Ecole du parti Apr, wardjibril@yahoo.fr
(nettali.net)