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Les élections législatives peuvent-elles se tenir le 30 juillet 2017 ? (Par Oumar Sarr, coordonnateur du PDS)


Rédigé par leral.net le Lundi 22 Mai 2017 à 11:57 | | 0 commentaire(s)|

La cacophonie continue dans cette « histoire » du fichier électoral. Il est maintenant établi que les listes des candidats aux élections seront déposées sans que les listes définitives des électeurs ne soient publiées. Une première dans l’histoire du Sénégal ! Nous savons tous qu’un candidat député doit forcément figurer dans le fichier électoral définitif alors que le fichier électoral définitif ne sera pas constitué le 30 mai 2017, date du dépôt au plus tard des listes des candidats aux élections législatives. Les candidats auront certainement leur récépissé de dépôt mais avoir un récépissé ne signifie pas qu’on sera présent dans la liste électorale définitive. Et la légalité du dépôt des candidatures se pose.
Reprenons sur cette question et sur le processus électoral actuel.

1. Avec la refonte du fichier électoral et la révision exceptionnelle, des millions de Sénégalais se sont déplacés et se sont inscrits sur les listes électorales. Ces inscriptions sont gardées dans un fichier provisoire en attendant la fin des inscriptions et la confrontation de certaines données. Les inscriptions ne sont définitives qu’après un certain délai après la publication des listes provisoires. Le délai est de 20 jours selon la loi portant code électoral, et de 15 jours selon le décret portant application de la loi de refonte du fichier ! Comprenne qui pourra.

2. Les listes provisoires ont commencé à être acheminé dans les mairies en cette fin de semaine, d’abord par courriel et en format électronique, ensuite sous format papier mais nous savons tous que seul le PV de réception de la mairie de ce document fait foi, ce qui veut dire que nous serons en période contentieuse au moment du dépôt des listes. D’ailleurs les listes définitives ne peuvent être publié que 10 jours après l’expiration du délai de contentieux, c’est à dire en mi-juin.

En tout état de cause, les électeurs inscrits au sens de la loi électorale sont ceux qui sont retenus dans le fichier définitif. Or au moment du dépôt des candidatures, il n’y a pas de fichier définitif. Par conséquent, dans n’importe quel pays de droit, un recours pour non respect des normes légales des listes de candidatures (LO153 du code électoral) va annuler toutes les listes de candidatures. Est-ce de l’incompétence ?

3. Un autre problème majeur est la forme des listings reçus. Elle n’est pas celle indiquée dans la loi électorale. Celle-ci indique en son article L40, que la liste comprend les prénoms, nom, date et lieu de naissance, filiation, profession, domicile ou résidence. Les listings envoyés dans les mairies comprennent seulement le numéro d’électeur, le NIN ainsi que les prénoms, nom, date et lieu de naissance des électeurs. On n’a pas le centre de vote encore moins le bureau de vote. Qu’est-ce que tout cela cache? Ne peut-on pas, en cas d’erreur de saisie, modifier son centre de vote ? ses filiations ? sa profession ? son domicile ? De qui se moque-t-on ? Où allons-nous ?

4. Dans beaucoup de communes, en vous basant sur les listings reçus, si vous comparez le nombre d’inscrits déclaré et le nombre de personnes présentes dans les listings, il y a souvent une différence importante. Peut-on penser qu’il s’agit simplement d’incompétence ?

Je sais qu’ils envisagent d’envoyer des listes complémentaires parce qu’ils se sont rendus compte qu’ils n’ont pas tenu compte de beaucoup d’inscriptions d’électeurs au moment de la saisie.. Comment fixer alors la nouvelle période contentieuse ? Pourra-t-on avoir une liste définitive avant la date des élections ? N’y a-t-il pas d’ores et déjà un sabotage conscient des élections législatives ?

5. Le décret d’application de la loi sur la refonte du fichier électoral nous informe qu’à l’issue des opérations, deux états sont édités : une liste des électeurs ayant confirmé leur inscription ainsi que ceux ayant modifié leur adresse électorale et un autre comportant les nouveaux inscrits.
Du point de vue logique, on ne comprend pas pourquoi il n’y a pas trois états : ceux qui ont gardé leur adresse électorale, ceux qui ont modifié leur adresse électorale et ceux qui viennent de s’inscrire. Mais bon, c’est comme cela qu’ils l’ont imaginé !
En vérifiant les états envoyés aux communes, nous nous sommes rendus compte que ceux qui ont changé leur adresse électorale sont quelquefois parmi les nouveaux écrits, quelquefois parmi les ceux qui ont confirmé leur inscription, et il n’y a aucune possibilité de modifier la fausse information. Sur le plan technique, les informaticiens nous disent qu’un simple rapprochement des deux fichiers triés ont rectifié ces erreurs. Est-ce des erreurs ? Pourquoi ont-ils fait ces erreurs là ?
Est-ce pour cacher au commun des mortels les transferts d’électeurs, dans le pays et à partir des pays limitrophes? Et il y en a eu beaucoup, beaucoup trop.


