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Orpaillage artisanal à Kédougou : En route vers l’or équitable

Les sites d’orpaillages de Kédougou, une région frontalière à l’est du Sénégal, ne renvoient dans l’imagerie populaire et dans l’opinion en général qu’à de sinistres images de violence (les affrontements sanctionnés par des morts entre orpailleurs maliens et burkinabe au début du mois de mars 2013 sont encore frais dans les mémoires) d’insécurité, autant sur les lieux de travail que dans les habitats spontanés, de promiscuité, de prostitution, de viol, de détérioration de l’environnement sur fond d’une pauvreté ambiante. Pourtant, aujourd’hui, avec l’initiative coordonnée par l’ONUDI et la Fondation « Alliance pour une Mine responsable » (ARM), avec l’appui local de l’ONG SADEV basée à Kédougou, l’espoir est de nouveau permis. Reportage.


Rédigé par leral.net le Jeudi 17 Septembre 2015 à 16:37 | | 0 commentaire(s)|

Douta, à Kédougou , la deuxième région minière du Sénégal, à sept cents (700) km de Dakar, la capitale sénégalaise, un site pilote du projet « Or équitable » (sur les quatre (4), deux au Sénégal et deux au Burkina Faso). Ici, les orpailleurs artisanaux font parfois plus de sept (7) km, en sandales sur ces sentiers rocailleux, pour arriver sur les sites aurifères. A mains nues, avec des équipements rudimentaires, une calebasse usagée pour tamiser le sol à la quête du métal précieux. Contrairement à Douta, où on ne trouve guère que des femmes qui s’activent à la battée de l’or alluvionnaire (or en surface), à Bantako, le second site pilote du projet, ce sont les hommes qui creusent les puits pour extraire la boue dans des conditions draconiennes. Pire, ce sont souvent les jeunes qui, en raison de leur petite taille, vont au fond des puits à l’aide de cordages qui font froid dans le dos, à la merci des éboulements qui ne sont pas rares. L’eau boueuse qui engloutit leurs pieds n’est que le moindre mal au regard des produits utilisés dans le traitement des rares grammes d’or recueillis. En effet, les produits chimiques, dont le mercure, l'acide chlorhydrique, l'acide sulfurique et, parfois, différents acides à composition douteuse , et même le cyanure sont le Graal pour séparer l’or des autres minerais. Outre les effets directs sur la peau, les gaz qui s’en échappent (principalement lors de la séparation de l'or des autres minerais) sont hautement toxiques et pour l’homme et pour son environnement. La déforestation sauvage qui découle de l’usage de divers matériaux en bois (planches, étais, pieux et autres combustibles) ajoute à la dégradation de cet environnement pourtant encore vert en cette période hivernale. Et une fois les quelques maigres pépites recueillies à la faveur de ces efforts titanesques, pour ne pas dire surhumains, restera à passer sous le tamis impitoyable des innombrables spéculateurs qui écument dans la zone. Et il n’est pas rare qu’avant cette ultime étape, quelques vies humaines soient fauchées, parfois expliquées dans l’imagerie populaire par des sacrifices nécessaires, la sinistre ruée vers l’or s’accompagnant inéluctablement de la lutte contre de malins génies « gardiens » des sites aurifères.
Le modèle colombien en exemple
Ici, pourtant, à Douta, les orpailleurs artisanaux ont commencé à se regrouper en Groupement d'Intérêt économique (GIE), ce qui est un pas important dans la formalisation de leur activité _ Au Mali, autre pays concerné par le projet « Or équitable », les orpailleurs se sont déjà attelés à la formation de coopératives qui ont l'avantage de faire bénéficier les retombées économiques de l'orpaillage à la communauté par la construction de centres de santé, d'écoles et autres centres sociaux. Avec l'appui de l'ARM et de l’ONG locale SADEV (Solidarité, Action et Développement), ces GIE se sont donnés pour objectif d'arriver à de meilleures pratiques de l'activité d'orpaillage, autant pour les orpailleurs que pour l'environnement. Et pour ce faire, sur l'initiative de l'ARM (voir encadré), ils se sont grandement inspirés de l’exemple colombien. En effet, c'est en Colombie que l'initiative de la production d'or équitable certifiée (qui respecte la santé et la sécurité au travail, de même que les standards de production d'or de qualité) a vu le jour. Evoluant dans un environnement tropical regorgeant de ressources naturelles, des orpailleurs artisanaux colombiens se sont inscrits dans la dynamique de produire de l'or de qualité de manière responsable (Fairmined), tout en respectant leur environnement. A Douta, l'ARM a doté dernièrement le GIE d'orpailleurs d’un trommel, « une qui permet de trier les cailloux et de transformer le minerai en boue liquide », selon les précisions de (…), le chef du projet « <or équitable ». Le trommel permet de traiter 1 tonne de minerai brut par jour et de séparer, avec le moins de déperditions possibles, l'or des autres minerais. Après le passage au trommel, la battée en devient plus facile. La prochaine étape, qui se déroulera dès la fin de l'hivernage (les sites étant peu accessibles en cette saison de saison de pluies), sera la construction de bassins de rétention qui permettront de filtrer l'eau utilisée pour extraire l'or et d'en extirper tous les éléments potentiellement pollueurs. L’eau recueillie pour, après analyse des constituants, être utilisée à des fins agricoles ou pour l’abreuvage du bétail. Mais, pour l'heure, les orpailleurs s'attèlent, dans une logique participative, de dresser une carte des risques encourus dans la chaîne de production de l'or. Les orpailleurs, sous la houlette de l'ARM et de SADEV, se sont engagés dans une logique de responsabilisation économique, sociale et environnementale. La carte des risques qui devra être dressée devrait par exemple permettre la localisation des puits et ainsi permettre aux GIE de prendre conscience des risques d’accident et prendre des mesures pour éviter cela, comme la signalisation des puits actifs et le rebouchage des puits inactifs. Les GIE sont aussi appelés à élaborer des systèmes de stockage qui réduisent la dissémination des produits chimiques utilisés (mercure et cyanure généralement) et qu'on retrouve aujourd'hui dans quasiment tous les foyers de mineurs, exposant en particulier les couches vulnérables (enfants et femmes enceintes) à de gros dangers pour leur santé. Les orpailleurs sont aussi incités à ne pas faire appel aux enfants et aux femmes enceintes dans leur activité d'orpaillage.
Hormis cet appui technique, les GIE de Douta sont appelés à s’adonner à des pratiques de reforestation. Ainsi, outre les trommels et autres bassins de rétention qui devront être installés, l’ARM leur a fait don de pépinières pour pallier à la déforestation. Avec l’appui de l’APAF, des pépinières d’arbres à vocation sécuritaire (pour les clôtures), agricole (pour l’alimentation des personnes et du bétail) et, surtout, fertilitaires (pour la régénération des sols déjà mis en mal par la corrosion due aux produits chimiques) leur ont été fournis par le projet « Or équitable ».

