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(Photos) Amadou Makhtar Mbow, Commandeur dans l’Ordre de la Légion d’Honneur de la République française

A l’occasion de la Cérémonie de décoration de cravate de Commandeur de la Légion d’honneur de M. Amadou Makhtar Mbow, ancien Directeur de l’Unesco à l’Ambassade de France à Dakar, Ferloo vous présente les photos et allocutions de l’Ambassadeur Nicolas Normand et du récipiendaire.

Remise de l’insigne de commandeur dans l’ordre de la légion d’Honneur à M. Amadou Makhtar M’bow, Ancien directeur général de l’UNESCO (1974-1987)


Rédigé par leral.net le Lundi 2 Mai 2011 à 03:01 | | 1 commentaire(s)|

(Photos) Amadou Makhtar Mbow, Commandeur dans l’Ordre de la Légion d’Honneur de la République française
Mesdames et Messieurs,

Chers invités,


1 / Mot d’accueil Je voudrais tout d’abord vous souhaiter la bienvenue et vous dire le grand plaisir que j’ai de vous accueillir ce soir à la Résidence de France. Les circonstances sont particulièrement agréables , puisqu’il s’agit d’honorer un éminent homme politique , un grand humaniste , un intellectuel précurseur et un grand ami de la France , votre parent et ami Monsieur Amadou Makhtar M’bow , auquel je vais remettre dans un instant les insignes prestigieux de Commandeur dans l’ordre de la Légion d’Honneur.

2 / Parcours universitaire et professionnel

Monsieur M’Bow,

Ce n’est pas la première fois que les autorités françaises honorent votre parcours exceptionnel puisque vous êtes déjà Commandeur dans l’Ordre des Palmes académiques et Commandeur dans l’Ordre des arts et lettres. C’est dire qu’en vous nommant, sur sa réserve personnelle, au grade prestigieux de Commandeur dans l’Ordre de la Légion d’Honneur, le Président de la République française a souhaité manifester avec force la reconnaissance de la France pour l’attachement que vous lui avez toujours manifesté.

Monsieur M’Bow,

Alors que vous venez, entouré de vos proches, de vos amis et de toutes les personnes qui vous sont attachées = je sais qu’elles sont nombreuses = de célébrer votre 90ème anniversaire, c’est un véritable défi pour moi ce soir de revenir sur votre long et magnifique parcours tout en épargnant à nos invités un discours-fleuve. Aussi, je m’emploierai à en distinguer les points saillants, et vous remercie de votre indulgence pour cet exposé nécessairement incomplet.

Monsieur M’Bow,

Vous avez 18 ans lorsqu’éclate la seconde guerre mondiale, à laquelle vous prenez part sous le drapeau français. Vous rejoignez l’armée de l’air en tant qu’engagé volontaire en mars 1940 pour la durée de la guerre. Démobilisé en octobre 1940, vous êtes rappelé à l’activité en janvier 1943, avant d’être à nouveau démobilisé en 1945. Après ces brillants états de services, vous poursuivez des études d’ingénieurs aéronautiques en France tout en décidant de passer votre baccalauréat en lettres modernes qui vous ouvre les portes de la Sorbonne. Vous y obtenez une licence es-lettres d’enseignement et présidez parallèlement l’Association des Etudiants de Paris puis fondez la Fédération des Etudiants africains en France. De 1951 à 1953, vous êtes professeur au collège de Rosso en Mauritanie, avant de revenir au Sénégal où vous créez et dirigez le Service de l’Education de base et êtes nommé chef des Missions d’ Education de base de Darou –Mousti, Badiana, Sénoudébou puis Gaya. Vous enseignez l’Histoire et la Géographie jusqu’en 1966 ; notamment au lycée Faidherbe de St Louis puis à l’Ecole normale supérieur de Dakar .Vous présidez en 1965 à Abidjan la conférence des experts chargés de proposer la réforme des programmes d’histoire et de géographie des Etats francophones d’Afrique noire et de Madagascar. Entretemps, vous avez été atteint du virus de l’engagement politique au service du Sénégal, dont vous militez activement pour l’indépendance. Ministre de l’Education et de la Culture de 1957 à 1958, vous êtes à nouveau Ministre de l’Education nationale en 1966, poste que vous occupez jusqu’en 1968 où vous prenez les rênes du Ministère de la Culture et de la Jeunesse. Vous êtes aussi élu à l’Assemblé national et au Conseil municipal de St Louis. Après cette riche et brillante carrière nationale, votre carrière internationale prend son essor, et vous êtes nommé en 1970 au poste de Directeur Général pour l’Education à l’ UNESCO avant de devenir en 1974 le 7ème Directeur Général de l’UNESCO. Réélu, vous occuperez ce poste jusqu’en 1987. A la tête de cette grande organisation internationale, vous lancez une démarche de profonde réflexion sur le nouvel ordre mondial dans le domaine de l’information et de la communication, visionnaire, vous dénoncez les risques liés à une domination excessive par un pays ou un groupe de pays sur l’information et les modèles intellectuels et culturels. C’est sous votre direction que la commission dirigée par Sean MacBride publiera notamment le célèbre rapport intitulé Many Voices, One World qui présente des recommandations pour établir un nouvel ordre mondial de l’information et de l’éducation plus équitable. Grande figure intellectuelle du Sénégal et personnalité unanimement respectée dans votre pays, vous acceptez en 2008 de revenir sur la scène pour présider les « Assises nationales » qui ont duré un an et ont permit de lancer une vaste réflexion politique associant notamment des dizaines d’organisation de la société civile.

