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Me Sidiki Kaba : Une casquette en trop - Par Madiambal Diagne

Quand Me Sidiki Kaba venait d’être élu, en décembre 2014, pour un mandat de trois ans, président de l’Assemblée des Etats parties au Statut de Rome sur la Cour pénale internationale (Cpi), des éditorialistes s’étaient interrogés sur la compatibilité de cette nouvelle fonction internationale avec celle de Garde des sceaux, ministre de la Justice au Sénégal. Le Président Macky Sall n’avait pas ignoré ce débat et s’en était ouvert au ministre Kaba, qui l’aurait assuré de sa capacité à cumuler les deux charges. Seulement, il se trouvait encore, dans l’entourage du chef de l’Etat, des personnes qui restaient dubitatives pour différentes raisons.


Rédigé par leral.net le Lundi 22 Juin 2015 à 11:31 | | 0 commentaire(s)|

Me Sidiki Kaba : Une casquette en trop - Par Madiambal Diagne
La fonction de président de l’Assemblée des Etats parties est très prenante et exige une présence physique très régulière à New York, à Genève et à la Haye. Le bureau de l’assemblée se réunit aussi souvent que nécessaire, sa réunion ordinaire a lieu le premier mardi de chaque mois, généralement au siège des Nations-Unies. Il s’y ajoute qu‘outre les fonctions de représentation, le président assure le contrôle des missions de deux groupes de travail, dont est l’un installé à la Haye et l’autre à New York. Le Président a également pour tâche de superviser le travail du secrétariat de l’assemblée, mais aussi des comités du budget et des finances notamment. C’est en quelque sorte un boulot à plein temps.

Le fait de cumuler les fonctions nationales et celles de président de l’Assemblée des Etats parties s’avère presqu’impossible pour une personne qui ne réside pas à New York. De toute façon, le cas échéant, l’une ou l’autre fonction en souffrirait, si ce ne sont pas toutes les deux. Le prédécesseur de Me Sidiki Kaba à cette fonction, Mme Tiina Intelmann de l’Estonie, bien qu’elle était représentante de son pays aux Nations-Unies à New York au moment de son élection en 2011, avait été obligée de se délester de ses fonctions d’ambassadrice auprès de l’Onu. D’ailleurs, tous ses devanciers au poste avaient fait de même : Christian Wenaweser du Liechtenstein (2008), Bruno Ugarte du Costa Rica (2005) et son Altesse Royale le Prince Zeid Ra’ad Zeid Al Hussein de la Jordanie (2002).

Il reste que même s’il ne se posait pas un problème d’incompatibilité fonctionnelle, le cumul des deux fonctions pourrait heurter certains principes. Le président de l’Assemblée des Etats parties est une personnalité indépendante à l’instar de l’institution judiciaire qu’est la Cpi. On a pu se demander quelle serait l’attitude de Me Kaba, président de l’assemblée des Etats parties à la Cpi si d’aventure le gouvernement sénégalais, dont il reste membre, arrivait à vouloir protéger un de ses ressortissants passible devant la Cpi ou si, pour toutes autres raisons, le Sénégal refusait de coopérer avec la Cpi ? Le chef de l’Etat du Sénégal avait sans doute jugé cette probabilité très faible pour ne pas se séparer de son ministre de la Justice. Mal lui en a pris car, Macky Sall a certainement passé la semaine dernière, à Johannesburg, son séjour le plus embarrassant. Le président de la République du Sénégal a pu passer aux yeux de ses pairs chefs d’Etat comme le mouton noir.

En effet, au moment où tous les participants au dernier Sommet de l’Union africaine (Ua) réitéraient la position de principe exprimée par l’Ua de surseoir à toutes poursuites contre un chef d’Etat en activité, le ministre de la Justice du Sénégal, sous sa casquette de président de l’Assemblée des Etats parties de la Cpi, exigeait publiquement de l’Afrique du Sud, pays hôte du Sommet de l’Ua, d’arrêter le chef de l’Etat soudanais Omar El Bechir et de le livrer à la Cpi. Sidiki Kaba était certes dans son rôle au titre de la Cpi, mais il aura enfreint le principe de la discipline gouvernementale. Le Sénégal s’est en effet totalement aligné sur la position de l’Union africaine sur cette question. Macky Sall a été obligé de faire montre de regrets et de contrition auprès de ses pairs chefs d’Etat, mais surtout devant Omar El Bechir. Que l’on s’entende bien ! J’aurais exulté de joie si Omar El Bechir avait été arrêté, comme je m’étais félicité de l’arrestation de Hissein Habré au Sénégal, car de tels crimes ignobles et abominables ne sauraient demeurer impunis. Me Kaba avait activement pris part aux négociations du traité de Rome et cette posture l’avait bien aidé à devenir en 2001, président de la Fédération internationale des Droits de l’Homme (Fidh).

En 1999, le Sénégal aura été le premier pays au monde à ratifier le traité de Rome. Cela nous mettait très à l’aise, avec Trinidad et Tobago, dans le cadre de la campagne de la coalition mondiale pour la ratification du traité de Rome signé en 1998. Seulement, nous autres, nous pouvons continuer à garder nos positions de droits de l’hommistes de pur crin. Tel ne peut plus être le cas pour notre ami et camarade Me Kaba, qui est membre d’un gouvernement et donc obligé d’adopter les positions du gouvernement. En acceptant d’entrer dans un gouvernement, on renonce à certaines parcelles de son indépendance et de sa liberté de parole. C’est d’ailleurs toute la justesse de la position du ministre Abdou Latif Coulibaly. Le secrétaire général du gouvernement a le mérite et le courage de revendiquer urbi et orbi que quand il était à des postures qui lui permettaient de prendre certaines positions, il les avait prises entièrement et totalement et les avait assumées. Maintenant qu’il est au gouvernement, il va devoir avaler des couleuvres mais devra montrer fidélité et loyauté au gouvernement. Un chef d’Etat ne devrait pas en attendre moins de son ministre. Il est également difficile, de ne pas croire que les nombreux derniers ratages, imputés aux services du ministère de la Justice sur la gestion de dossiers importants, ne seraient pas dus au fait que Me Sidiki Kaba est écartelé entre Dakar et New York.