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Portrait de Samuel Sarr: L’aventure ambiguë d’un «Golden boy»

Rédigé par leral.net le Jeudi 21 Août 2014 à 21:36 | | 0 commentaire(s)|

Personnage ténébreux, découvert par les Sénégalais en 1993 avec l’affaire Me Babacar Sèye, Samuel Amète Sarr, ancien ministre d’Etat, ministre de l’Energie, est revenu au-devant des projecteurs, avec son arrestation pour offense au chef de l’Etat, Macky Sall. L’Observateur publie, avec quelques retouches, une enquête que le journaliste Pape Sambaré Ndour, alors reporter à Week-end Magazine, avait réalisé sur ce «Wadiste éternel» mal connu du grand public. Un document inédit.


Portrait de Samuel Sarr: L’aventure ambiguë d’un «Golden boy»
C’était une matinée sous haute tension au Palais de la République. La scène se passe en 2009 et a pour théâtre le traditionnel Conseil des ministres du jeudi. Dans la fameuse salle des Banquets, le Président Abdoulaye Wade est noir de colère. Les raisons de son courroux ? Quelques-uns de ses ministres lui réclament en messe basse la tête de Samuel Sarr. Pour ces «comploteurs», le ministre de l’Energie est «l’homme à abattre», le «mouton du sacrifice» à immoler sur l’autel du gouvernement pour apaiser le courroux du peuple, salement étreint par la crise… énergétique. Me Wade, jamais avare de grands écarts, s’adresse à «son fils» : «Samuel, est-ce que tu es conscient que s’il s’agissait de vote pour te maintenir dans le gouvernement, je serais le seul, dans cette salle, à voter pour toi ?» L’assemblée est médusée, embarrassée.

Quelques heures plus tôt, Samuel Sarr avait failli jeter l’éponge, lassé de tant de critiques, tant de reproches, jusque dans les rangs du gouvernement. L’homme est seul, lâché de tous ou presque, abandonné de la plupart de ses collègues. Il tient en apnée sur son fauteuil, après un long tête-à-tête avec le Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye, qui l’a dissuadé de lâcher le navire en pleine tempête. Pour lui, l’ironie du chef de l’Etat surgit ainsi comme une inespérée bouée de sauvetage. Réconforté, le ministre de l’Energie s’enhardit subitement : «Je suis heureux et honoré que vous soyez le seul qui voudrait voter pour moi. Parce que vous seul, vous représentez 57% des Sénégalais.» Le «Wadiste éternel» est né.

Entre Me Abdoulaye Wade et Samuel Sarr, entre le chef de l’Etat et son ancien financier, du temps de l’opposition, il existe une «fidélité» déconcertante, presque irrationnelle, qui transcende les contingences et les conjonctures. Malgré la crise aiguë de l’énergie au Sénégal, la colère du peuple et la défiance de ses collègues ministres. Dans ce régime de l’Alternance, où Wade se soucie du sort de ses ministres comme de ses célèbres bretelles de la campagne présidentielle de 2000, comment Samuel Sarr en est-il arrivé à se bâtir un statut d’indéboulonnable au sein du système «wadien» ? Comment cet homme à la compétence vilipendée de toutes parts, accusé de diableries de toutes sortes, a-t-il réussi à fasciner ce Président ivre de lui-même, autoproclamé «homme le plus diplômé du Cap au Caire» ? Quel homme se cache derrière ces lunettes aux montures dorées, ces costumes bien coupés et cette vanité ou insolence, c’est selon, qui exposent un trop-plein de fric ?

Né au Victoria Hospital de Banjul

Fils d’un journaliste sénégalais, Mamadou Doudou Sarr dit «Sarr binocles» ou «Sarr cinéaste» pour ses œuvres cinématographiques, et d’une Gambienne, Jessica Mbow, qui a travaillé comme assistante au Fonds de développement des Nations unies pour la femme (Unifem) à Dakar, Samuel Amète Abdoulaye Sarr est né le 23 novembre 1965 dans la capitale gambienne. «Comme moi, Sammy (Samuel Sarr) est né au Victoria Hospital de Banjul», révèle son frère aîné, Tidiane Sarr, Directeur de Ferlo, une société spécialisée dans la distribution des cartes téléphoniques.

