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Plaidoyer pour une démarche inclusive au service du développement de l’agriculture au Sénégal

Rédigé par leral.net le Mardi 23 Juillet 2013 à 18:06 | | 0 commentaire(s)|

Depuis l’avènement de la première alternance, en 2000, l’administration libérale avait fini d’ériger l’esprit partisan en mode de gouvernance de l’agriculture. Les grands concepts programmatiques proposés aux Sénégalais ont toujours caché un grand malaise au sein de la grande famille agricole du pays. Les coopérateurs avaient fini de se diviser en deux blocs. Le gouvernement a eu à atteindre le sommet de la promotion partisane au moment de l’érection des syndicats agricoles. Belle initiative mais qui allait effacer 50 années de politiques agricoles qui ont prémuni notre pays des grandes catastrophes qui ont trait à la faim, la famine grâce aux exploitations familiales. Ce soit disant sursaut a été fatal dans la déstructuration de la vision en matière d’agriculture. L’épilogue a été atteint avec cet arbitrage maladroit entre agrobusiness et promotion des exploitations familiales. Apparemment le cycle continue… Avec la deuxième alternance, les acteurs du secteur agricole sont restés sur leur faim.


Plaidoyer pour une démarche inclusive au service du développement de l’agriculture au Sénégal
Les cas sont assez illustratifs ! Sen Ethanol est surveillée 24 h/¬24 par des éléments de la Gendarmerie Nationale. Sen Ethanol, un exemple assez parlant qui indique le manque d’adhésion des populations sur ces projets sans grands impacts sur notre sécurité alimentaire. En effet, avec 20 000 ha de terres donnés gracieusement, il a fallu l’ombre passante du « milliardaire » pour pacifier les populations de la réserve de ndiael. C’est sans compter avec la ténacité des uns et des autres à refuser la confiscation des terres et la diminution drastique des espaces de pâturage garant de la paix sociale entre éleveurs et agriculteurs. L’agrobusiness est une perspective, certes, mais ne doit pas se faire au détriment de la concertation qui promeut un climat de paix et d'apaisement pour tous les acteurs du monde paysan.

La réserve de NDiael abrite environ trente huit (38) villages et a été exclusivement réservée aux activités pastorales depuis 1962, et L’AGRICULTURE Y EST INTERDITE. Cet état de fait a occasionné l’installation des éleveurs qui n’étaient intéressés que par les pâturages qu’on y trouvait. Les autres qui voulaient pratiquer l’agriculture, en particulier les wolofs, se sont installés en dehors de la réserve de Ndiael. Ainsi, le déclassement de la réserve du Ndiael a touché essentiellement des populations peuls qui y ont toujours pratiqué l'élevage.

L'importance de cette zone de pâturage réside dans le fait qu'elle participait à la réduction des conflits entre éleveurs et agriculteurs. Ces tensions sont de plus en plus vives dans la zone du Walo. Récemment, le pire a été évité à Ross-Béthio, lors d’une bataille rangée entre les habitants du village de ndiorno et les peuls. La réforme foncière en cours doit dessiner les horizons de mécanismes de cohabitations entre les différentes parties prenantes de la terre. La terre, si elle n’est pas dotée de mécanismes d’apaisement social, devient un effet catalyseur des tensions sociales dans la communauté.

Un autre projet enregistre encore son cortège de malheurs, avec des arrestations d’individus, dans la bande des niayes avec le village de DIOGOP. En effet, une extraction massive du phosphate dans la bande des niayes ferait remonter la nappe salée de sorte que les activités de maraichage, qui constituent la principale source de revenue des populations, deviennent impossibles… Le verdict du procès des agriculteurs réfractaires au projet est tombé, la semaine passée, au tribunal de thiès.

Les conditions d’installation de SENETHANOL dans le NDIAEL confirment la vague d’investissements agricoles à grande échelle qui a commencé à prendre de l’ampleur depuis les crises alimentaire et économique de 2008. Les « émeutes de la faim » qui s’en ont suivies ont persuadé les investisseurs des pays riches de se lancer dans la conquête des terres arables dans les pays sous développés.

