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Les « délices » du pouvoir font vraiment perdre la tête ! - Par Mody Niang


Rédigé par leral.net le Vendredi 20 Mai 2016 à 09:23 | | 0 commentaire(s)|

Les « délices » du pouvoir font vraiment perdre la tête ! - Par Mody Niang
Monsieur Ousmane Sonko, Inspecteur des Impôts et Domaines de son Etat, par ailleurs Secrétaire général des « Patriotes du Sénégal pour le Travail, l’Ethique et la Fraternité (PASTEF) » essuie, depuis quelques jours, les tirs groupés et nourris des députés. Ce qu’ils lui reprochent, c’est d’avoir révélé que l’Assemblée nationale ne reverse pas au Trésor public l’impôt des députés, si toutefois il est prélevé. Ce crime de lèse-majesté a surtout fait sortir de ses gonds le Président du Groupe parlementaire de Bennoo Bokk Yaakaar (BBY), qui invite à la radiation pure et simple de la Fonction publique de l’inspecteur Sonko, qui aurait violé « l’obligation de réserve ».

Avant de revenir sur l’invite du Président du Groupe parlementaire de BBY, je m’étonne de l’attitude de ses autres collègues qui se sont fait entendre pour exprimer leur « indignation ». Qu’avaient-ils besoin de tout ce tintamarre ? Des deux choses l’une : ou M. Sonko a raison, ou il a raconté des histoires. S’il a raconté des histoires, nos « honorables » députés n’ont qu’à le confondre, en nous donnant la preuve formelle qu’ils payent régulièrement l’impôt. Nous vivons quand même dans un pays dit démocratique, où la transparence ne devrait pas être un vain mot, un simple slogan. Le Gouvernement n’a-t-il pas réactivé la Cour de Répression de l’Enrichissement illicite ? La Loi portant Code de Transparence dans la Gestion des Finances publiques n’a-t-elle pas été adoptée ? Un Ministère chargé de la Promotion de la Bonne Gouvernance et un Office national de Lutte contre la Fraude et la Corruption n’ont-ils pas été créés ? Le principe d’accès à l’information n’était-il pas déjà inscrit dans le préambule de la Constitution du 22 janvier 2001 ? N’est-il pas maintenu dans celle votée le 20 mars 2016 ? N’avons-nous donc pas le droit constitutionnel d’être largement informés sur la marche du pays, sur la gestion des affaires publiques ? En quoi le fait de nous faire savoir que les députés ont payé ou non l’impôt constitue-t-il une violation du « devoir de réserve » ? En faisant la révélation qui fâche, M. Sonko est allé dans le sens de la Constitution, de notre droit à l’information. Il mérite bien plus notre respect, notre reconnaissance que la radiation de la Fonction publique.

Tout indique d’ailleurs qu’il a raison, et on le savait déjà. Le député maire de Foundiougne et, par ailleurs, Président de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale ne l’a pas en tout cas démenti. C’est lui-même qui affirme qu’ils (les députés) « ne touchent pas un salaire mais des indemnités de représentation qui ne peuvent pas être frappées d’impôt, puisqu’étant des remboursements de frais ». Et note député maire d’inviter M. Sonko à se rapprocher des services de l’Assemblée nationale pour mieux comprendre. Donc, jusqu’à preuve du contraire, les substantielles indemnités des députés ne sont pas frappées d’impôts. D’ailleurs, les magistrats demandaient aussi, après que le très généreux et très injuste Président Wade avait fait passer leur indemnité de judicature de 500 à 800 000 francs, que celle-ci fût exempte d’impôts et intégrée « dans les émoluments de base servant au calcul de la pension de retraite ». « Ils (estimaient) que ce qu’on leur (donnait) de la main droite, on le (retirait) de la main gauche ».

Nos magistrats étaient d’autant plus fondés à s’accrocher à leur exigence qu’ils estimaient que les salaires et autres indemnités des ministres, députés et sénateurs étaient exempts d’impôts. Le très brave et très patriote Ousmane Sonko dénonçait déjà ce scandale – puisque c’en est un et un de très grave. Il était alors Secrétaire général du Syndicat des Impôts et Domaines. C’est dans une interview au quotidien « Le Populaire » du jeudi 31 juillet 2008 qu’il vendait la mèche. On le constate, les révélations du citoyen Sonko ne datent pas d’aujourd’hui.