S’approprier le projet Fairmined par une bonne campagne de communication
Naturellement, la responsabilisation des mineurs ne saurait se faire sans la participation de ces derniers. Aussi, le projet « Or équitable » est-il sous-tendu par une campagne de communication, outre la formation et les politiques organisationnelles mise en œuvre. Des émissions thématiques sur le sujet sont diffusées à l’adresse de ces derniers en langue vernaculaire. Des visites de terrains et des ateliers sont aussi organisés pour faire prendre conscience aux orpailleurs des enjeux du projet. Enjeux qui ont pour noms : responsabilisation, autonomisation et formalisation. Responsabilisation afin que les orpailleurs aient une idée claire des impacts de leur activité sur leur vie sociale, économique et environnementale. Autonomisation, afin qu’ils prennent en charge eux-mêmes les tenants et aboutissants de leur activité. Et, enfin, formalisation, afin que les fruits de leur activité aient une traçabilité qui leur permette de s’exporter sur le marché international, ce qui en garantit une meilleure rentabilité.
Objectif à moyen terme : Produire de l'or équitable ou Fairmined
A Douta, comme à Bantako, les GIE et autres associations d'orpailleurs se sont engagées à de meilleures pratiques d'orpaillage. L'enjeu étant, à moyen terme, d'arriver à produire de l'or équitable et en quantité. Ce qui sera tout bénéf' pour leur communauté. Une fois la traçabilité de leur production prouvée et les conditions du Standard Fairmined respectées, les orpailleurs artisanaux pourront commercialiser leur or à l’international pour lequel ils recevront un minimum de 95% du prix du cours mondial, plus une prime de quatre mille (4000) dollars par kilo d'or vendu, payée par l'acheteur directement au groupement, qui serviront spécialement à des projets de développement communautaires. S'ils parviennent à produire 1kg d'or écologique, c'est-à-dire extraite en respectant les meilleures pratiques ci-dessus énumérées (respect de l'environnement économique, social et environnemental) et sans faire usage de produits chimiques, la prime s'élèvera à six mille (6000) dollars par kilo d'or. Douta qui capitalise plus d’un siècle d’orpaillage artisanal (il s’y pratiquerait depuis 1906, comme l’a révélé Lansana Diaby, animateur de l’émission « La voix du Douta », très impliqué dans le projet « Or équitable » et la sensibilisation des orpailleurs en général), la grande marche vers l’or équitable est d’ores et déjà amorcée.