leral.net | S'informer en temps réel

Monsieur le Président de la République, la déclaration de patrimoine est une obligation, pas une faculté !


Rédigé par leral.net le Mardi 30 Décembre 2014 à 16:04 | | 0 commentaire(s)|

Monsieur le Président de la République, la déclaration de patrimoine est une obligation, pas une faculté !
Lors de l’ouverture du « séminaire de partage des meilleures pratiques en matière de répression des crimes financiers, du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme » qui a eu lieu du 15 au 18 décembre, la présidente de l’OFNAC, madame Nafi Ngom Ndour, suppliait presque les assujettis à la déclaration de patrimoine de se soumettre à cette obligation légale. « On ne cherche à créer des problèmes à personne. Nous invitons tout le monde à jouer le jeu. ».

La teneur de ses propos renseigne, au-delà de son impuissance, sur la méprise dont elle fait l’objet, elle et « son » OFNAC de la part de ceux-là mêmes qui doivent donner l’exemple du respect de la loi et qui se plaisent face caméra à professer la vertu et la transparence.

L'exercice de hautes fonctions, ainsi que le rappelle l’exposé des motifs de la loi n° 2014-17 du 02 avril 2014 relative à la déclaration de patrimoine, doit s'accompagner d'un devoir de responsabilité, de probité et d'intégrité, excluant toute dynamique d'accaparement de ressources publiques. ».

C’est le lieu d’ailleurs de rectifier Mme la présidente de l’OFNAC. Pour lui faire comprendre qu’il ne s’agit pas d’un jeu ! et que contrairement à ce qu’elle affirme, « on » cherche bien à créer des problèmes à ceux qui, ayant exercé de hautes fonctions, ne seront pas en mesure de justifier la variation du patrimoine et, au-delà, ceux qui n’auront pas pu justifier l’origine licite de leur richesse. Dire « qu’il n’y a rien de répressif » dans la déclaration de patrimoine comme elle l’a déclaré dans l’émission « Grand Jury » de la TFM du 28 décembre 2014 est un appât dont elle n’a guère besoin pour que la loi soit respectée. Les conséquences qui peuvent être attachées à cette déclaration sont parfaitement comprises par les personnes concernées. C’est pour cette raison qu’ils rechignent à sacrifier à la déclaration. Ont-ils quelque chose à se reprocher ?

Ce jeu de cache-cache auxquels jouent les ministres et autres assujettis avec une obligation légale ne peut être considérée, a priori, comme de la cachoterie mal voilée derrière une tradition de « soutoureu ». Dans beaucoup de cas, si les déclarations sont sincères, vous serez choqués de voir à quel point certaines personnes se sont enrichies. Le choix n’est d’ailleurs pas cornélien : s’ils tiennent autant à se cacher, ils n’ont qu’à s’abstenir d’occuper des fonctions qui leur imposent une telle « contrainte ». A notre sens, le seul retard noté devrait plutôt motiver la CREI à regarder de plus près chez ces personnes-là.

L’obligation de déclarer découle, sans ambiguïté aucune, de la loi n° 2014-17 précitée dont l’article 1 dispose que « les personnes mentionnées à l'article 2 de la présente loi doivent, dans les trois mois qui suivent leur nomination, formuler une déclaration certifiée sur l'honneur, exacte et sincère de leur situation patrimoniale concernant notamment leurs biens propres ainsi que, éventuellement, ceux de la communauté ou les biens réputés indivis en application de l'article 380 du code de la famille. Ces biens sont estimés à la date du fait générateur de la déclaration, comme en matière de droit de mutation à titre gratuit. La même obligation est applicable dans les trois mois qui suivent la cessation des fonctions, pour cause autre que le décès.».

Monsieur le Président de la République, lors de la journée des institutions, vous avez demandé aux assujettis, notamment les membres du gouvernement, « d’aider Mme la présidente de l’OFNAC à recevoir ses déclarations ». C’est tout simplement dramatique !

Non ! Monsieur le Président, il ne s’agit pas « d’aider la Présidente de l’OFNAC ». Poser le problème en ces termes c’est encourager le comportement déviant des ministres et minimiser la gravité de la violation allègre de la loi de la part de ceux qui doivent s’ériger en modèle. Ils doivent comprendre que ce qui leur est demandé n’est pas de bien vouloir déclarer. Mais de le faire, qu’ils le veuillent ou non, et qu’on en tire toutes les conséquences.

Le Président de la République, pour ce qu’il incarne en tant que institution est au-dessus de toutes les autres institutions. La dignité attachée à sa fonction est bien au-dessus de celle d’un ministre ou d’un directeur que lui-même nomme et qu’il peut démettre à tout moment. Alors, si le Président se soumet à la déclaration de patrimoine les ministres n’ont plus d’excuses sauf celle du manque de respect à loi et au Président-même.

Il suffit de lire l’exposé des motifs de la loi n°2014-17 du 02 avril 2014 relative à la déclaration de patrimoine, celui de la loi 2012-30 du 28 décembre 2012 portant création de l’OFNAC et le rapport de présentation du Décret 2014-1463 portant application de loi relative à la déclaration de patrimoine, pour se rendre compte de l’importance pour notre pays de se doter d’un « dispositif normatif, favorisant la transparence et contribuant à la protection des deniers publics ».

Mais, à quoi serviraient les meilleurs outils de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite si, par la simple volonté des personnes en charge des affaires publiques, la loi pouvait être réduite à néant ? Le combat contre les fléaux que constituent la corruption et le détournement des deniers publics ne se gagnera pas par la diplomatie. Il faut de la fermeté de la part de tous ceux qui, à une échelle ou une autre, sont chargés de mettre en application les outils normatifs dont notre pays s’est doté.

Toutefois cette fermeté ne doit pas être sélective. L’OFNAC doit travailler en toute sérénité et en toute impartialité. Et quand de façon souveraine il aura décidé de transmettre un dossier aux autorités judiciaires, il ne doit être fait aucune entrave à son action.

Monsieur le Président de la République vous avez le devoir, de combattre tout ce qui est susceptible de constituer une entrave au développement économique et social ; de décourager l’investissement privé, surtout étranger ; de réduire les ressources disponibles et de menacer les fondements de l’Etat de droit. En un mot, vous avez le devoir de combattre la corruption ou, pour vous prendre au mot, d’ériger une gestion transparente et vertueuse.

Notre pays s’est doté des armes nécessaires pour ce défi si relevé, des lois que vous avez « juré devant Dieu et devant la nation sénégalaise d’observer comme de faire observer scrupuleusement ». Alors ne laissez pas vos ministres se soustraire à l’obligation légale de déclarer leur patrimoine sous des prétextes plus que fallacieux.


Bassirou Diomaye FAYE
Inspecteur des impôts,
Chargé des affaires juridiques du Syndicat
Autonome des agents des Impôts et Domaines