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Madiambal Diagne est un homme dangereux - Par Mamadou Diop Decroix

Je souhaite la bienvenue à Madiambal Diagne sur le terrain politique où il semble avoir décidé, depuis quelque temps, d’installer ses quartiers, sous les lambris dorés du pouvoir. C’est son droit démocratique, mais le voir passer fantassin en première ligne avec de vieux trucs passés de mode pour descendre l’adversaire politique que je suis a été une réelle surprise pour moi, car somme toute, je le créditais encore d’une certaine étoffe, celle d’un homme structuré, sachant prendre de la hauteur et capable de lucidité et surtout de courage politique pour aider utilement ses alliés du moment. J’ai lu aussi Madiambal avec un sentiment de tristesse. Tristesse de le voir dans cette posture - dont j’ignore les causes profondes - consistant à chercher à arrêter la mer avec ses pauvres bras.


Rédigé par leral.net le Lundi 17 Août 2015 à 21:18 | | 0 commentaire(s)|

Dans un article aux relents de réquisitoire de Cour d’assises paru dans son journal et repris par leral.net le mercredi 12 août 2015, Madiambal Diagne me traîne dans la boue et me traite de tous les noms d’oiseaux. Ma petite personne n’a que peu d’importance ici et il n’en sera pas du tout question dans cette réplique, mais la charge du discours interpelle tous ceux qui sont soucieux de paix civile et de stabilité dans un système pluraliste et démocratique. Je m’efforcerai donc puisqu’il m’a interpellé personnellement de démontrer tout au long de ma réponse que cet homme est dangereux pour les fondamentaux d’un Etat de droit, un Etat républicain du 21ème siècle.

Voici ce que dit Madiambal, je le cite : «En août 1993, j’avais constitué, avec Mamadou Diop Decroix, une délégation de l’opposition politique au régime du Président Abdou Diouf, pour rencontrer une mission du National democratic institute (Ndi). La mission était envoyée à Dakar pour une évaluation du processus électoral dans le cadre d’une facilitation conduite depuis 1991 par le Ndi pour un dialogue politique. A la sortie de la rencontre, Mamadou Diop Decroix me tomba dessus pour avoir ruiné la propagande de l’opposition qui cherchait à discréditer les scrutins de l’élection présidentielle de février 1993, et des élections législatives de mai 1993. En effet, j’avais indiqué dans nos discussions que nous de l’opposition avions certes de sérieuses réserves sur la sincérité du scrutin du fait notamment de l’absence d’identification des électeurs et surtout de pratiques d’achat de conscience et peut-être même de bourrages d’urnes, mais que nous ne pouvions continuer à discréditer le processus électoral sans apporter la moindre preuve.» Fin de citation.

L’on peut repérer dans l’espace déontologique de la profession de journaliste un principe cardinal : «Les faits sont sacrés, le commentaire libre.» Je rectifierai donc Madiambal en partant des faits pour ensuite me permettre quelques commentaires sur sa nouvelle posture de fantassin du régime en place.

Tout d’abord, je n’ai pas souvenance de cette rencontre. Si elle a eu lieu, elle devait être probablement une réunion sans gros enjeu. Quant à Madiambal, sa présence avec moi dans une réunion de ce type n’a pas retenu mon attention. Qu’il eût été bien inspiré de me rafraîchir la mémoire dans l’intervalle. Trente-deux ans (sic, Ndlr) et tant de rencontres entre nous sans le moindre rappel de cet incident que je découvre en lisant son article de ce mercredi 13 août 2015. Il convient ensuite de dater l’implication du Ndi dans la réforme de notre système électoral.

Tout est parti de l’élection présidentielle de février 1988

A cette élection, le principal adversaire du candidat sortant est arrêté le soir du scrutin, avant même que les premiers résultats ne commencent à tomber, et envoyé en prison avec quelques-uns de ses compagnons. Le Peuple, notamment sa frange juvénile, organisa spontanément l’insurrection en descendant par milliers dans la rue pour dénoncer des élections ni honnêtes ni transparentes et exiger la libération des détenus. Cela dura trois mois, jusqu’à ce que les leaders et les dizaines de militants et simples citoyens arrêtés dans le processus soient libérés et que le pouvoir accepte de discuter. Le Ndi et d’autres offrirent leurs services pour aider les acteurs politiques à trouver un système électoral consensuel garantissant des élections honnêtes et transparentes.

