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Patrick Mboma : « la CAF commet parfois de grossières erreurs »

Lorsque je pense sport business, mes yeux et pensées sont tout de suite tournés vers l'Amérique du Nord et plus particulièrement les Etats-Unis. Les Américains ont une façon de concevoir et faire fructifier le business du sport avec une stratégie propre et... inégalée. L'une des premières considérations par rapport au développement des activités sportives est peut-être tout simplement l'adaptation à l'environnement local, prenant en compte notamment les notions de temps et d'espace.


Rédigé par leral.net le Mardi 21 Février 2017 à 16:13 | | 0 commentaire(s)|

Les aires de jeu sont parfois changées par rapport aux standards ou normes mondiales. Les règles s'adaptent à l'ambiance recherchée par le public, les distances -et décalages horaires- imposent des compétitions scindées régionalement.

Il s'agit bien évidemment d'une puissance économique notable où les sports se développent et croissent, créant ainsi de l'argent et boostant l'économie. En face, nous avons l'Afrique. L'immense océan qui sépare ces deux espaces ne cache aucunement le fait que les atouts des un et des autres creusent des écarts abyssaux tant sur le plan sportif, en général, que financier, inéluctablement.

Bien entendu, sans nous attarder dans une description prolixe, de nombreuses raisons (identitaires, politiques, économiques, sociétales) expliquent à elles seules pourquoi un très couru Tour du Faso en cyclisme voire le CHAN (Championnat d'Afrique des nations) en football est bien moins prolifique et attire moins de foule que nombre de compétitions universitaires aux USA ou en Europe... La gymnaste Simone Biles ou le nageur Michael Phelps engrangent individuellement plus de sommes avec des sports dits mineurs que des clubs de football comme Ah Ahly (Egypte), le TP Mazembe (RDC) ou les Mamelodi Sundowns (Afrique du Sud), tous vainqueurs de la Ligue des champions de la CAF.


Un sport clé le football, une institution-mère la CAF


Le football, sport le plus couru au monde et indéniablement en Afrique, est le faire-valoir et régulièrement l'ambassadeur de la plupart des nations du continent africain. La Confédération Africaine de Football (CAF) évolue et semble ne pas nécessairement savoir ou vouloir innover son football.


Les dix compétitions de l'instance faîtière du football africain dont la Ligue des Champions, la Coupe de la Confédération ou la très prisée CAN (Coupe d'Afrique des Nations) sont des copies, plus ou moins réussies, de ce qu'offre son homologue UEFA (Union Européenne des Associations de Football) pour l'Europe. La particularité du CHAN ou la programmation de la discutable CAN (tous les deux ans et pendant que se jouent les championnats majeurs à travers le monde) ne séduisent pas nécessairement les défenseurs du « Tout-Afrique » qui voudraient se convaincre que toute initiative voulue innovante de par sa conception est pour autant utile voire censée.


L'économie du sport est réelle ; pour parler de business, il faut parler de chiffre d'affaire mais aussi de gains, de profits, d'avantages, d'héritage laissé aux investisseurs et acteurs directs et indirects. C'est tout une machine qui, bien alimentée, s'autoalimentera se reconstruira d'elle-même. Le constat est que la CAN ne laisse que peu de concret aux pays et populations qui l'accueillent. J'entends depuis l'élimination du Gabon les voix s'indigner face aux dépenses colossales octroyées pour l'organisation de cette manifestation par le gouvernement d'Ali Bongo. On parle de 400 milliards de Francs CFA (600 millions d'Euros) et surtout du peu d'incidence attendue sur le quotidien des Gabonais.

Le sport moteur d'une économie propre


J'ai la naïveté de penser que le succès commercial que peu générer un événement sportif doit avoir un impact sociétal ; que l'effet entraînant du sport soit un moteur pour l'éducation, un outil qui suscite des vocations, permettant ainsi de créer de l'emploi et par voie de conséquence faire tourner l'économie. La CAF, ONG de son état, doit être le moteur du développement du football dans les 54 pays qui en sont membre. Chacun à son niveau doit pouvoir s'appuyer sur son entremise et son expertise pour trouver individuellement des biais de développement de ses structures.


On constate que dans le Maghreb ou en Afrique du Sud, par exemple, les dirigeants ne se sont pas montrés dépendants de la reine-mère CAF pour développer son économie autour du football et d'autres sports d'ailleurs...


Je pousserai en estimant que les pays anglophones sont mieux armés pour affronter ces défis et que même si mon jugement peut paraître subjectif, car plutôt étayé par une perception générale que par une étude voire des enquêtes poussées dont je n'aurais ni les compétences ni l'envie de mener, il existe un style, une sorte de modèle sportif francophone qui se veut poussif, lourd et inhibe l'évolution et le développement des sports comme de l'économie qui lui est afférente. Cela ne concerne évidemment pas tous les pays mais beaucoup d'entre eux.


Comment l'Afrique s'y prend-elle pour développer l'économie liée au sport ?


L'Afrique doit absolument apprendre à se prendre en charge et considérer toutes ses différences et surtout prendre en compte ses défauts mais surtout miser sur ses atouts, ses qualités tout en considérant ses compétences propres et sa valeur humaine, sa matière grise et sa matière première, les individus. Mon constat est que souvent l'idée d'investir est vite freinée par l'idée du gain immédiat. Investir, c'est oser pour espérer un retour et non attendre de gagner pour espérer miser ensuite. Dans le sport comme ailleurs, c'est une logique implacable. Outre l'audace nécessaire à cela, les mentalités sont bloquées par l'absence de modèles conquérants et l'idée de la non protection de ses moyens -financiers- engagés : vol, corruption ou trahison étant les moyens de se faire une place au soleil, même de façon éphémère...


Selon moi, la CAF commet parfois de grossières erreurs. Une des incohérences étant de vouloir scinder fédération et gouvernement dans des batailles où d'évidence l'Etat est la vache à lait d'une fédération qu'elle missionne pour faire vivre sa discipline. Le jour où les atouts seront donnés aux fédérations pour devenir totalement autonomes économiquement semble encore pourtant loin pour beaucoup. Même si je déplore que pour le renouvellement des idées -nécessaire à un sport toujours en pleine évolution- les présidents en son sein ont été au nombre de cinq (dont trois Egyptiens et deux Soudanais) pendant près de trente ans (1957 à 1988), alors que le seul Camerounais Issa Hayatou est depuis en poste, soit près de trente ans, je ne juge pas la CAF comme responsable de tous les maux du football continental.


Il existe en effet un nombre important de « mauvais élèves » qui tombent d'années en années dans les mêmes travers ou atermoiements et ne sont pas excusables dans le manque de cohérence de leur gestion propre. Ma question est toutefois de savoir si les dirigeants à la tête du continent (voire ceux de leurs pays respectifs) ne sont pas tout simplement de mauvais professeurs. Il m'a un temps été expliqué que l'organisation de cette compétition était nécessaire pour le développement des infrastructures sur le continent : louable excuse... Encore faut-il que les conditions soient réunies pour s'assurer de la mise en place de chantiers qui auront un impact sociétal réel et pérenne.

En outre, si la CAF n'est pas un mastodonte comme peuvent l'être la FIFA (Fédération Internationale des Associations de Football) ou l'UEFA, elle se développe et s'enrichit sans nécessairement être la locomotive que j'aimerais qu'elle soit pour ses fédérations membres. Le sport business pour toutes ses raisons existe bel et bien sur le sol africain, il reste pour autant très rudimentaire comparé à l'énorme intérêt que représentent les sports et le football en particulier. Il est temps d'entrer dans une nouvelle ère.