3 / Appréciation

Monsieur M’Bow, La sauvegarde de la diversité culturelle, la réflexion sur le modèle dominant dans l’éducation restent plus que jamais des combats d’actualité et vous avez été un des plus audacieux précurseurs. Votre action pédagogique et scientifique tant au Sénégal qu’a l’UNESCO à travers la publication de nombreux ouvrages et manuels, ainsi que votre combat pour un nouvel ordre mondial plus juste feront date dans l’histoire.

Monsieur M’Bow, Engagé volontaire dans l’armée française et militant de l’indépendance de votre pays, étudiant en lettres à la Sorbonne alors que le français n’était pas votre langue maternelle, fin connaisseur de la culture et de l’histoire de France et militant infatigable de la renaissance scientifique et culturelle de l’Afrique : qui plus que vous Monsieur Mbow symbolise par sa formation et son parcours les liens si étroits et si profonds qui unissent la France et le Sénégal. Au moment de vous remettre les insignes de commandeur de la Légion d’Honneur, c’est à votre action exemplaire que je souhaite rendre hommage. Puisse-t-elle inspirer les nouvelles générations, au Sénégal et à travers le monde. Mais c’est aussi à vos qualités humaines, qualités de courage, de détermination, et de conviction, et à l’attachement et l’amitié que vous avez toujours manifestés envers la France, et qui nous honorent.

« M. Amadou–Makhtar Mbow, au nom du Président de la République, je vous remets les insignes de Commandeur dans l’Ordre de la Légion d’Honneur ».

Monsieur l’Ambassadeur de France

Madame Nicolas Normand

Excellences

Chers membres de ma famille

Chers amis


Je voudrais, en tout premier lieu, exprimer toute ma gratitude à Monsieur l’Ambassadeur de France et à Madame Nicolas NORMAND pour cette réception qui réunit autour d’eux mon épouse, des membres de ma famille et des amis qui me sont si chers à l’occasion de la remise qu’il vient de me faire des insignes de la Légion d’honneur.

Je réitère aussi à Monsieur Nicolas SARKOZY, Président de la République française, la reconnaissance que je lui ai exprimée quand il m’a annoncé qu’il venait de signer, le 31 décembre 2010, le décret me nommant au grade de commandeur de la Légion d’honneur, en récompense de la qualité des services que j’ai rendus à son pays et à l’attachement que je lui ai manifesté, pour reprendre ses propres termes.

Cet attachement n’est sans doute que la conséquence d’un cheminement au cours duquel la France a été souvent présente dans ma vie, dans ce que cette vie comporte de continuité et de ruptures, selon la dialectique de toute vie.

Aussi, suis-je tenté d’en retracer quelques épisodes parmi les plus marquants pour souligner l’enrichissement que j’en ai tiré et la coopération fructueuse qui s’est instaurée entre la France et moi, surtout dans le cadre de l’organisation internationale que j’ai eu l’honneur de diriger pendant treize ans, organisation dont elle est devenue le pays hôte par ses mérites certes, à la suite de l’émouvant plaidoyer de Léon BLUM, ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm, que le Général De Gaulle avait désigné pour diriger la délégation française à la Conférence constitutive de l’UNESCO, à Londres, en novembre 1945.