Donc, les très substantielles indemnités accordées à nos députés et autres gros privilégiés de la République seraient exemptes d’impôts. Pendant ce temps, les pauvres chauffeurs, plantons, ouvriers, commis et autres « petits » agents de l’Etat ploient sous le poids de l’impôt, malgré la modicité de leurs salaires. Même les braves vendeuses de poissons, de légumes, etc., s’acquittent de ce devoir citoyen en achetant chaque jour un ticket au collecteur du marché. Toute la communauté nationale devrait donc faire entendre rageusement sa voix, pour que le problème soulevé par notre compatriote Sonko soit élucidé. Ce brave garçon mérite des lauriers plutôt que de se faire virer de la Fonction publique. Les criminels, ce sont tous ces privilégiés de la République qui obèrent nos finances publiques en se faisant accorder de gros salaires et autres grosses indemnités nets d’impôts. En tout cas le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale, le Premier Ministre, le Ministre de l’Economie, des Finances et du Plan doivent nous éclairer la lanterne même s’ils sont conscients de l’indifférence affichée en général par nos compatriotes face aux affaires les plus scandaleuses. N’est-ce pas le Président Wade qui disait d’eux qu’ « ils ont de la peine à se souvenir de leur dîner de la veille et ne croient qu’à l’argent et aux honneurs » ?

Je terminerai en revenant sur l’invite du Président du Groupe parlementaire de BBY, comme je m’y étais engagé au début de ce texte. Ce compatriote que nous avons du mal à reconnaître s’acharne sur le citoyen Sonko qui l’agace manifestement et exige sa radiation de la Fonction publique. Radier ce brave compatriote, pour avoir seulement fait la révélation patriotique qui le dérange manifestement, lui et ses autres collègues « honorables » députés ! Demander qu’on radie ce brave garçon et rester muet comme une carpe sur des scandales gravissimes ! Que ne s’indigne-t-il pas, quand son mentor déclare publiquement mettre le coude sur des dossiers gravissimes ou va nuitamment débaucher un Djibo Ka chez lui ! Que ne se pose-t-il pas des questions quand son même mentor s’acoquine publiquement avec un Me Ousmane Ngom ! Que ne s’agace-t-il pas quand son mentor – toujours lui – bénit la détestable transhumance et profite sans état d’âme des présentations de condoléances pour débaucher des militants d’autres partis pour massifier le sien ! Que ne prenne-t-il pas son courage à deux mains pour lui demander de sanctionner les délinquants qui sont épinglés tous les ans dans les rapports de l’Inspection générale d’Etat et de la Cour des Comptes !

Le preux chevalier Ousmane Sonko dérange le Président du Groupe parlementaire BBY en nous livrant des informations utiles sur une question aussi importante que l’impôt. Pourtant, « l’honorable » député reste imperturbable quand, dans la semaine du 13 au 20 mars 2016, sa coalition s’est particulièrement distinguée en se livrant à un achat public de consciences sans précédent. Il est intransigeant vis-à-vis du citoyen Sonko, mais très compréhensif vis-à-vis du Ministre de l’Economie, des Finances et du Plan qui, pendant cette période, a installé tout son quartier général dans un hôtel des Parcelles Assainies et inondé la localité d’argent, au su et au vu de tout le monde. C’est, du moins, le bruit qui y court partout. Avec un tel gardien, nos deniers publics doivent trembler.

Le Président du Groupe parlementaire de BBY continue de nous étonner. Demander qu’on radie le pauvre Ousmane Sonko et se réfugier confortablement dans un silence de cimetière, face à la folle générosité du Directeur général du Port de Dakar, qui distribue à tour de bras des dizaines, voire des centaines de millions de francs ! Qui connaissait cet homme avant le 25 mars 2012 ? Qui ose se lever et dire qu’il lui a donné 25 ou 50000 francs avant l’avènement de Macky Sall au pouvoir ? Que ne se pose-t-il pas la question de savoir où il puise les millions qu’il distribue aussi allègrement à travers tout le pays !

Le Président du Groupe parlementaire BBY passait pour un homme vertueux, profondément attaché à la vérité et prêt à la dire, quoi que cela lui en coûtât. Aujourd’hui, on ne le reconnaît plus. Il est entouré d’hommes et de femmes qui tiraient le diable par la queue avant l’avènement de la seconde alternance. Quelque quatre ans à peine après, ils construisent d’imposantes et luxueuses permanences de l’APR et se montrent particulièrement généreux avec les militants républicains de leurs localités où ils se rendent pratiquement tous les week-ends, les poches bourrées de fric. D’où leur vient cette subite prospérité ? On ne le reconnaît vraiment plus. Il est surtout devenu très intolérant et n’a plus d’yeux que pour l’APR et BBY. Lui comme tous ses camarades d’ailleurs. Ils n’ont même pas pu supporter que l’ancien Premier Ministre Abdoul Mbaye ait créé un parti politique. Ils ont poussé l’outrecuidance jusqu’à lui contester son ambition présidentielle.

Il est vrai que nombre d’entre eux viennent de loin, de très loin. Quand on reste plusieurs jours, voire plusieurs semaines sans manger – à supposer que cela soit possible – et qu’on se trouve tout d’un coup et comme par enchantement dans une vaste salle climatisée, avec partout des mets succulents de toutes sortes, des boissons fraîches et des fruits de toutes senteurs et s’étendant aussi loin que porte la vue, on en perd facilement la tête. C’est ce qui arrive sûrement aux membres de l’APR et de la Coalition BBY : les « délices » du pouvoir marron ont eu raison de leur lucidité.

Dakar le 18 mai 2016
Mody NIANG