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Macky Sall au Sommet de Dakar II : « Nourrir l’Afrique par elle-même est devenue une urgence »

Rédigé par leral.net le Vendredi 27 Janvier 2023 à 00:29 | | 0 commentaire(s)|

Ouvrant les travaux du sommet sur la souveraineté alimentaire et la résilience en Afrique dit « Dakar 2 », le Présidant Macky Sall a rappelé le rôle central de l’agriculture. Il a aussi exhorté ses homologues à œuvrer pour une « Afrique des solutions et qui nourrit l’Afrique ». Par Demba DIENG « Nourrir l’Afrique […]

Ouvrant les travaux du sommet sur la souveraineté alimentaire et la résilience en Afrique dit « Dakar 2 », le Présidant Macky Sall a rappelé le rôle central de l’agriculture. Il a aussi exhorté ses homologues à œuvrer pour une « Afrique des solutions et qui nourrit l’Afrique ».

Par Demba DIENG

« Nourrir l’Afrique : souveraineté alimentaire et résilience ». C’est le thème du Sommet Dakar 2 organisé par le Sénégal et la Banque africaine de développement (Bad). Cette rencontre de trois jours, dont les travaux ont démarré, hier, au Centre international de conférences Abdou Diouf à Diamniadio (Cicad), enregistre la participation de plus d’une quarantaine de dirigeants de haut rang, dont dix-neuf Chefs d’État et de Gouvernement, vise à créer une coalition mondiale pour « nourrir l’Afrique ». Ouvrant les travaux, le Chef de l’État Macky Sall s’est réjoui du choix de Dakar pour cet événement d’envergure, sur un thème d’actualité. « Votre participation marque tout l’intérêt que nous accordons, ensemble, au secteur vital de l’agriculture, pour en faire une source de résilience conjoncturelle, mais surtout une base de souveraineté alimentaire à long terme », a-t-il lancé à l’assistance.

Dans un contexte où le continent subit de plein fouet l’effet combiné du changement climatique, de la pandémie et de la guerre russo-ukrainienne, il est urgent, dit-il, de « faire de l’Afrique le grenier de l’Afrique ». En effet, selon le rapport mondial sur la crise alimentaire en 2022, jusqu’à 205 millions de personnes à travers le monde pourraient faire face à l’insécurité alimentaire, dont une grande majorité en Afrique. S’y ajoutent la pénurie d’engrais et la hausse vertigineuse des prix qui « plombent la production agricole », estime Macky Sall. Cette crise sans précédent, dit-il, montre l’urgence pour l’Afrique de mettre fin à sa dépendance alimentaire vis-à-vis de l’extérieur. En effet, il trouve paradoxal, au vu de son immense potentiel agricole (plus de 60% des terres arables non exploitées de la planète) et sa démographie (1,4 milliard d’habitants), que le continent continue d’importer l’essentiel de ses produits alimentaires.

Miser sur la transformation du potentiel
Pour transformer ce potentiel, Macky Sall invite à un « engagement volontariste » pour mettre en œuvre la Déclaration de Maputo de juillet 2003 qui recommande aux pays africains d’allouer au moins 10 % de leur budget à l’agriculture. En allouant 12% de son budget au secteur, le Sénégal montre l’exemple. « En deux ans, nous avons augmenté de 75% le financement de la campagne agricole d’hivernage, afin d’accélérer notre marche vers la souveraineté alimentaire », a précisé le Chef de l’État. À l’échelle africaine, il salue le Plan d’urgence de la Bad sur la sécurité alimentaire qui a permis de mobiliser à ce jour 1,6 milliard de dollars en faveur de 30 pays, dont 15 ont déjà procédé au décaissement. « Il faut que Dakar II soit un Sommet orienté vers l’action, avec la signature de Compacts de livraison de produits alimentaires et agricoles afin de stimuler la production et le commerce de ces produits », a-t-il exhorté. Il rappelle, à cet effet, la Déclaration conjointe sur la sécurité alimentaire issue du Sommet États-Unis-Afrique de décembre dernier, visant deux objectifs principaux : répondre aux besoins immédiats d’importation d’engrais et de produits alimentaires aux conditions normales du marché et à moyen et long terme, travailler ensemble en vue d’améliorer de façon durable l’investissement dans le secteur agricole pour assurer la souveraineté alimentaire de notre continent.

