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Les dernières heures de Alioune Ndao au Parquet

En interrogeant Mansour Gaye à la barre hier, Alioune Ndao ne savait pas que son compte à rebours était déclenché. Au terme d’une journée où acteurs du procès et public sont passés par toutes les émotions, la silhouette du Procureur spécial n’est finalement pas réapparue après la pause. Ambiance d’une journée pas comme les autres à la salle 4 du Tribunal de Dakar.


Rédigé par leral.net le Mercredi 12 Novembre 2014 à 14:58 | | 4 commentaire(s)|

Les dernières heures de Alioune Ndao au Parquet
Il est 10h 05mn. Henri Grégoire Diop demande au Procureur spécial de débuter son interrogatoire avec le témoin Mansour Gaye, ancien comptable de la société An- média.

En l’absence de son substitut Antoine Diome, Alioune Ndao débute pourtant sereinement sa série de questions. Pour des questions qui tournent autour du rôle du témoin dans la gestion de la société prêtée à Karim Wade, il ne se lasse pas souvent de rappeler à l’ordre Mansour Gaye avec un ton menaçant :

«Répondez à mes questions, je n’ai pas besoin de vos commentaires.» Et lorsque le témoin donne des explications non convaincantes à sa guise, il ne manque pas de l’apostropher avec des gesticulations pour lui signifier son énervement.

«Le témoin est de très mauvaise foi»

Visiblement contrarié par le témoignage à décharge servie par Mansour Gaye, Alioune Ndao aura néanmoins le sourire avec l’appui de Henri Grégoire Diop.

A la question de savoir pourquoi il payait les salaires au nom du Président du conseil d’administration (Pca) et non du Directeur général (Dg), le témoin n’a pas voulu répondre. Une méthode qui a irrité le président de la Cour qui s’emporte : «Vous (le témoin) êtes de très mauvaise foi par la façon dont vous répondez aux questions.»

«Vous n’avez pas le droit de menacer le témoin»

Des remontrances qui n’ont pas plu à l’un des avocats de la défense, Me Seydou Diagne en l’occurrence, qui quitte son siège pour voler au secours du témoin. Sur un air de colère, il dit à Henri Grégoire Diop : «Vous n’avez pas le droit de menacer le témoin Monsieur le président».

Dépassé par les murmures du public et la détermination des avocats de la défense, le président Diop rétorque : «Maître, vous n’avez pas la parole. Attendez que le Procureur spécial termine. Après, vous aurez le temps de faire vos observations.» Le désordre est total. Intrépide, Me Diagne étouffe sa rage : «Nous avons remarqué que lorsqu’un témoin charge Karim Wade, vous êtes doux avec lui. Mais lorsqu’il fait le contraire, vous le menacez.

C’est quoi cette justice ?» Pour calmer son confrère qui continue ses explications avec les avocats de la partie civile, Me Madické Niang dira à l’endroit de tout ce beau monde, d’une voix teintée de poésie : «Nous sommes là pour que la vérité jaillisse. Alors soyons sereins !»

«Vous voyez que la Cour est incomplète ; l’audience est suspendue»

Un désordre que Alioune Ndao observait impassible depuis son siège. Pourtant, en ce moment où midi est passé de quelques minutes, des indiscrétions font état de son limogeage. Loin de laisser planer des suspicions, le magistrat affiche plutôt, comme à son habitude, une tranquillité innocente.

Au moment où on s’achemine vers la pause prévue à 13 heures, un des avocats de l’Etat, Me Yérim Thiam, est invité à poser ses questions au témoin. Il sera interrompu à 12h 50 par le président de la Cour qui lui indique la pause.

Le juge murmure une urgence avant de prendre congé de la salle. Cette pause précipitée serait-elle due au départ de Alioune Ndao ?

En tout cas, la reprise de l’audience semble donner du crédit à cette hypothèse.

Aussitôt revenu de la pause à 15h 22, alors que d’habitude elle était fixée à 15h 00, les «magistrats assis» siègent, mais sans la tronche d’un «magistrat debout».

C’est clair que la Cour a eu connaissance du coup de théâtre. Et en l’espace de deux petites minutes, Henri Grégoire Diop et Cie décident de renvoyer le procès.

«Vous voyez que la Cour est incomplète. Alors nous renvoyons l’audience. Elle est suspendue jusqu’au 1 décembre 2014», déclare-t-il, ordonnant aux agents de sécurité d’évacuer les prévenus sous une salve de huées de la part des partisans de Karim Wade.

Le Quotidien