Cela déboucha, au bout de plusieurs mois de difficiles négociations sous la houlette du juge Kéba Mbaye, sur le fameux document de Code électoral consensuel que le Président Diouf envoya à l’Assemblée nationale pour adoption en 1992 sans y changer une virgule, pour reprendre sa célèbre formule. Ce Code électoral a été, en soi, une véritable révolution au sens où il a préservé le Sénégal de la guerre civile par suite d’élections contestées. Il régla définitivement les épineuses questions que furent l’identification de l’électeur, l’encre indélébile, le secret du vote, l’inclusion de l’opposition qui n’est plus observateur, mais membre du bureau de vote, etc.

Il faut rappeler que jusqu’en 1988, l’identification de l’électeur était si lâche que l’on pouvait voter 10, 20, 30 fois si c’était «dans le bon sens» et l’absence d’encre indélébile facilitait les choses. Le passage à l’isoloir était facultatif ; mieux vaut dire que le vote était public et non secret. L’opposition était confinée au fin fond de la salle du bureau de vote et n’y voyait que du feu. Cela s’appelait élections sans en être.

C’est donc l’insurrection de mars-avril-mai 1988 qui enfanta dans la douleur le Code électoral et le système électoral de 1992 sur la base desquels les élections de 1993 ont été organisées. C’est précisément l’application de ce Code électoral qui, pour la première fois dans l’histoire postindépendance du Sénégal, a permis qu’un parti de l’opposition – le Pds de Abdoulaye Wade – gagne Dakar et Pikine aux dépends du parti au pouvoir aux Législatives de mai 1993. L’on voit donc bien que mon ami Madiambal s’est trompé de période et d’élections. L’absence d’identification de l’électeur et le bourrage d’urnes dont il parle n’étaient plus que mauvais souvenirs en 1993. Par conséquent, proclamer fièrement avoir dénoncé devant le Ndi des pratiques qui n’avaient plus cours, c’est tromper le lecteur inconsciemment ou de manière délibérée.

Ensuite, toujours dans sa quête de médaille sans frais, il évoque la fameuse histoire des ordonnances de 1993 en écrivant : «Il s’y ajoutait un autre argumentaire de l’opposition selon lequel les résultats des scrutins avaient été faussés par l’usage massif d’ordonnances délivrées à des électeurs pour pouvoir voter.» Comme on le voit, il réfute les arguments de l’opposition – dont il se réclamait en adoubant ceux du pouvoir de l’époque y compris leurs chiffres : 46 mille votants par ordonnances à la Présidentielle de février et 26 mille électeurs aux Législatives de mai. Qu’importe ! Pour évacuer d’inutiles controverses, examinons sa démonstration en nous en tenant à ce que lui-même rapporte.

Madiam­bal a oublié de rappeler au lecteur qu’en février, à la Prési­dentielle, aucune arrestation n’a été opérée sur les 46 mille votants par ordonnances alors qu’aux Législatives de mai, des centaines d’arrestations ont été opérées sur seulement 26 mille électeurs ayant utilisé des ordonnances. Il est étrange que Madiambal puisse passer ce fait sous silence. Que s’est-il donc passé ? Il s’est passé qu’à la Présidentielle, les détenteurs d’ordonnances avaient voté dans «le bon sens» alors qu’aux Législatives, les électeurs de l’opposition, ayant découvert le pot aux roses, s’en étaient mêlés. D’ailleurs pour cette raison, l’utilisation des ordonnances qui était partie pour être la nouvelle trouvaille de fraudes (puisque toutes les autres portes étaient fermées) fut très vite supprimée dans la loi. Cela aussi Madiambal ne l’a pas rappelé.

Au total donc, ce rappel historique bat en brèche, avec des faits irréfutables, les mensonges éhontés concoctés par Madiambal pour préparer le lecteur à ingurgiter ce qu’il va lui servir dans les lignes qui vont suivre.