Maman Jessica Mbow avait un rituel immuable : quand elle pressentait que sa grossesse était presque à terme, elle filait toujours accoucher à Banjul, à quelques 20 km de Fadiara, son fief familial. Tidiane, comme Samuel, ont grandi entre la Gambie et le Sénégal. Tidiane : «A Dakar, nous habitions les Allées du Centenaire. Nous y avons toujours notre maison familiale. Mais Samuel et moi avions des comportements opposés. Moi, j’étais calme et réservé. Par contre, lui, était terrible, «guerrier» et surtout débrouillard.»

Comme dans la plupart des mariages interconfessionnels, les trois enfants du couple Sarr héritent d’une double (pré)nomination. «Maman, qui est une protestante pratiquante, nous a donné à tous des noms protestants, explique Tidiane. Moi, elle m’a donné le nom d’Herbert (Tidiane) Sarr. A mon jeune frère, celui de Samuel (Amète Abdoulaye) Sarr et à notre sœur cadette, qui est une chanteuse, celui de Julia (Pénéré) Sarr. Nos deuxièmes prénoms sont de Papa, qui était un musulman pratiquant. Julia, qui vit aujourd’hui en France, est chrétienne. Samuel et moi, nous sommes musulmans.» «Nos parents ne nous ont pas gâtés, parce qu’ils n’étaient pas des gens riches, précise Julia Sarr. Ils étaient de la classe moyenne. Ils nous ont instruits et nous ont aussi donné une double culture. Ma mère, quoique anglophone, nous apprenait le français et en même temps, à vivre dans un quartier populaire…»

Envoyé à l’école maternelle Protestante de Dakar-Plateau (centre-ville dakarois), puis à l’école Sacré-Cœur, où il décroche son Certificat d’études primaires élémentaires (Cepe), Samuel, «bon élève», se découvre une passion pour le cheval. Quand son frère Tidiane s’emploie aux cours de karaté dans le dojo du coin, Samuel, lui, file à la caserne Samba Diéry Diallo admirer le galop des chevaux de la Gendarmerie. «Samuel a toujours eu un amour fou pour l’équitation. Il aime les chevaux et cet amour ne l’a jamais quitté, témoigne son grand frère. Quand il a commencé à travailler, il en a même acheté. Et je crois qu’il a toujours des chevaux en sa possession.»

«Notre drame de Paris»

On est au début des années 1980. «Sarr binocles», papa de Samuel, est affecté à l’Ambassade du Sénégal à Paris comme Directeur de l’information. Samuel n’a que 12 ans quand il prend l’avion avec sa maman, son frère et sa sœur pour rejoindre la capitale française. La famille Sarr aménage dans un appartement situé près de l’ambassade du Sénégal, au 14 avenue Robert Schumann dans le VIIème arrondissement de Paris. Arrivé presque 2 mois après la rentrée scolaire, le jeune Samuel risque l’«année blanche». C’est le collège Emile Zola, au 46 avenue Franklin Roosevelt, qui acceptera in extremis le fils du diplomate sénégalais. «Quand je suis arrivé, se souvient Samuel Amète Sarr, il ne restait plus qu’une place dans la classe.» Le hasard envoie le jeune Samuel s’asseoir à côté d’Edouard Boulan, fils du richissime Hervé Boulan, un des plus grands financiers de France, qui deviendra en 1984 le premier Pdg de Manufacture de Voitures de sport (Mvs). Ils deviennent très vite des amis inséparables. «Avec Edouard, son grand frère, Nicolas et les autres, nous menions la belle vie, se souvient Samuel. Nous roulions en Porsche, Ferrari, et allions dans les places les plus huppées de Paris.» Jusqu’au jour où le drame s’invite dans la fête quotidiennede cette bande d’amis. Edouard se tue dans un accident de voiture. Et Nicolas, ne pouvant pas supporter la perte de son frère, se suicide. «Samuel en avait presque perdu la raison, explique Tidiane Sarr. Il a été très peiné par la mort de ses amis.»

