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Pas si grave ? - Par Mamadou Badara Seck

Rédigé par leral.net le Jeudi 18 Février 2016 à 09:37 | | 0 commentaire(s)|

Pas si grave ? - Par Mamadou Badara Seck
Comment ne pas exprimer notre inquiétude face à l’ampleur du désastre social créé et entretenu par nos comportements de tous les jours ?
Le mal sénégalais semble très profond et c’est à se demander s’il ne serait pas inscrit dans notre programme génétique. C’est peu de reconnaître que notre peuple est presque à terre pour avoir perdu ses repères, ses valeurs, son essence ; la conséquence est la montée de l’indiscipline, de l’incivisme, de la cupidité. Hélas, très souvent hélas, nous subissons les conséquences d’actes anti sociaux dans notre économie, notre environnement, notre quotidien, notre chair. Une fois de plus, trois bonnes dames, à la fleur de l’âge, nous ont quittés tragiquement sur l’autoroute de Dakar par la faute d’une indiscipline généralisée érigée en mode de vie. L’insouciance, l’irresponsabilité, le défaut d’éducation, le manque de patriotisme et d’humanisme sont présents partout dans notre vie et gangrènent notre société.
C’est le parfait nivellement par le bas et tout semble indiquer que la droiture et l’honnêteté sont devenues des délits dans notre pays. Les actes antirépublicains ne se comptent plus. Notre Sunugal est devenu ce navire fou, ivre qui vogue dans des conditions telles qu’aucun vent ne peut lui être favorable. Le véritable chantier de ce pays doit porter sur l’homosengalensis car ce ne sont pas les pierres qui font la cité et que ce sont les Hommes qui se développent d’abord.
La montée de l’incivisme inquiète et doit nous placer chacun, à quelque niveau où l’on se situe, devant ses responsabilités. Nous devons faire très attention aux actes que nous posons, aux messages que nous nous envoyons et aux symboles que nous nous offrons. Certaines pratiques sont de nature à s’attaquer aux fondements d’une République et à éroder le socle sur lequel sont assises la cohésion et l’harmonie d’une nation. La main baladeuse qui se pose sur le bien public doit normalement trembler, le corps qui le porte tressaillir et l’esprit qui la commande s’arrêter et se demander ce qu’il adviendrait du peuple si tout le monde en faisait autant ! Ô mes frères, le premier véritable chantier pour notre pays est d’abord celui de la citoyenneté. Notre plus grande erreur a toujours été pour nous de réfléchir et de travailler sur tout sauf sur le citoyen sénégalais et, pourtant, avant les modèles économiques, politiques, il faut au préalable définir un modèle citoyen. Nous n’avons jamais été capables de définir le type de citoyen que nous voulons être pour ensuite y formater nos enfants. Le citoyen doit avant tout se reconnaître comme membre d’un État engagé dans la réalisation d’un projet de société commun auquel il souhaite prendre une part active. Le citoyen connaît ses droits civils et politiques, mais est surtout profondément pénétré de ses devoirs civiques définissant son rôle dans la cité et face aux institutions : il est un sujet de devoir.
Le problème n’est pas que l’Africain n’aime pas son sol, mais plutôt qu’il ignore foncièrement ce qui le lie à sa patrie, c’est-à-dire l’essence même de sa citoyenneté. Proprement, le comportement et les attitudes citoyens font défaut sous nos cieux et si l’on supprimait aujourd’hui les polices et les prisons africaines, demain le continent sera rayé de la carte du monde car ses enfants ne s’interdiraient rien pour assouvir leurs désirs crypto-personnels.
La citoyenneté prépare à la censure morale et fait de chaque habitant sa propre police.
Des incivilités diverses (manque de respect, fraude, délinquance financière) sont relevées dans le pays et les causes sont à trouver dans la dislocation de la famille, le culte de « l’Argent-Roi » et le manque d’honnêteté politique.