6. Distribution des cartes

Je pars de mon propre exemple. Je me suis inscrit au mois de décembre 2016, à Dakar, auprès de la commission administrative sise à la DAF. La date prévue pour le retrait de la carte biométrique était courant mars. . Je suis allé trois fois à la DAF pour le retrait.. On me dit aujourd’hui que la carte n’a pas été imprimée. Le Ministre chargé des élections vient d’informer qu’ils seront obligés de distribuer les cartes le jour des élections. Des millions de Sénégalais sont dans la même situation que moi. On nous a rapporté qu’il est possible d’avoir rapidement sa carte en passant par la porte de la corruption. Nous avons constaté que des cartes ont été distribuées hors commission de distribution. C’est grave. On contourne sciemment la loi. Ses contraintes s’appliquent aux Sénégalais sans parti ou militants de l’opposition et non aux responsables de l’APR et aux agents de la police.

7. Diaspora
La coalition Manko Taxawu Senegaal de la diaspora vient d’informer d’une situation ubuesque dans les consulats : toutes les listes ne sont pas arrivées dans les consulats, elles sont incomplètes et laissent en rade des milliers de nos compatriotes régulièrement inscrits. Nos compatriotes demandent maintenant à voter avec leur récépissé. La situation est grave.
J’avais déjà relevé le refus de l’administration d’inscrire, conformément à la loi, nos compatriotes de la diaspora dans leur commune d’origine. Ils l’ont permis que dans les quatre derniers jours de la période des inscriptions.
Que cherchent-ils ?

8. Depuis des mois, le PDS a demandé au Ministère chargé des élections à accéder au fichier électoral comme l’autorise la loi pour tous les partis légalement constitués. La loi électorale dispose en son article L48 : « Le Ministère chargé des Elections fait tenir le fichier général des électeurs, en vue du contrôle des inscriptions sur les listes électorales. La CENA ainsi que les partis politiques légalement constitués ont un droit de regard et de contrôle sur la tenue du fichier ».
Nous avons selon la loi un droit de regard et de contrôle du fichier. Chaque fois que nous avons demandé l’accès au fichier, le Ministère nous a opposé un refus du fait que le « fichier n’est pas encore constitué ». Ils font semblant de faire croire que nous n’avons pas le droit d’accéder au fichier dans tous les états de son développement. On n’aurait accès qu’au fichier définitif. Ils nous prennent vraiment pour des demeurés. Ne le sont-ils pas ? Nos droits, rien que nos droits mais tous nos droits.

9. Comité de veille
Lors de la rencontre de l'opposition avec le Président de la République, il était convenu la mise en place d’un comité de veille pour surveiller ensemble les opérations électorales jusqu’aux élections. Le comité a été mis en place sans ... les partis de l’opposition. A la place, le Ministre de l’Intérieur a installé ses supplétifs, des représentants de partis au nom des indépendants. Le ridicule ne tue pas là-bas. La volonté du Ministre de l’Intérieur, Ministre chargé des élections était de contourner la décision consensuelle prise avec le Président de la république. Son objectif est très clair : il faut rendre opaques toutes les magouilles et tous les contournements de la loi. C’est cela qui a permis en partie à ce que l’on arrive à cette situation. Heureusement cela fait comprendre à tout le monde notre combat pour la nomination d’une autorité consensuelle et neutre pour gérer les élections du pays.

10. Qui ne veut même pas que nous jetions un regard sur le fichier ne voudra certainement pas d’un audit indépendant du fichier. Pourtant il s’agit là d’un engagement de Macky SALL lors de la cérémonie de lancement du « dialogue national » mort-né et lors de la rencontre avec la coalition Mankoo Wattu Senegaal sur les questions électorales. Qui s’en souvient ? Qui y croit encore?

En écrivant cette note, je veux en même temps tirer une sonnette d’alarme. Notre pays va mal. Notre démocratie va de mal en pis.. Notre pays va tout droit vers la catastrophe électorale. Les questions électorales vont causer au pays des dommages irréparables.

Les gens du pouvoir jouent avec le feu. L’opposition démocratique a joué jusqu’au bout son rôle. Certains ont même parlé de mollesse quant à son attitude et ses actions. Nous sommes désormais à un tournant. Ces gens du pouvoir qui organisent en plein hivernage des élections législatives et qui à toutes les étapes du processus électoral jouent faux, préparent une fraude gigantesque au Sénégal. Nous devions nous y préparer. Nous devons anticiper. Nous devons l’empêcher. La démocratie, c’est la raison d’être d’un Etat comme le Sénégal. Que Dieu préserve notre pays !

Oumar SARR
Secrétaire Général National Adjoint/
Coordonnateur Général du PDS