Dans son bureau XXL du 4ème étage au building administratif, Samuel Sarr évoque encore ce drame avec des trémolos dans la voix. «Je crois que je ne m’en relèverai jamais !», répète-il, le regard triste, comme si cette douleur impérissable refusait de (dé)passer les frontières de l’oubli. «J’étais tellement hanté par cette affaire que cela m’avait créé des dépressions nerveuses. J’étais vraiment dépressif. C’est d’ailleurs à cause de cela que j’ai été obligé de quitter Paris après mon bac (option Sciences économiques, obtenu en 1988 au lycée jésuite Saint Joseph de Sète, dans le Hérault) pour aller continuer mes études supérieures au Canada.»

A Hull, cette ville située sur la rive ouest de la rivière Gatineau, Samuel s’inscrit à l’Université du Québec. Il obtient, trois ans après, son Bachelor of business administration (Bba), option finance. «J’ai choisi la finance, parce que j’avais baigné dans ce milieu en France, soutient-il. Je savais qu’après mon cursus, je pouvais me faire de l’argent dans ce domaine.» Un ancien étudiant au Canada dans les 90 : «Samuel évoque souvent le Canada pour parler de ses études supérieures, mais il oublie toujours de dire aux Sénégalais qu’il n’y a pas terminé ses études universitaires.» Samuel Sarr a-t-il falsifié son histoire ? A-t-il bidouillé son Cv, comme le soupçonnent certains de ses contempteurs ? : «C’est vrai qu’après mon Bba, j’ai arrêté mes études universitaires pour aller me faire de l’argent, reconnaît le ministre de l’Energie. Mais j’ai terminé mon cursus en 1997, en décrochant, en «executive program», mon Master en business administration en finance internationale.»

Hervé Boulan, Omar Bongo, Mobutu et Pierre Aïm

De retour en France en 1991, il démarre une carrière dans la finance au sein du cabinet d’Hervé Boulan, son papa adoptif. Samuel Sarr : «Au lieu de Pierre Aïm (homme d’affaires français, ancien patron de la brasserie Africa Cola), comme le prétendent Clédor Sène et les autres, c’est Hervé Boulan, ce grand «Monsieur» de la finance française et mondiale, qui m’a tout appris. Il m’a pris sous son aile et m’a fait gagner beaucoup d’argent.»

En septembre 2009, Amadou Clédor Sène, cerveau de l’affaire Me Babacar Sèye, avait fait une fracassante sortie dans Week-end pour dénoncer l’attitude de Samuel Sarr qui, selon lui, fait saboter le réseau de la Senelec, à chaque fois que Pierre Aïm, qu’il présentait comme le père adoptif du ministre de l’Energie, avait des problèmes avec la justice sénégalaise. «On déferre Pierre Aïm le vendredi 14, dimanche (le 16 août, Ndlr), on nous coupe l’électricité toute la journée et sur tout le territoire, accusait son ancien compagnon d’infortune à la prison de Rebeuss. La coupure s’est même prolongée dans la journée du lundi. Personne n’a eu d’électricité au Sénégal. Cela n’était pas un délestage. C’était un sabotage.» Samuel Sarr : «Je n’ai jamais voulu répondre à Clédor, parce que tout le monde sait que ce qu’il a dit, ce ne sont que des contrevérités. Je réclame mon amitié avec Pierre Aïm, mais il n’a jamais été mon père adoptif, comme le prétend Clédor. Mon argent, je l’ai eu dans le montage financier»

Spécialisé dans le montage financier, Samuel s’érige en «Monsieur Afrique» du cabinet d’Hervé Boulan. Personnage de l’ombre, il arpente capitales et palais africains, s’invite dans les trafics lucratifs de la «Françafrique», se fait connaître de ceux qui, dans le continent noir, détiennent les puits de richesses. «J’ai gagné mon premier million de dollars (500 millions F Cfa) avec Omar Bongo (défunt Président du Gabon), avoue-t-il. Ensuite, j’ai beaucoup travaillé dans le manganèse avec Mobutu (ex-Président du Zaïre, actuelle Rdc). J’ai aussi fait d’autres affaires avec beaucoup d’autres Présidents africains à l’époque.»