Alors intéressons-nous donc à ce que veut vraiment dire Madiambal Diagne de Mamadou Diop Decroix. Je le cite : «La leçon de cette histoire est de s’interroger sur les rapports que les hommes politiques doivent avoir avec la vérité, mais aussi avec les institutions de la République… Cette anecdote me revient à l’esprit après avoir lu dans certains médias des déclarations faites, la semaine dernière à Touba, par Mamadou Diop Decroix. Cet homme politique, et député de surcroît, a estimé devoir apporter un soutien à des jeunes Mbacké Mbacké qui exigent la libération d’un des leurs, Serigne Assane Mbacké, incarcéré dans le cadre de l’enquête sur l’incendie volontaire d’un domicile du député Moustapha Cissé Lô. Mamadou Diop Decroix n’a cure des principes d’indépendance de la justice encore moins de la gravité des faits criminels.» Fin de citation.

Mon ami Madiambal n’avait pas besoin de tout ce long détour de 1993 pour me brocarder sauf qu’il s’agit d’une béquille à vocation manipulatrice. Il évoque la nécessité pour les hommes politiques de s’en tenir à la vérité alors que, le concernant, comme je viens de le montrer, il s’installe dans le mensonge dès l’entame de son article.

De mon soutien à Serigne Assane Mbacké

Je me demande le plus sérieusement du monde où était Madiambal Diagne sur cette planète terre depuis cette affaire Serigne Assane Mbacké. Il a été montré dès son arrestation que le jeune marabout n’était même pas sur les lieux lors des faits pour lesquels il serait poursuivi. L’on m’a même signalé qu’il était hors du pays au moment de ces faits. D’ailleurs, la victime l’a disculpé publiquement par presse interposée. Et aujourd’hui, se trouvant devant un casse-tête chinois, les autorités, pour sauver la face, lui demandent en sous-main de déposer une demande de liberté provisoire pour pouvoir le laisser rentrer chez lui, sans compter les tentatives multiformes de corruption dont il fait l’objet quotidiennement.

Prendre la défense de Assane Mbacké dans ces conditions devient, sous la plume de Madiambal, je cite : «Decroix» déclare qu’il soutiendra les amis de Assane Mbacké dans leurs actions de défiance à l’endroit de la justice.» S’installant progressivement dans les habits d’un célèbre procureur d’un certain pays, dans les années 80, dont les réquisitoires débouchaient presque toujours sur la peine de mort et étaient immédiatement exécutoires, Madiambal est devenu le préposé au clairon du système. C’est ainsi que récemment, après le caillassage du cortège présidentiel à l’Ucad, il a sonné l’alerte très peu de jours après, pour intimer l’ordre aux alliés du Président d’avoir à se déterminer sans délai et sans hésitation ni murmure. Il est vrai qu’au silence assourdissant d’avant la sortie de Madiambal, a succédé un concert de réactions d’indignation du ban et de l’arrière-ban. Ceci explique-t-il cela ? N’est-il pas dès lors tentant de penser que Madiambal a été dopé par ce «succès» au point de penser obtenir le même résultat avec quelques leaders de l’opposition ?

J’ai horreur du «moi», mais wax mooy indi wax ! Madiambal m’accuse de ne pas respecter l’indépendance de la justice. Un petit rappel. Lorsqu’il a été envoyé en prison en 2004 et que je me battais dans les tranchées du pouvoir pour sa libération avec d’autres bonnes volontés, nous avait-il demandé de laisser faire la justice au motif que celle-ci était indépendante ? Bien sûr que non !

Le procureur (autoproclamé ?) de lâcher le morceau. Je le cite : «On peut même se demander si l’expression aussi exubérante d’une quelconque compréhension des actes d’incendie volontaire perpétrés contre le domicile habité de Moustapha Cissé Lô ne constitue-t-elle pas une certaine apologie du crime ?» Ce que je comprends de cette phrase sophistiquée, c’est que je fais l’apologie du crime. Et le lien avec Oumar Sarr est vite fait qui lui aussi est coupable d’apologie du crime à propos de l’accueil du Président à l’Ucad. Et le verdict tombe, je cite Madiambal : «Servirait-il à quelque chose, dit-il, de poursuivre les étudiants si de telles déclarations de Oumar Sarr qui constituent une véritable apologie d’un crime sont laissées impunies ?»