Réserves formulées sur ce projet:

D’abord la démarche qui consiste à céder des milliers d’hectares à des investisseurs étrangers pour des cultures de rente me paraît absurde pour un pays comme le Sénégal qui n’arrive pas à atteindre sa souveraineté alimentaire. Qui plus est, ces cultures de bioéthanol ne sont pas destinées à la production d’énergie pour notre pays, comme il est annoncé. Par contre, cette production sera en très grande partie destinée à l’exportation.

Ensuite, le Sénégal ne dispose pas d’espaces vierges où il n’y aurait aucune activité comme les autorités et les promoteurs du projet le prétendent. Ces espaces de la réserve du Ndiael sont utilisés depuis des décennies par les Peuls pour faire paître leurs bétails. La cession de cet espace à ces investisseurs leur contraindra de quitter leurs villages.

Il faudra aussi rappeler que les cultures seront irriguées à partir du fleuve Sénégal ; ce qui pose problème car non seulement le niveau du cours dépend largement du caractère aléatoire des saisons des pluies (dans le contexte semi-aride du Sahel) mais également l’irrigation supplémentaire de plus de 20 000 ha (soient 200 millions de m²) pendant toute l’année ne pourra pas être supportée par le fleuve (les autres pays de l’OMVS notamment la Mauritanie, la Guinée et le Mali pourraient avoir le même genre de projets grandioses). Si l’on sait aussi que chaque année, du fait du niveau du fleuve, des milliers d’hectares sont menacés d’assèchement.

Les procédures de cession de ces terres sont floues. Il y’a eu le retrait du décret initial signé par l’ancien Président Me Abdoulaye Wade. Quelques mois plus tard, M. Macky Sall, dès son élection, remet à jour le decret. A cela s’ajoute le rôle occulte joué par M. Dia qui aurait financé la campagne de Macky Sall. Tout compte fait les procédures utilisées sont en contradictions avec la décentralisation et les différents codes forestiers et de l’environnement en vigueur.

Ce projet peut avoir des conséquences écologiques catastrophiques à long terme car la mécanisation des cultures pousse les investisseurs à déraciner tout le parc arboricole qui a mis des dizaines d’années à se constituer. Ainsi pour que les machines se déplacent facilement, il faut qu’elles n’aient aucun obstacle devant elles, et sur des kilomètres tous les arbres sont abattus. Cet état de fait favorise l’avancée du désert dans cette partie du pays exposée à la déflation éolienne.

L’argument de création des emplois brandi par les promoteurs du projet n’est qu’une illusion. Ces exploitations fonctionnent avec des machines performantes qui remplacent la main d’œuvre humaine. Déjà, ils ont commencé à diminuer les salaires journaliers (4000 FCFA au départ à 2000 FCFA en février 2013). A cela s’ajoute les exactions commises sur les populations qui sont réfractaires au projet de Sen Huile Senéthanol.

Pour ma part,…

Je milite pour la valorisation de nos agriculteurs, coopérateurs en leur offrant - sans esprit partisan - plus d'accès au matériel afin d'augmenter leur productivité. Vendre nos terres aux étrangers (Chinois, européens, etc.), laisser les propriétaires terriens à la merci des conditions que leur imposent les étrangers ne promeuvent pas une vision inclusive de développement de notre agriculture et partant le retour des jeunes à la terre. Ce retour ne sera possible que si des opportunités réelles de revenus existent.

Je milite également pour une démarche inclusive de cette vision de l’agrobusiness en rapport avec les acteurs agricoles, les propriétaires des terres et les populations qui les exploitent.
Je milite pour une valorisation de nos exploitations familiales au point de les mener vers plus de mécanisation de notre agriculture, plus de productivité et plus de revenus et de capacités d’ouverture vers les grands marchés extérieurs.


M. Mansour NDIAYE, Expert financier
Président UDR/Dooley Yaakaar
mansour.ndiaye@gmail.com