De «deal» en «deal», Samuel Sarr apprend le métier, s’étalonne dans les rouages des finances. Nanti d’un épatant carnet d’adresses, il s’affranchit de son «papa», Boulan et ouvre ses nouveaux bureaux au cœur de Paris au 3 rue Quentin Bauchard dans le 8ème arrondissement. Dans cette rue perpendiculaire à l’avenue Georges 5, le jeune financier fructifie ses affaires. Il devient analyste-financier du Concorde Equipement finance de la banque Worms de Paris et directeur associé de Omni groupe finance. Samuel investit l’Afrique, surtout sa région occidentale. «Entre 1994 et les années 2000, j’ai été chef d’entreprise de plusieurs structures installées en Afrique, révèle-t-il. Il y avait les sociétés comme Bytech monétique (Gambie, Sénégal, Nigeria, Burkina Faso), Atlantic real estate Developement, une société immobilière (Gambie, Sénégal, France) et la société industrielle de produits hygiéniques (Namibie). Cette société fabriquait les tampons Tampax. Je l’ai revendue à des Sud-Africains à plusieurs millions d’euros.»

Jeune et (étonnamment) prospère, Samuel Sarr goûte aux joies les plus gratinées de la vie. Il se paie un jet privé Falcon 20 et un grand appartement à Neuilly, banlieue au nord-ouest de Paris et la plus riche de France. «A la naissance de ma fille, Rachelle, (qu’il a eue hors mariage avec la fille d’un riche financier français),j’ai été voir le maire de la ville à l’époque, un certain Nicolas Sarkozy, se souvient celui qui est aujourd’hui marié à une Gambienne avec qui il a eu un garçon et une fille. Il m’a aidé à avoir une chambre à l’hôpital de Neuilly où les patients étaient reçus par programmation. Je le lui ai rappelé lors de sa visite au Sénégal.»

La lettre de Rebeuss à Me Wade

«Golden boy» en plein essor, Samuel Sarr, qui soutient avoir épousé les idées de Me Wade alors qu’il était étudiant au Canada, devient, au début des années 90, l’un des principaux financiers du Parti démocratique sénégalais (Pds). Mais aussi l’un des plus proches collaborateurs du Pape du «Sopi», qui lui signe des ordres de mission pour lui faciliter l’accès dans certains pays d’Afrique où il allait négocier des autorisations d’exportation de diamant. C’est dans ces moments de forte collaboration avec Me Wade qu’il sera co-accusé, en 1993, de l’assassinat du vice-président du Conseil constitutionnel, Me Babacar Sèye.Il est arrêté le 27 mai 1993. En plein vol. «J’ai été arrêté dans un avion, raconte Samuel. J’étais en partance pour des rendez-vous d’affaires avec des Présidents africains quand des policiers sont venus demander au commandant de bord de me faire descendre. Je pouvais refuser, parce qu’ils n’avaient pas le droit d’entrer dans l’avion et d’y m’en faire sortir, mais j’ai accepté de descendre sans incident. Je me suis rendu sans aucun problème.»

Inculpé officiellement pour complicité d’attentat, complicité d’assassinat et commission d’actes et de manœuvres de nature à compromettre le fonctionnement régulier des Institutions et incarcéré à la prison de Rebeuss (Dakar), l’argentier de Me Wade est escorté de faits compromettants. Dans un premier temps, il aurait nié connaître Assane Diop, un des assassins du juge Sèye, avant de se raviser face à la pression des enquêteurs et de reconnaître lui avoir remis 200 000 FCfa. Pis, quelques heures après son arrestation, Le Soleil, quotidien national, publie un communiqué du gouvernement dans lequel le pouvoir socialiste soutient que dans les documents importants saisis sur Samuel Sarr, il y avait des plans du Conseil constitutionnel. «Contrairement à ce que beaucoup de gens racontent, je n’avais jamais essayé de fuir du Sénégal, persiste-t-il. Je n’ai été nullement inquiété après la mort de Me Sèye. D’ailleurs, c’est moi qui apportais à Me Wade ses repas à la gendarmerie de Thiong lorsqu’il a été arrêté. J’étais le seul à qui Madame Viviane Wade faisait confiance. Et comment quelqu’un qui a participé à un assassinat peut-il se rendre chaque jour à la Gendarmerie ?»

