Leral.net - S'informer en temps réel

Peu probable en 2017, la cohabitation au Sénégal ne signifierait pas la fin du monde

Rédigé par leral.net le Lundi 22 Mai 2017 à 18:17 | | 0 commentaire(s)|

Pour la mouvance présidentielle et son opposition, les élections législatives du 30 juillet 2017 revêtent une importance capitale. C’est sans doute pour cette raison qu’elles font couler beaucoup d’encre et de salive depuis plusieurs mois et ce sera certainement ainsi jusqu’au 30 juillet 2017. Dans les salles de rédaction des médias, dans les états-majors des partis politiques et de coalitions et partout où les Sénégalais se rencontrent, le débat porte systématiquement sur les élections législatives prochaines.

La consultation du 30 juillet 2017 est effectivement très importante pour BBY et son président mais également pour l'opposition. Le verdict de ces élections va conditionner la poursuite de la mise en œuvre du PSE et certainement, le second mandat du Président Macky Sall. Si l'opposition perd la consultation du 30 juillet 2017, elle pourrait perdre conséquemment la présidentielle de 2019 et beaucoup de leaders de cette mouvance seraient peut-être contraints à la retraite politique anticipée.

Si c’est la mouvance qui gagne la consultation, le Président Macky Sall poursuivrait la mise en œuvre du PSE. La politique de développement lancée depuis 2012 se poursuivra sans discontinuer jusqu’en 2019 et probablement, jusqu’en 2024. Par contre, si c’est l’opposition qui gagne les législatives, il y aurait cohabitation et un Premier Ministre issu de la nouvelle majorité parlementaire serait nommé par le Président Macky Sall. Le PSE serait alors enterré et une autre politique économique et sociale appliquée. Ce serait une situation inédite comparable à ce qui s'était passé en France en 1986.

Ce ne serait ni une catastrophe, ni la fin du monde. Si notre pays est véritablement démocratique comme nous le proclamons urbi et orbi tous les jours, nos institutions continueraient à fonctionner sans accroc jusqu’aux prochaines élections. Dans tous les cas, inévitablement, il y aura un jour cohabitation au Sénégal si notre démocratie est réelle.

En cette période de préparation des consultations du 30 juillet 2017, l’opposition est persuadée qu’elle sera vainqueur alors que la mouvance présidentielle ne doute pas de sa victoire et table même  sur une majorité au pire équivalente à celle de 2012.

Objectivement, quelles sont les chances de victoire des unes et des autres ?

La mouvance présidentielle, avec sa coalition BBY qui semble se porter à merveille, a de réelles chances de l’emporter au soir du 30 juillet 2017. Le Président Macky Sall a bien managé son BBY car ayant respecté tous les engagements pris vis-à-vis des leaders des partis de la coalition qui sont tous associés à la gestion du pays. L’AFP, le PS, la LD, le PIT et Macky 2012 sont bien attelés à BBY.

Les leaders de ces partis ne ratent aucune occasion pour réitérer leur ancrage indéfectible à la coalition que préside le Président Macky Sall. Chacun des leaders de parti de BBY s’est engagé personnellement pour donner au Président Sall une large victoire le 30 juillet 2017. Toutefois, le Président de BBY ne devrait pas perdre de vue que le PS et l’AFP ont été significativement délestés d’une grande partie de leur poids politique. Les partis politiques et mouvements sortis de leurs flancs ont emporté surement des centaines de milliers d’électeurs avec eux.

L’autre atout du Président Sall est son parti, qui s’est massifié après son accession au pouvoir en 2012. Les consultations de 2014 et le référendum de 2016 prouvent à suffisance la réalité de la massification de l’APR.

Le bilan du Président Sall plaide en faveur de sa victoire le 30 juillet 2017.

Le Président de BBY a initié des innovations sociales qui ont beaucoup impacté la vie des Sénégalais les plus démunis. Il s’agit notamment des bourses familiales et du PUDC. Les bourses familiales ont sorti beaucoup de Sénégalais de la précarité. Quant au PUDC, il a permis d’éliminer beaucoup d’injustices flagrantes entre villes et campagne depuis sa mise en place. Grace à cette innovation sociale, beaucoup de Sénégalais ont enfin accès à l’électricité et à l’eau potable. Le PUDC a permis également le désenclavement de beaucoup de localités par la construction de plusieurs centaines de kilomètres de pistes de production. Le Président Sall peut compter sur ces Sénégalais jadis oubliés dans les politiques publiques de l’Etat. Personne ne meurt plus de soif entre Matam et Kaffrine.

Pour les secteurs productifs (agriculture, élevage, pêche, industries etc.), le Président a des résultats palpables à son actif même s’il reste encore beaucoup à faire. Concernant les autres secteurs tels que l’enseignement et la formation, la décentralisation, l’aménagement du territoire, l’environnement, la santé, la sécurité, la diplomatie, le Président de la République n’a pas fait moins bien que ses prédécesseurs.