Vouée à la coopération intellectuelle internationale, l’UNESCO ne pouvait trouver meilleur siège que le pays dont le rayonnement intellectuel et artistique était connu dans le monde entier et continue d’être célèbre notamment par les idéaux de sa Révolution de 1789 qui est devenue une référence pour tous les peuples qui aspirent à la liberté.

Mon long compagnonnage avec la France commence avec ma venue au monde à Dakar, il y a de cela 90 ans à l’angle des rues de Thiong et Blanchot aujourd’hui Moussé Diop. Selon la Saga familiale, la sage femme qui assistait ma mère, et qui me reçut dans ses mains, Madame BOUCIAC ou BOURCIAC était une française, veuve de la guerre de 1914-1918. Elle avait décidé de consacrer sa vie à assister les femmes qui donnaient la vie dans mon pays pour honorer, disait-elle, la mémoire des Sénégalais compagnons d’armes de son défunt mari. Elle y trouvait sans doute une certaine consolation à sa douleur et à sa tristesse, partagée avec ma grand-mère Awa Diagne Seck du village de Ngaye non loin de Menguèye Boye dans le Oualo. Elle avait perdu aussi dans cette même guerre son fils aîné, mon premier oncle maternel, qui repose depuis le 17 juillet 1917, dans le cimentière militaire français de Salonique, aujourd’hui Thessalonique, en Grèce.

En allant, en compagnie du Consul de France, prier sur sa tombe, selon la promesse que j’en avais faite à ma grand-mère de son vivant, j’ai eu aussi une pensée pieuse pour Mansour Malick Sy et pour tous les africains de l’Armée d’Orient, qui ont servi avec tant de bravoure la France, qu’ils ont laissé leur vie sur les champs de bataille de bataille d’Orient.

Mais c’est sans doute mon entrée à l’école française et l’initiation à la langue dans laquelle je m’exprime devant vous, langue qui n’était parlée ni par mon père ni par ma mère, qui donne un tournant décisif à ma vie et établit mes premiers rapports directs avec ce que représente la France. Ma vie allait désormais, suivre un cours qui me conduirait à deux reprises en France où je pus accéder à de hauts lieux d’un savoir dont l’accès m’était fermé jusque-là.

Mon père attaché aux fondements spirituels de l’existence et aux valeurs traditionnelles de responsabilité sociale, de solidarité et de respect de la dignité de chaque individu, homme ou femme, avait hésité longtemps de m’envoyer à l’école du colonisateur. Il redoutait que j’y perdisse mon âme, c’est-à-dire qu’elle me fasse oublier les principes de vie et les pratiques sociales qu’il m’avait inculqués et qui enracinent l’homme à sa communauté dans le bonheur comme dans le malheur. Il franchit le pas en novembre 1929 non sans me recommander de rester fidèle à moi-même, à mes racines, en plus de l’obéissance à mes maîtres et d’un travail sans reproche.

En ces temps là, nos programmes scolaires étaient les mêmes que ceux en usage dans les écoles primaires de France. Ils nous enseignaient la vie française qui nous devint familière, du moins théoriquement, au fur et à mesure de notre solidarité. Mon instituteur du cours moyen, peu soucieux de nos sensibilités de jeunes élèves, ne nous ménageait pas ses sarcasmes dans son accent du Sud-ouest, mais il nous donna le goût de la lecture, la soif d’apprendre, l’amour du travail bien fait. L’histoire de la France, surtout celle qui a trait à la Révolution de 1789, à la troisième République, à la première guerre mondiale, nous était aussi familière qu’aux petits français de France. Il en était de même de la géographie, des activités économiques, de la vie politique. Des gravures représentant les Maréchaux de la Grande guerre, accrochées aux murs de la classe, nous rappelaient sans cesse, selon la légende qui y était inscrite, « qu’ils avaient bien mérité de la patrie », cette patrie que nous devions faire nôtre.