«Dans le piège de l’acharnement», livre réponse de Me Madické Niang à «Un meutre sur commande» du journaliste Abdou Latif Coulibaly, l’avocat a publié la lettre que Samuel Sarr aurait écrite à Me Wade en prison. Un courrier qui témoigne de la relation d’affaires qui existait entre Samuel Sarr et l’ancien chef de l’Etat du Sénégal. «Maître, tout va bien, écrivait Samuel dans la missive. J’ai le moral et ma conscience est tranquille. Ils m’ont saisi des documents qui n’ont rien à voir avec l’objet de leur enquête. Je leur ai dit que je devais aller à Conakry pour des affaires et rencontrer le Président (Conté) afin qu’il me facilite la tâche pour obtenir des autorisations d’exporter du diamant. A Libreville, je devais assister à la rencontre avec les hommes d’affaires US (des Etats Unis) et voir avec Bongo la possibilité de monter la Société Saca et à Brazza aussi. Et votre ordre de mission me facilitait l’accès dans ces pays. A Kinshasa, je devais rencontrer Karl-I-Bond (ancien Premier ministre de la Rdc) afin qu’il me désigne un de ses amis pour que je lui présente des Suisses qui veulent du diamant et rencontrer Silèye Guissé, un diamantaire sénégalais (…) Ils ne savent pas que le seul lien d’affaires qui nous lie, c’est l’achat de votre terrain et que je montais l’opération de lease-back avec une banque étrangère.» En post-scriptum, Samuel demandait à Me Wade de prévenir Hervé Boulan, son pygmalion, de son arrestation.

Libéré sans jugement en février 1994 après près de 10 mois de prison, Samuel Sarr (re)part en France poursuivre ses activités de financier. Puis devient le conseiller du Président gambien, Yahya Jammeh à son accession au pouvoir à la faveur du coup d’Etat du 22 juillet 1994 qui a renversé le Président Dawda Jawara. Une fonction qu’il occupait aussi auprès du «généreux» Président Mobutu jusqu’à sa chute en 1997. «Chez Mobutu, je rencontrais souvent Cheikh Tidiane Sy (actuel ministre d’Etat, ministre de la Justice, Garde des Sceaux) que je considère comme mon père.»

A l’aéroport avec 3 passeports diplomatiques de 3 pays africains différents

Conseiller pour l’Afrique d’International Water (Groupe Bechtel qui travaille aussi dans le nucléaire et l’énergie), Samuel Sarr en profite pour créer «Gampower limited». Une société implantée en Gambie et spécialisée dans la production d’énergie qu’il revend à Nawek, la société nationale d’électricité gambienne. «Mais Samuel finira par avoir des problèmes avec Yahya Jammeh au début des années 2000, qui avait décidé de nationaliser de force sa société, explique une source habituée des couloirs du palais gambien. Mais si Samuel Sarr a fini par être indemnisé, c’est parce que dans les statuts de la société, il s’était présenté comme associé et non propriétaire.» Samuel Sarr : «C’était ma propre société et je l’ai vendue en 2001 au gouvernement gambien à des millions de dollars. Ça a coïncidé avec l’appel du ministre de l’Energie de l’époque, Abdoulaye Bathily aux Sénégalais de l’extérieur à venir investir dans leur pays.»

L’appel du ministre Bathily sonne comme un bon coup du destin. Samuel Sarr, qui rêvait jusqu’à présent de venir investir dans le domaine de l’Energie au Sénégal, décide, avec ses partenaires, de faire un saut à Dakar, histoire de rencontrer les autorités et de préparer leur prochaine implantation. Surprise : il sera interdit d’entrer dans le territoire sénégalais. «Nous devions régler une affaire de 120 méga Watts, raconte-t-il. Mes partenaires avaient fait un vol direct Bruxelles-Dakar et moi, j’avais décidé de passer par la Gambie pour régler quelques affaires avant de venir au Sénégal. Mais une fois à l’aéroport Senghor, je me suis présenté avec un passeport diplomatique gambien. Les policiers, qui étaient visiblement à l’affût, ont demandé à visiter mes bagages et y ont trouvé 3 passeports diplomatiques de trois pays africains différents. Ce qui était tout à fait normal pour un conseiller des Présidents de ces pays. Mais les policiers n’ont rien voulu entendre, ils m’ont obligé à retourner en Gambie. J’ai été obligé de revenir avec des papiers sénégalais…»