Pour lutter contre ces formes d’incivisme, chacun – à commencer par les hommes politiques – doit retrouver une conduite exemplaire, mais, malheureusement, de sérieux doutes pèsent sur la capacité des familles sénégalaises à assurer une éducation cohérente qui permette par la suite aux enfants de devenir des adultes citoyens et responsables en vue d’une intégration harmonieuse dans la société.
L’école a un rôle prépondérant à jouer comme vecteur d’une éducation citoyenne, en enseignant, entre autres, un certain nombre de valeurs, de principes ou de lois.
Cependant, dans un contexte de chaos moral généralisé qui gangrène la société sénégalaise, l’école seule ne saurait suffire pour préparer à la citoyenneté. Il nous faudra absolument inventer une autre approche éducationnelle qui rendra par exemple obligatoire le service militaire ou civique. Sa mission sera de préparer tous les jeunes du pays et de les doter d’un esprit citoyen dans le seul souci de préserver nos acquis culturels et permettre à la société de faire vivre ensemble les citoyens qui la composent, sur la base du respect de valeurs et de comportements communs.
Le jour où le Sénégalais sera suffisamment citoyen, on pourra réfléchir ensemble sur un pacte citoyen qui visera à renforcer les liens et le dialogue entre le pays et ses habitants.
L’avenir de notre chère nation est intimement lié à un sursaut national et à un ambitieux projet de société.
Chaque époque impose ses réalités et a ses exigences, mais chaque génération doit se découvrir une mission et se donner les moyens pour bien l’accomplir.
Après les conquêtes démocratiques – ô combien vitales obtenues de haute lutte, les instants présents commandent une nécessaire prise en charge de notre propre destinée.
Impérativement, nous devons résolument et dans l’urgence, nous engager dans la voie de la discipline, de l’organisation et du travail bien fait. Travaillons jour et nuit, cultivons l’excellence et cherchons à être les meilleurs dans tout ce que nous faisons.
Ô jeunesses africaines, réveillez-vous ! Votre salut passera par le travail dans l’unité, l’organisation et la discipline. Ne comptez point vos heures de travail ! Travaillez encore ! Travaillez toujours ! Travaillez si bien qu’il ne sera nulle part sur terre quelqu’un pour le faire autant que vous.
Cheminons ensemble, dans la différence, vers l’idéal en nous appuyant sur nos forces, en saisissant les opportunités qui s’offrent à nous, tout en prenant conscience de nos propres faiblesses et des menaces de notre environnement.
Combattons la fatalité et la résignation et osons porter et mener les vrais combats ; l’essentiel dans la vie n’est point de ne pas tomber, mais plutôt de savoir se relever, vite, à chaque fois que l’on se retrouve à terre. Le courage et la foi en un idéal permettent de se relever, de tenir debout et de continuer le combat.
Ayons donc le courage d’affronter sereinement et lucidement la réalité et de travailler à la rendre favorable pour notre peuple. Pour atteindre tout ce qui est possible, il faut oser tenter l’impossible. Construisons-nous un capital psychique et moral qui nous permettra de façonner notre résilience et de trouver les ressources intérieures et extérieures nécessaires le moment venu.
Il faut surtout se rappeler que le meilleur d’entre nous est celui qui est utile à lui-même et plus utile encore à sa communauté. Il doit être capable de poser des actes désintéressés dont les bienfaits transcendent les clivages raciaux, ethniques, idéologiques, religieux et traversent les générations.
À ce titre, l’œuvre de feu El Hadji Abdoul Aziz Sy est à méditer et doit servir de viatique et de bréviaire pour la communauté des hommes. Ainsi, le saint homme continue-il de veiller sur son peuple même quatorze ans après sa disparition.
En effet, la générosité légendaire de Dabakh, qui couvait une sagesse sans commune mesure, vola au secours de ses compatriotes un certain 23 juin 2011 ; ce jour-là, ses enseignements éveillés éclairèrent les esprits et apaisèrent les consciences pour sauver son pays d’une chaude et sanglante insurrection dont il aurait eu du mal à se remettre.

Dr Mamadou Badara Seck
mamadoubadara@yahoo.fr