En somme, tous ceux qui s’opposent sans compromission à sa «Majesté» Macky Sall installé sur le piédestal du démiurge par des laudateurs qui, hier seulement, peuplaient les couloirs et les salons de Abdoulaye Wade, doivent être pendus haut et court. Voici la sentence et ses attendus ; je cite Madiambal : «Seulement, de nombreux responsables de l’opposition semblent pris par un grave délire haineux résultant d’une profonde ‘’blessure narcissique’’, pour emprunter à Sigmund Freud sa formule. Ils ne se font pas encore une raison que c’est bien Macky Sall qui a été élu par 65% des électeurs sénégalais pour conduire leurs destinées.» Fin de citation. Des mots comme haine, mesquinerie, blessure, délire, s’entrecroisent, s’entrelacent et s’entrechoquent dans le discours de Madiambal avant que l’appel au lynchage ne tombe ; lisez : «Même la Chine ferme ses camps de rééducation, mais une personnalité politique ne doit pas dire n’importe quoi jusqu’à se livrer à un libertinage et le cas échéant, les citoyens au nom desquels ils exercent des mandats devraient les sanctionner.» La cause est entendue. Il faut que le Sénégal inaugure ses camps de concentration et que le Peuple exécute la peine capitale par lapidation contre les leaders politiques qu’il vient de condamner.

Les marabouts vilipendés, les politiciens trucidés, le procureur «Majamb» passe aux suivants. Les suivants, ce sont ses confrères de la presse. Je le cite : «Quelle est aussi la responsabilité des médias dans ce charivari ? Le souci de donner la parole à toutes les sensibilités politiques ne devrait pas pousser à relayer n’importe quel propos. Une rédaction doit pouvoir apprécier souverainement de refuser de relayer un propos qui heurte la morale ou les principes républicains. De toute façon, des médias ont déjà été condamnés lourdement pour avoir ouvert leurs micros ou leurs colonnes à des hommes publics qui ont eu à y faire des déclarations.» Fin de citation et sans commentaires !

Concluons : Si cet homme n’est pas dangereux, c’est qu’alors le danger n’existe plus ou alors les repères nous permettant de distinguer le vrai du faux n’existent plus. Mon cher ami Madiambal, reviens-nous très vite, il se fait tard. Toutes tes élucubrations sur l’opposition ne font que nous réconforter en nous montrant clairement que nous sommes bien sur la bonne voie. Où étais-tu lorsque le convoi du Président Wade a été caillassé à Fatick en 2009 dont une voiture brisée ? Lu haraamon sous Wade tey dagan na ; lu daganon sous Wade tey haraam na. C’est cela les ruptures promises ?

Il se trouve juste qu’en ce qui me concerne, je ne cohabite ni avec la haine ni avec la mesquinerie. Je m’oppose à des choix et à des orientations politiques, mais jamais à des personnes. Et c’est pourquoi je suis aujourd’hui à l’aise dans mes habits d’opposant comme je l’étais hier quand j’étais aux affaires. Par exemple, en 1992, alors que j’étais dans l’opposition radicale, j’ai publié des articles de presse où j’ai salué la contribution du Président Diouf dans l’avènement de ce fameux Code électoral consensuel. J’ai réitéré cette appréciation plus tard en 2007 dans un livre La cause du peuple. Où étais-tu, Madiambal, quand je dénonçais l’attaque contre le cortège de Macky Sall à Tamba alors qu’il était dans l’opposition et moi, ministre de Wade ? Si vous mélangez la haine à la politique, l’intérêt général disparaît. Notre pays n’a pas besoin de ce type de discours. Personne ne naît dictateur, on le devient et c’est précisément ce type de discours qui fabrique les dictateurs. Nous combattrons ce discours résolument et fermement dans tous les espaces et prions en même temps Dieu Le Tout-Puissant pour qu’Il nous en garde. Amin !

Ps : Y a-t-il quelque mérite à gouverner Madiambal ?