«J’ai fait don de ma vie à Serigne Saliou»

Businessman affairé, porté par une volonté farouche de s’asseoir à la table des grands financiers, Samuel Sarr n’a eu foi, pendant longtemps, que pour l’argent et le clinquant. Il courait le luxe, s’empiffrait de fric. Ses croyances n’excédaient pas ses comptes en banque. Mais un curieux événement lui fera changer de… conviction. «Ça m’est arrivé au Canada. Trois jours durant, je ne rêvais que de Serigne Saliou Mbacké, qui me disait de venir lui rendre visite à Touba, narre-t-il un brin mystique. Sans hésiter, j’ai pris un avion pour venir au Sénégal. Arrivé à Dakar, je ne suis même pas allé chez moi, je suis allé directement à Touba. Une fois chez Serigne Saliou, je suis resté longtemps assis sous le grand cailcédrat à l’observer, avant de dire à un de ses chambellans que je suis venu du Canada pour voir le marabout. Quand le chambellan est allé lui en parler, il lui a dit de me faire venir. C’est ce jour là que je lui ai fait don de ma vie.»

De cette rencontre serait née une forte affection entre Serigne Saliou Mbacké et Samuel Sarr, qui voue au défunt Khalife général des Mourides un amour inconditionnel. «Serigne Saliou a été comme un père pour moi. Il m’a beaucoup donné et appris dans la vie, explique-t-il. Il m’a même envoyé un «njël» (talisman) que je porte toujours sur moi, avant de mettre une chemise ou n’importe quel boubou. Partout où je vais, je suis avec ce «njël».»

C’est chez le défunt Khalife général des mourides qu’il retrouvera pour la première fois Me Wade après son accession à la magistrature suprême. On est en 2002, Samuel est venu rendre visite à son guide religieux et le Président Wade, en visite officielle à Touba. Les deux hommes, qui ne s’étaient plus (re)vus depuis les événements de 1993, se retrouvent dans le salon du khalife. «Nous avons eu avec Serigne Saliou, Me Wade et moi, une longue conversation et Serigne Saliou m’a instruit d’aider le Président Wade à la construction du Sénégal.» Après leur conversation, le Président Wade et Samuel Sarr se sont mis à égrener ensemble un même chapelet, que Serigne Saliou leur a donné, comme pour sceller leurs retrouvailles devant… Dieu. Un an plus tard, Samuel Sarr est nommé Directeur général de la Senelec (Société nationale de l’électricité) par décret présidentiel. Il y passera 3 années très controversées, avant de démissionner en 2006 pour s’occuper de ses affaires personnelles. En mai 2007, contre toute attente, Me Wade l’installe au ministère de l’Energie. Un moelleux strapontin qu’il cèdera, en 2010, à Karim Wade, fils du Président et tout-puissant ministre d’Etat, ministre du «Ciel et de la Terre». Samuel quitte ainsi le building administratif. Sans jamais s’éloigner des affaires de l’Etat. Surtout de celles de son mentor politique. Entre-temps, la cinglante défaite d’avril 2012 est passée par là. Le Président Wade et sa femme, Viviane, ont été délogés du palais présidentiel. Leur fils, Karim, a élu domicile à la prison de Rebeuss. Et Beaucoup d’ouailles de la chapelle bleue du Pape du «Sopi» ont filé tirer les marrons du feu de l’Apr, qui mijote la nouvelle sauce gouvernementale. Mais Samuel, lui, ne s’est jamais détourné de son mentor politique et de sa famille. Le «Wadiste» éternel est resté un fidèle parmi les rares fidèles. Chef de guerre du Pds «new-look» contre le Macky, il a cher payé hier, sa virulence contre le régime de Macky Sall. Un «Président très limité» qu’il n’a jamais ménagé dans ses critiques.

Pape Sambaré NDOUR
L'Observateur