Une meilleure coordination des interventions

Le Président Macky Sall est revenu sur les défis de la task-force qu’il a mise en place, en sa qualité de Président en exercice de l’Union africaine, et dont les objectifs à court terme seront ensuite d’avoir une approche élargie pour assurer le suivi des engagements à moyen et long terme. À ce niveau, il a appelé les partenaires de l’Afrique à mieux coordonner les différentes initiatives afin d’être en harmonie avec les quatre piliers du Programme détaillé pour le développement de l’agriculture en Afrique. Premièrement, valoriser davantage la recherche, améliorer la mécanisation agricole et la maîtrise de l’eau, et intensifier l’utilisation de méthodes et technologies appropriées, y compris la transformation locale des produits. Deuxièmement, élargir les superficies exploitées et assurer une gestion durable des terres. Troisièmement, améliorer l’accès des produits aux marchés, en renforçant les infrastructures de désenclavement et d’interconnexion transfrontalière, ainsi que les équipements de stockage, de conservation et de transformation locale. Et enfin, soutenir les petits exploitants, notamment les femmes et les jeunes par un encadrement et un financement adaptés à leurs besoins.

L’appel aux bailleurs de fonds

Dans un environnement mondial difficile, Macky Sall estime qu’il faut passer de l’Afrique des problèmes à celui des Solutions. « L’Afrique des problèmes nous maintient dans le statu quo d’une agriculture qui continuera de nous exposer à la précarité alimentaire. Le chemin de l’Afrique des solutions nous met dans la perspective d’une agriculture moderne, et nous conduit, au-delà de la résilience, vers la souveraineté alimentaire », a-t-il expliqué. Dakar II, dit-il, veut s’inscrire résolument dans la dynamique de l’Afrique des solutions ; une Afrique qui puise dans son énorme potentiel pour se nourrir par elle-même et aider à nourrir le monde. « J’appelle tous nos partenaires bilatéraux et multilatéraux à se mobiliser avec nous, pour faire de Dakar II un véritable Sommet de l’action, afin de réussir ensemble le pari de la production agricole et de la souveraineté alimentaire en Afrique », a lancé Macky Sall.

Passer de paysan à agriculteur

Lors du panel présidentiel, qui a suivi son discours d’ouverture, Macky Sall a abordé l’expérience sénégalaise dans le domaine agricole. Rappelant que ce secteur est resté pendant longtemps le parent pauvre de l’économie sénégalaise, il pense qu’il faut un changement de paradigme qui ferait passer du concept de paysan à celui d’agriculteur. Pour cela, dit-il, il faut injecter davantage de ressources pour la modernisation. « L’agriculture doit être rentable, il faut motiver les jeunes et les femmes », a-t-il expliqué, plaidant pour l’accès des femmes et des jeunes au foncier et le renforcement de la productivité à travers la mécanisation et le développement de semences adaptées et résilientes au changement climatique. « Il faut également une approche filière, la transformation et la conservation par plus d’infrastructures de stockage. Et surtout, consommer africain et faire une véritable révolution alimentaire », invite Macky Sall.

COMPACTS DE LIVRAISON DES PRODUITS ALIMENTAIRES ET AGRICOLES

La Bad annonce 10 milliards de dollars pour cinq ans

Le président de la Banque africaine de développement (Bad), Akinwumi Adesina, a annoncé un engagement de 10 milliards de dollars pour les cinq prochaines années dans le cadre du Compact de livraison de produits alimentaires et agricoles, un mécanisme mis en place pour aider les pays africains à surmonter la crise alimentaire. Pour lui, il faut faire du sommet de Dakar un nouveau départ pour une Afrique bien nourrie par elle-même. « L’heure est venue pour la résilience et la souveraineté. L’Afrique dépense 75 milliards de dollars pour l’importation de produits alimentaires ; c’est anormal. Une mère ne doit pas se décarcasser pour sortir ses enfants de la faim alors que nous avons 65% de terres arables », a expliqué M. Adesina. Il est convaincu que ce que l’Afrique fera de l’agriculture assurera la sécurité alimentaire dans le monde. Pour lui, il n’y a aucune fierté à demander à manger. Ce qui doit être une source de motivation pour des politiques de développement agricole. Il estime qu’il faut des efforts à long terme pour sécuriser l’approvisionnement et la sécurité des familles et que l’Afrique nourrisse l’Afrique. « Une nation bien nourrie est plus productive et en meilleure santé. Il n’y a pas de fierté à demander à manger. Nous devons nous lever et dire qu’il est temps de nourrir l’Afrique », a plaidé Akinwumi Adesina. Il cite l’exemple de l’Éthiopie qui, en quatre ans, est passé de 4000 à 800 000 hectares de blé, devenant ainsi exportatrice nette à partir de cette année. Pour développer l’agriculture et nourrir l’Afrique, il estime que la technologie ne suffira pas, il faudra à côté, des routes, la transformation des marchés et des financements plus accessibles pour les jeunes et les femmes.