Je ne dirais pas toutes les péripéties qui ont marqué, plus tard, mon premier départ pour la France. Ce fut à la fin du mois de mars 1940 pour arriver au début du mois d’avril 1940 à l’Ecole militaire des radiotélégraphistes de l’Armée de l’Air nouvellement créée à Sain-Malo en Bretagne. A 19 ans, avant de quitter Dakar, j’avais souscrit un engagement volontaire pour la durée de la guerre au titre de Bataillon de l’Air N°118. Je ne m’étendrai pas non plus sur ma vie à l’école parmi des jeunes français de mon âge, ni des conditions dans lesquelles je fus amené à vivre clandestinement, pendant plusieurs semaines dans la Bretagne occupée par l’armée allemande.

Le déclenchement de l’offensive allemande le 10 mai 1940, et le percement quelques jours plus tard du front français par les blindés de Guderian avaient mis fin à notre formation technique remplacée par l’entraînement militaire, notre école étant transformée en une force de défense qui reçut l’ordre de repli peu après l’entrée des Allemands à Paris. Mais le groupe dans lequel je servais fut vite rattrapé par une colonne allemande, nous réduisant à la captivité ou à l’errance. Dans cette Bretagne des profondeurs, où je ne dus ma liberté qu’à la solidarité de braves gens qui acceptaient de prendre le risque de m’accueillir et de m’aider, mon expérience humaine

s’enrichit de la rencontre, pour la première fois avec des paysans européens. Ceux-ci me rappelaient sur bien des points ceux de mon Sahel d’origine. Le travail de la terre y était encore ingrat comme chez nous et les calamités n’y manquaient pas. Quand j’évoquais avec eux les pénuries dues à la sécheresse ou aux invasions acridiennes, ils me parlaient de celles causées par les doryphores – appellation donnée, aussi, par dérision aux occupants allemands. Les doryphores étaient des insectes qui réduisaient à néant toutes les cultures de pommes de terre condamnant ainsi des familles entières à la misère et à la faim comme cela se passait dans le Ndiambour de mon enfance et de mon adolescence quand des nuages de sauterelles ou de mange-mil s’abattaient sur les cultures.

J’ai pu alors prendre une certaine conscience de l’étendue de la misère humaine qui était, sans que je pusse le soupçonner jusque-là, le lot, non pas seulement des nôtres, mais de tant d’autres peuples dans le monde. Ce début de prise de conscience fut renforcé par mon séjour au Maroc où je passais quelques semaines sur le chemin du retour au Sénégal où j’arrivais, démobilisé, en octobre 1940.

Désormais les problèmes du monde, et ceux de nos pays, me paraissaient, confusément, relever d’une même problématique, mais je n’en prendrais pleinement conscience que plus tard à la fin de la guerre au cours de laquelle je m’honore d’avoir servi dans l’armée de la libération de la France et de l’Europe, libération d’une occupation et d’un système qui avait érigé l’inégalité des races en dogme, exterminé des centaines de millions d’innocents et anéanti la liberté et toute vie démocratique dans une grande partie de l’Europe, au nom d’une prétendue suprématie raciale, démentie par la science, et qui n’existait que dans l’imagination de ses théoriciens.

Quelques années plus tard, alors que démobilisé à Paris, en fin 1945, de l’Armée de l’air française, où j’avais été mobilisé en janvier 1943, pour reprendre des études, nombre de mes convictions se renforcèrent et d’autres naquirent, qui expliquent sans nul doute mon itinéraire intellectuel, et par la suite mes engagements politiques, mes choix sociaux et dans une large mesure mon action internationale.

Certes la graine avait été semée par l’éducation reçue dans ma famille et par la sensibilité qui en est résultée à l’égard de la souffrance des autres et du besoin de justice, de solidarité et de concorde entre les hommes, mais Paris au sortir de l’occupation et de la guerre en fut le catalyseur. La misère humaine et les injustices de quelque nature qu’elles fussent me devinrent insupportables, et l’effort dans le travail, dans l’acquisition du savoir, d’un savoir, accordé aux réalités de notre temps me parurent une exigence fondamentale. Il fallait y ajouter l’action chaque fois que celle-ci pouvait servir la cause de la communauté estudiantine restreinte que nous étions alors en France.

Or, en ces temps là, au sortir de l’occupation nazie et de la guerre, Paris bouillonnait d’idées aussi généreuses les unes que les autres. C’est comme si les souffrances endurées pendant la guerre, sous l’occupation et dans la résistance, donnaient une nouvelle impulsion aux pensées les plus audacieuses. Une conscience nouvelle semblait naître chez de nombreux intellectuels. Beaucoup d’entre eux aspiraient à changer le monde, à promouvoir la justice sociale, à restaurer la dignité de soi et celle des autres.

