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On a vu « The Interview » et on est un peu déçu

Rédigé par leral.net le Vendredi 26 Décembre 2014 à 02:30 | | 0 commentaire(s)|

On a vu « The Interview » et on est un peu déçu
Seth Rogen a beau rappeler à ses followers sur Twitter qu’on apprécie mieux une comédie en salles que sur son ordinateur, la décision prise par Sony de mettre le film en ligne, après avoir successivement annoncé qu’il ne serait montré nulle part, puis qu’il sortirait dans quelques centaines de cinémas indépendants aux Etats-Unis, devrait attirer du monde sur les sites de téléchargement et de streaming. Le film n’est pas encore sous-titré en français, mais il est visible sur Internet.
Malheureusement, il déçoit. Sans doute était-il voué à le faire, tant l’attente à son égard, aiguisée par une invraisemblable crise politique entre les Etats-Unis et la Corée du Nord, et par les menaces de censure qui en ont découlé, était démesurée. S’il était impossible à quiconque d’anticiper l’ampleur de l’affaire, on ne peut s’empêcher toutefois, en voyant le film, de penser que le buzz était en partie recherché.

Une comédie de potes
En tant que producteur, réalisateur, scénariste et acteur du film, Seth Rogen en est le grand ordonnateur, mais cette comédie de potes (« bromance », pour reprendre l’expression américaine) est aussi bien l’œuvre du trio qu’il forme avec Evan Goldberg, son coscénariste, et James Franco, son vieux complice qui partage l’affiche avec lui. A eux trois, ils ont notamment collaboré, chacun à des postes divers, à Délire express (2008) et C’est la fin (2013), des comédies qui ont en commun de muscler la musique régressive et sentimentale des films de Judd Apatow (producteur de la première) par les effets d’une puissance spectaculaire exogène — une drogue surpuissante pour Délire express, un scénario apocalyptique dans C’est la fin —, doublés d’un casting explosif rassemblant, dans leur propre rôle, tout le gratin de la nouvelle comédie américaine, et dans The Interview la Corée du Nord et son leader, Kim Jong-un.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/cinema/article/2014/12/25/on-a-vu-the-interview-et-on-est-decu_4546169_3476.html#2QruU7fQvskcaf9l.99

On a vu « The Interview » et on est un peu déçu

Mais d’un film à l’autre, la qualité baisse. L’impression est forte de reconnaître une même recette, exécutée chaque fois avec un peu plus de paresse, que viendraient compenser des effets toujours plus tapageurs. Dans The Interview, James Franco et Seth Rogen, amis depuis qu’ils se sont rencontrés en école de journalisme, sont respectivement un présentateur décérébré et célébrissime de télévision poubelle, et son producteur, qui traverse une crise de conscience (pourquoi est-il tombé si bas alors qu’il avait les moyens de devenir un bon journaliste ?). Lorsqu’ils apprennent que Kim Jong-un adore leur émission, ils décident de partir l’interviewer. La CIA leur met alors le grappin dessus et les mandate pour tuer le leader nord-coréen.

Eminem dans son propre rôle
Le film commence plutôt bien, avec une interview d’Eminem, dans son propre rôle, qui fait un coming out gay à l’antenne face à un James Franco excellent en journaliste de caniveau heureux de se rouler dans la fange. Mais il évolue vite vers un pudding insipide, où la spécificité de la Corée du Nord sert de prétexte à une crise de couple entre les deux protagonistes (le premier tombe sous le charme de Kim Jong-un, avec qui il partage une même passion pour la chanteuse Katy Perry, le second a un coup de foudre pour la directrice de la propagande, qui subit, comme lui, les caprices de son boss), qui se résoudra, comme il est désormais de notoriété publique, dans le grand feu d’artifice réconciliateur de la mise à mort du tyran.

Les références à la culture pop, les blagues scatologiques, l’idiotie des personnages… tous les traits saillants de cette école qu’on a appelée la « nouvelle comédie américaine », et qui commence à sentir le sapin (voir les ratages récents de Nos pires voisins, également avec Seth Rogen, Dumb & Dumber De…), abondent, mais tombent à plat, suscitant au mieux l’ennui, au pire le soupçon de cynisme.
Célébration de la liberté d’expression
Car s’ils en viennent à détruire physiquement Kim Jong-un, sous les applaudissements de la CIA et de l’Amérique entière, les deux compères auront obtenu leur véritable victoire dans la scène précédente, lors d’une interview télé où le personnage de James Franco le confronte à ses crimes et à ses mensonges en direct, alors que son peuple le regarde à la télévision, accomplissant ainsi dans un même geste son devoir de journaliste, pour la première fois de sa vie, et la victoire de la démocratie.
On imagine mal qu’avec un tel scénario entre les mains, Sony n’ait pas envisagé la possibilité d’une réaction de la part de la Corée du Nord. De ce point de vue, les échos entre la célébration que fait le film de la liberté d’expression, et les centaines de voix de stars, d’exploitants de salle, d’hommes politiques, à commencer par Barack Obama, qui ont résonné de concert pour crier ce même message quand Sony a finalement annoncé que le film serait diffusé, sont quelque peu troublants.
Lire aussi la revue de presse : « The Interview » plombé par la critique

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