FINANCEMENT DE LA TRANSFORMATION AGRICOLE
Moussa Faki Mahamat déplore les hésitations des partenaires financiers

Face aux difficultés pour l’atteinte de la souveraineté alimentaire, le président de la Commission de l’Union africaine a déploré le manque de confiance du secteur privé et surtout les atermoiements des partenaires et des banques pour s’engager dans le financement des programmes innovants de développement agricole sur le continent africain. Selon Moussa Faki Mahamat, la conjugaison de facteurs comme la Covid-19, les conflits de toute nature, les défis climatiques et la volatilité économique exacerbée par la pauvreté et le niveau élevé d’inégalité ont mis au grand jour la vulnérabilité des systèmes alimentaires sur le continent. Une situation qui impacte négativement le continent, en aggravant et en amplifiant les fragilités structurelles de l’Afrique. « Je ne peux m’empêcher de pointer du doigt les hésitations des banques et institutions financières. J’espère que l’exemple de la Bad fera date », dit-il, dénonçant encore une fois, la déficience du secteur privé « toujours hésitant et dubitatif » vis-à-vis du secteur agricole et le « scepticisme des partenaires à l’égard des modèles innovants et des réussites locales ». Un constat qui arrive au moment où le continent fait face aux fluctuations des prix des céréales de consommation courante, qui affectent les ménages et aggravent la malnutrition. À terme, cette situation, de l’avis du président de la Commission de l’Ua, peut générer des crises et des tensions sociales lourdes de conséquences. D’où l’urgence d’agir pour une renaissance agricole et la conquête d’une libération alimentaire sans laquelle les pays africains ne peuvent prétendre à une quelconque liberté. « Je suis depuis longtemps arrivé, avec d’autres, à la conviction que la souveraineté alimentaire et nutritionnelle devrait être l’âme de notre nouvelle libération. Comment nous considérer hommes libres alors que nous dépendons d’autrui pour vivre ? Quel dirigeant peut accepter un tel asservissement pour son peuple ? », s’est interrogé M. Faki. Pourtant, il se dit convaincu que l’Afrique tient entre ses mains les atouts de la souveraineté alimentaire et l’occasion de faire des économies substantielles sur les importations de produits céréaliers. Cela doit passer par des actions concertées dans le cadre des plans et programmes continentaux comme le Programme détaillé pour le développement de l’agriculture africaine (Pddaa), la Stratégie de Malabo, entre autres. Des cadres qui permettent, à son avis, d’anticiper et de s’adapter dans un contexte mondial plein d’incertitudes, mais aussi sur lesquels doit reposer la renaissance agricole du continent. « Il est temps pour l’Afrique, de mettre en œuvre des solutions novatrices présentées dans sa position commune. Ces instruments constituent un socle de granit pour cette vraie renaissance agricole et agroalimentaire que nos peuples appellent de tous leurs vœux », a-t-il expliqué avant d’appeler les partenaires à harmoniser leurs approches avec celle commune de l’Afrique pour conduire et réussir la transformation durable des systèmes alimentaires sur le continent.
Dans cette perspective, le président de la Commission de l’Ua a annoncé l’arrivée du projet de l’Agence africaine de sécurité alimentaire qui aura en charge la coordination des interventions en matière de sécurité alimentaire sur le continent. L’ancien Directeur exécutif du Nepad et ancien Premier ministre du Niger, Dr Ibrahim Assane Mayaki, a été désigné Envoyé spécial de l’Union africaine, chargé des systèmes alimentaires.

Disponibilité des engrais : le message d’Antonio Guterres

Le Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (Onu), Antonio Guterres, dont le message a été lu par le représentant résident à Dakar, s’est réjoui de l’organisation d’un tel événement sur un thème incontournable. À l’en croire, malgré le potentiel dont il regorge, le secteur agricole est vulnérable aux risques climatiques. Ainsi, il estime qu’il est nécessaire de travailler à ce que le secteur agricole puisse créer des emplois pour les femmes et les jeunes, notamment dans le cadre de la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). « Elle offre un énorme potentiel pour augmenter les productions, renforcer le commerce et le développement des chaînes de valeurs », estime-t-il. Des actions urgentes s’imposent contre la pénurie d’engrais qui risquent de causer la pénurie alimentaire, alerte le Secrétaire général de l’Onu. « Les Nations unies contribuent à faciliter le commerce sans entrave des engrais et des matières premières pour réduire les coûts de transaction et renforcer la sécurité alimentaire », a-t-il expliqué.



Source : https://lesoleil.sn/macky-sall-au-sommet-de-dakar-...