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Monsieur Yoro Dia méconnaît tout du Droit constitutionnel (Abdoulaye Guèye)


Rédigé par leral.net le Vendredi 19 Février 2016 à 23:51 | | 0 commentaire(s)|

Monsieur Yoro Dia méconnaît tout du Droit constitutionnel  (Abdoulaye Guèye)
Dans un long texte publié dans les colonnes de l’Observateur sous le titre savant de ‘’La valeur de la censure » l’éminent politologue mélange gravement les pédales et étale des insuffisances insoupçonnées de la chose juridique. Je crois profondément à sa bonne foi.
Il commence son texte par un rappel qu’il juge illustratif « En France, pendant la campagne électorale de 2012, le candidat Hollande, par populisme de gauche, promet de faire payer une taxe de plus 75 % tous les français qui ont un revenu supérieur à un million d’euros. Une fois élu, le Président Hollande l’inscrit dans le budget 2013, pour tenir sa promesse, avant que le Conseil constitutionnel ne censure la taxe Hollande. ».
Puisque le Conseil constitutionnel lui-même parle de pratique constitutionnelle en faisant allusion et référence à la France, son exemple n’est pas saugrenu. Seulement, la promesse du candidat Hollande entre dans le domaine législatif et donc de la compétence de contrôle du Conseil constitutionnel.
Le Conseil a suspendu la mesure votée par le parlement car, en France, le système fiscal est régi par le principe de la conjugalisation. La taxation prenant en compte la situation du couple, un membre ne pouvait subir lui seul la taxation à 75%. Hollande est revenu à la charge pour faire supporter la taxe de 75% aux employeurs. Paris SG, Marseille et Lyon ont menacé d’aller en grève mais la taxe est maintenue. Chez eux, la parole donnée est sacrée.
Une chose pareille s’était déjà produite au Sénégal. Quand le Conseil constitutionnel avait censuré l’amendement Niadiar Sène qui devait augmenter le nombre de députés, le Président Diouf était revenu avec le même texte qui a été validé. L’argument de la création de charge nouvelle ne s’opposant pas au l’exécutif.
Pour trouver d’autres arguments, le politologue y va par le raisonnement à l’absurde « A mon avis, ce n’est pas une question de droit, mais de simple sens. Supposons que le Conseil constitutionnel donne un avis et que le Président passe outre. Il suffit que des députés attaquent la décision du Président au même Conseil constitutionnel qui ne pourra pas se contredire, en l’espace de quelques jours sur la même question. »
C’est justement là que son éminence passe à coté de la plaque, car il s’agit bien d’une question de droit même s’il pense que ça doit être dissocié du (bon) sens. Lui qui aime bien la France et son histoire devait savoir que cette situation s’est produite en 1962 quand le Président De Gaulle a proposé, par référendum, un projet de loi constitutionnelle instituant l’élection du Président de la République au suffrage universel. Saisi par le Président du Sénat, Le Conseil constitutionnel français avait de manière précise et péremptoire déclaré : « que la compétence du Conseil constitutionnel est strictement délimitée par la Constitution ainsi que par les dispositions de la loi organique sur le Conseil constitutionnel prise pour ; (…) que le Conseil ne saurait donc être appelé à se prononcer sur d'autres cas que ceux qui sont limitativement prévus par ces textes ; qu'il résulte de ce qui précède qu'aucune des dispositions de la Constitution ni de la loi organique précitée prise en vue de son application ne donne compétence au Conseil constitutionnel pour se prononcer sur la demande susvisée par laquelle le Président du Sénat lui a déféré aux fins d'appréciation de sa conformité à la Constitution le projet de loi adopté par le Peuple français par voie de référendum le 28 octobre 1962 ; Il avait conclu sèchement à son article premier : Le Conseil constitutionnel n'a pas compétence pour se prononcer sur la demande susvisée du Président du Sénat. »
La même démarche a été adoptée par le juge constitutionnel sénégalais dans une décision publiée en 2003. Il a rappelé que « … la compétence du Conseil constitutionnel est délimitée par la Constitution (…) que le Conseil constitutionnel ne saurait être appelé à se prononcer dans d’autres cas que ceux qui sont expressément fixés par les textes. Que le Conseil constitutionnel ne tient de ces textes ni d’aucune disposition de la Constitution et de la loi organique le pouvoir de statuer sur une révision constitutionnelle…».
Qui plus est le Conseil constitutionnel s’est toujours éloigné du référendum en rappelant d’abord que par la décision du 6 novembre 1962 puis par celle du 23 septembre 1992, relative à la loi autorisant la ratification du Traité de Maastricht adoptée à la suite d'un référendum ; « que les lois que la Constitution a entendu soumettre au contrôle de constitutionnalité "sont uniquement les lois votées par le Parlement et non celles qui, adoptées par le peuple français à la suite d'un référendum, constituent l'expression directe de la souveraineté nationale".
A la question de savoir qu’il ne devait pas sentir plus libre quand il donne son avis le Conseil constitutionnel français s’est contenté de signifier « qu’en matière de référendum, ses pouvoirs consultatifs sont exclusifs de ses pouvoirs contentieux. »
Le privilège d’injusticiabilité des lois constitutionnelles toujours rappelé par le Conseil constitutionnel a été réaffirmé pour les révisions issues de référendum.
Le droit constitutionnel n’est pas le Droit international public et le Conseil constitutionnel n’est pas non plus la Cour internationale de la justice. Le jus congens, la coutume ou les principes ne peuvent empêcher au peuple de garder sa souveraineté.
Saisi en 2001 par le Président de la République sur la base de l’article 46 ancien, le juge constitutionnel avait vu juste de rappeler que le « Président de la République peut, sur proposition du Premier ministre et après avoir consulté les Présidents des assemblées et recueilli l’avis du Conseil constitutionnel soumettre au référendum le projet de Constitution" car « le Président tient de cette disposition constitutionnelle le droit d’initiative au référendum »
Professeur, voila la pratique constitutionnelle et les principes généraux de droits tels qu’ils découlent du juge constitutionnel jusqu'à la publication de l’avis qui devait rester à jamais confidentiel.
Abdoulaye GUEYE