Les conférences et les conférenciers se multipliaient au quartier latin et dans bien d’autres lieux. Les penseurs les plus attirés comme les plus modestes mais non les moins pertinents, se succédaient pour analyser le monde, pour promouvoir les idées d’une société nouvelle où disparaîtrait à jamais la misère, où serait garantie le progrès pour tous, et assuré la dignité de chacun. C’est pendant cette période que furent votées de nombreuses lois sociales qui subsistent encore de nos jours en France et furent accordées plus de libertés et une plus grande représentation dans les instances délibérantes de la République aux populations d’Outre Mer.

Au Centre d’enseignement, installé au Lycée Hélène Boucher dans le 20e arrondissement de Paris, où j’ai préparé comme d’autres anciens militaires et victimes de la guerre, la première puis la deuxième partie du baccalauréat, et à la Sorbonne ensuite, où j’étudiais l’histoire et la géographie, la même ambiance d’effervescence intellectuelle régnait. Mes maîtres, je les appelle ainsi parce qu’ils m’ont beaucoup appris, ils m’ont initié au savoir et à la méthode. Ils ont contribué aussi, par leur enseignement et par leurs conseils, à m’initier aux rigueurs de la pensée scientifique, à renforcer mes convictions et mon attachement aux grandes œuvres de la culture française.

Mes études terminées, c’est comme fonctionnaire des cadres de l’éducation nationale française que je suis venu servir en Afrique, pour en démissionner après l’indépendance pour laquelle, chacun sait que j’ai œuvré de toutes mes forces. Avec son acquisition, une page était tournée avec la France et une autre s’ouvrait quand je rejoignais l’Unesco en 1970 avant d’en devenir le Directeur Général de 1974 à 1987.

Ma coopération avec la France fut exemplaire parce que fondée sur le respect mutuel et la considération réciproque. Dirigeant une organisation alors composée de plus de 150 Etats membres, qui comptait 122 nationalités différentes parmi ses fonctionnaires, et au sein de laquelle toutes les sensibilités intellectuelles du monde se côtoyaient en pleine période de guerre froide, des sujets de friction pouvaient surgir à tout moment. Mais ils furent rares : un ou deux cas, si je me trompe, qui furent vite réglés par le dialogue et la concertation.

Les milliers de personnes appartenant aux Etats membres, aux communautés éducatives, scientifiques, culturelles, etc. qui chaque année venaient au siège de l’UNESCO pour des conférences, des réunions, des formations ou de toutes autres activités, étaient accueillies dans le pays hôte et par le pays hôte avec la même déférence. Les personnes victimes des dénies des droits de l’homme que nous réussissons à sortir de leurs pays étaient accueillies aussi sans aucune difficulté.

Mais c’est la participation intellectuelle de la France à l’œuvre commune de programmation et d’exécution du Programme qui donne un relief particulier à son engagement vis-à-vis des idéaux de l’organisation. Sa Commission nationale pour l’UNESCO, ses savants, ses créateurs de tous les domaines de l’art et des lettres, ses hommes et femmes de culture etc. ont toujours apporté une contribution exemplaire à l’œuvre commune. Chaque fois que j’ai eu à requérir leur coopération ils ne me l’ont pas ménagée.

Sur les orientations majeures que j’ai eu à donner à l’action de l’organisation pour tenir compte de la diversité du monde, des progrès rapides du savoir et des technologies et de leurs conséquences sur la vie des peuples, leur appui a toujours été constant comme celui du reste de la communauté intellectuelle et scientifique du monde. Dans tous les soubresauts subis par l’Unesco parce que sans doute devançant son temps sur les grands problèmes mondiaux comme la diversité culturelle, l’inégal développement scientifique et technique, la nécessité d’une éducation permanente pour tenir compte des progrès rapides du savoir, l’information et la communication, les conditions du développement économique et social porteur de bien-être et d’épanouissement général, pour ne citer que quelques exemples, leur soutien n’a pas manqué.

