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Mercredi 4 Septembre 2013

"Les bonnes feuilles" du livre La Reine du monde de Jacques Julliard (Lamine Souané)


Cet essai traite de l’irrésistible montée de l’opinion publique : la Reine du monde. Jacques Julliard part du référendum de 2005, en France, pour révéler la crise du suffrage universel. Selon lui : « C’est la révolution de l’information et de la communication qui met aujourd’hui en cause la démocratie représentative jusque dans ses fondements » (p.16).



"Les bonnes feuilles" du livre La Reine du monde de Jacques Julliard (Lamine Souané)
Aujourd’hui, le suffrage est en concurrence avec d’autres moyens d’expression : médias, sondages, manifestations. Ainsi, l’élection n’est plus l’unique source d’expression de la volonté générale.

L’opinion a fait irruption dans le jeu démocratique et « aucun gouvernement n’échappe à son empire ». (p.78). Les différentes manifestations, au Maghreb, qui ont abouti au départ de Ben Ali(Tunisie) et de Moubarak (Egypte) en sont une preuve éclatante. Au Sénégal, la révolte citoyenne du 23 juin 2011 conduisant à un retrait in extremis du projet de loi sur le ticket présidentiel est à inscrire dans cette perspective.

Julliard évoque aussi le désarroi des élites, des journalistes et des éditorialistes face à l’entrée en scène d’Internet permettant à chaque citoyen « d’être à lui-même son propre écrivain et son propre journaliste » (p.18).

Au fond, l’opinion, dans sa manifestation concrète, véhicule une forme de remise en cause du rôle des parlementaires qui en voient même une menace. Ce qui autorise Julliard à s’exprimer de façon solennelle : « Chers parlementaristes ! Emouvantes figures d’un passé révolu ! Comme tout pouvoir en déclin, vous réclamez en vain d’être renforcés au lieu d’agir avec les moyens dont vous disposez ! Vous voulez qu’on vous fasse hommage, vous voulez qu’on vous rende les armes au lieu de démontrer votre utilité ! Plutôt de déplorer que les discussions essentielles se fassent désormais à la télé, dans la rue ou sur Internet, organisez donc des débats… que l’on ait envie de suivre ! » (p.95).

L’auteur ne sera pas aussi tendre envers les journalistes : « Au grand regret des journalistes, on prend plus volontiers la plume pour dénigrer que pour féliciter, comme s’il y avait dans la première attitude plus de mérite et de lucidité que dans la seconde » (p.12).

Julliard, en traitant de l’émergence de l’opinion dans le débat démocratique, a convoqué d’illustres penseurs : Pascal, Rousseau, Platon, Hegel, Tocqueville, Voltaire, Chateaubriand, Socrate, Weber, Marx, Bourdieu… Ce qui donne une dimension instructive considérable à ce livre magistral.
LAMINE SOUANÉ