Le Président Macky Sall a donc un bilan honorable mais au Sénégal, à mon avis, la part du bilan dans la victoire aux élections n’est pas très significative. Les Présidents Diouf et Wade n’ont pas été défaits à cause de leurs bilans. En 2012, le Président Wade avait un excellent bilan et pourtant, il a été battu par le Président Sall avec plus de 65% des voix. Il serait donc risqué que la mouvance présidentielle axe uniquement sa campagne électorale sur le bilan du Président de la République.

La mouvance présidentielle a des faiblesses aux conséquences potentiellement dangereuses. L’APR est un parti non structuré. Pour cette raison, il a peu de leaders incontestés dans les départements. Le parti présidentiel est semblable à une armée de colonels où personne ne commande personne. Les bagarres entre républicains que rapportent les télévisions et radios tous les soirs, sont des illustrations incontestables que l’APR est un parti sans patron et donc, sans commandant. Un consensus est alors quasi impossible pour la confection des listes départementales. L’APR vient de donner à son Président carte blanche pour le choix des candidats à la députation. Pour un parti non structuré, sans leaders locaux, il me semble que c’est un choix sage et raisonnable. Un vote-sanction par les frustrés de l’APR pourrait diminuer fortement les chances de victoire de BBY.

A cause de la non structuration de l’APR et du sectarisme notoire de certains responsables de la première heure, beaucoup de transhumants ont quitté ou sont en train de quitter le parti présidentiel pour retourner d’où ils venaient. Des illustrations sont nombreuses à Kaffrine, à Kaolack, à Matam, à Dakar etc. Cette hémorragie inhabituelle pour un parti au pouvoir ne semble pas inquiéter les responsables de l’APR.

Beaucoup de responsables de l’APR ont du mal à asseoir leur leadership et souvent, ne sont pas en réalité des militants de terrain. A cause de ces raisons, le parti présidentiel n’est pas assez animé dans beaucoup localités et le terrain politique est plutôt occupé par l’opposition. Ceux qui ont les moyens restent à Dakar et ceux qui n’en ont pas, ne peuvent rien faire surtout s’ils ont pris le train en marche. Cette absence vérifiable de BBY sur le terrain politique pourrait être payée cash le 30 juillet 2017.

L’indiscipline, l’arrogance, la haine et l’intolérance sont régulièrement notées dans les rencontres publiques de l’APR, surtout le début des investitures. Les républicains sont en train de se donner en spectacle en transformant leurs lieux de réunion en un ring de boxe ou une arène de lutte. Ils sont en train de donner une très mauvaise image de l’APR. Ils finiront par se faire haïr par les populations et même par les irriter. En perspective du 30 juillet 2017, BBY peut payer là aussi cash, le comportement irresponsable et irrespectueux de ses militants et leaders.

L’opposition a peu de chance de gagner les élections législatives du 30 juillet 2017. Les raisons sont nombreuses. D’abord elle est divisée ; il y a déjà 3 coalitions qui vont prendre part aux élections, face à BBY. Dans ces conditions, l’opposition ne pourrait pas gagner beaucoup de départements parmi les 45 possibles. La division de l’opposition est un des facteurs qui pourrait diminuer considérablement ses chances de victoire.

L’opposition a cependant des atouts non négligeables. Elle a des ressources humaines de qualité surtout en matière de communication. Un travail de diabolisation et de déstabilisation du pouvoir est actuellement savamment mené auprès des populations. Ce travail visant à  décrédibiliser le pouvoir, va certainement se poursuivre jusqu’au 30 juillet 2017. Dans un pays majoritairement analphabète, cette pression de l’opposition sur les électeurs n’est pas sans danger pour BBY.

L’opposition compte dans ses rangs des hommes et des femmes très expérimentés surtout en matière d’élections. Cet atout pourrait lui apporter des dividendes substantiels en termes de voix le 30 juillet 2017.

Le contexte politique et social va être exploité intelligemment par l’opposition. Le débat sur le pétrole et les libertés va être entretenu en permanence par les leaders pour affaiblir le pouvoir et le mettre en mal avec les électeurs. Les présidents Diouf et Wade avaient été défaits avec des arguments liés au contexte de leurs époques. L’opposition le sait et peut être BBY aussi.

Dans beaucoup de circonscriptions, l’opposition présentera des candidats d’envergure départementale qui seront en face de candidats de BBY dont le seul mérite est d’être là avant les autres pour la plupart. L’opposition va exploiter à fond cet avantage non négligeable.

En analysant les forces et les faiblesses de BBY et de l’opposition, il apparaît que la mouvance présidentielle part favorite pour le gain de la consultation du 30 juillet 2017. Toutefois, les chances de victoire de l’opposition sont loin d’être nulles. Peu probable, la cohabitation est quand même possible au Sénégal en 2017. Qui vivra verra. A BBY et à l’opposition, n’oubliez pas que c’est dans les détails que l’on gagne ou perd les élections. Rien n’est acquis d’avance définitivement en la matière.

Pr Demba Sow
Ancien député