Certes, j’ai été amené à confier au sein du Secrétariat des responsabilités à des niveaux élevés à des fonctionnaires français, dont certains venaient de l’Ecole Normale supérieure, c’est moins pas par préférence culturelle, comme certains l’ont prétendu, que parce que leurs compétences, leur efficacité et leur engagement vis-à-vis des idéaux et des principes de l’organisation étaient avérées. Si j’ai défendu aussi avec force l’usage de la langue française dans le Secrétariat, c’est pour des raisons d’équilibre et d’équité. Le secrétariat ayant deux langues de travail, l’anglais et le français, aucune d’entre elles ne me paraissent devoir être privilégiée au détriment de l’autre comme la tendance s’y manifestait à l’égard de l’anglais.

Monsieur l’Ambassadeur,

Excellence, Mesdames, Messieurs, chers amis

Il me faut conclure cette introspection sélective mais déjà longue pour dire qu’un cheminement comme celui que je viens de retracer, ne pouvait que conduire à des liens d’amitié entre l’homme qui vous parle et le peuple de France et ses gouvernants. Ces liens furent déjà reconnus par le Gouvernement français par l’octroi de deux décorations : celle de la cravate de commandeur des Palmes académiques et celle de la cravate de commandeur des Arts et lettres, auxquelles s’ajoute aujourd’hui la Légion d’honneur.

Les liens d’amitié ainsi décrits qui sont fondés sur la sincérité et la loyauté, n’ont affecté en rien, je dois le souligner, ceux que j’ai noués avec d’autres peuples et d’autres gouvernants dans le monde. J’ai toujours pensé que dans le monde d’aujourd’hui où les crises tendent à s’aggraver et le destin des hommes et des nations de plus en plus lié, tous les efforts doivent être faits pour rapprocher les peuples entre eux dans le respect de l’identité et de la dignité de chacun afin que s’établissent une meilleure connaissance réciproque et une meilleure compréhension mutuelle entre tous pour qu’émerge une véritable solidarité planétaire gage de paix et de sécurité.

Cette amitié n’a jamais entravé, non plus, ma liberté de penser, celle d’analyse et de réflexion sur le destin des peuples d’Afrique et sur les relations que notre continent entretient avec le reste du monde, y compris la France et l’Europe. Relations dont je souhaite de tout cœur qu’elles soient à la mesure des défis de notre époque et des exigences de libertés, de démocratie et de progrès de nos peuples.

Je voudrais maintenant terminer, si vous me le permettez, sur une note affective. C’est en France, à la Sorbonne que j’ai rencontré pour la première fois la jeune et ravissante étudiante haïtienne en histoire qui partage ma vie depuis bientôt soixante ans. L’affection qu’elle m’a toujours portée dans les jours heureux comme dans ceux qui l’étaient moins, les soins attentifs dont elle a continué de m’entourer, sont pour beaucoup dans la sérénité que je me suis toujours efforcé de donner au cours de mon existence. Le souvenir des lieux de notre rencontre alors que nous venions de deux continents différents, dans cette belle ville de Paris, est de ceux qu’on porte en soi pour toujours.

Encore une fois merci au Président de la République française, à Madame et Monsieur l’Ambassadeur Normand et à tous ceux qui présents ici, ont eu la patience de m’écouter.

AMADOU MAHTAR MBOW

(Photos) Amadou Makhtar Mbow, Commandeur dans l’Ordre de la Légion d’Honneur de la République française

(Photos) Amadou Makhtar Mbow, Commandeur dans l’Ordre de la Légion d’Honneur de la République française

( Les News )


1.Posté par cissé le 02/05/2011 10:54 | Alerter
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Voila le Sénégalais dans tout sa grandeur et toute sa splendeur, voila une France reconnaissante dans toute sa noblesse.Nos deux histoires qui n'en faisaizent qu'une sont imbriquées à jamais et les générations futures ont l'impérieuse mission de la pérenniser...
C' est toute la Nation Sénégalaise et l'ensemble des Patriotes qui est ainsi distingué, nous sommes fièrs de vous et heureux de ccet évenement n'en déplaise au vieux sénile qui se prend pour le nombril du monde.
Certes les gens sensés sauront toujours reconnaitre la bonne graine de l'ivraie.Les deux mosquées par vous construites à Ndialakhar et NGaye témoignent à jamais de votre attachement à votre culture votre religion et votre Patrie.
Que Dieu vous accorde longue Vie et Santé Mr MBow.

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