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Pour OTD et Khalifa Sall, le PS doit bien valoir une messe !

Abondance de biens ne nuit pas, dit-on souvent. Dans certains cas, pourtant, ce trop-pleinde biens nuit effectivement et est source de problèmes souvent difficiles à résoudre. Prenons l’exemple du Parti Socialiste : C’est bien parce qu’il compte beaucoup de cadres émérites et de haut niveau capables chacun de présider aux destinées de notre pays qu’il connaît actuellement une véritable guerre des chefs. En effet, aussi bien Ousmane Tanor Dieng, son leader, que Khalifa Sall, l’actuel maire de Dakar, Me Aïssata Tall Sall, édile de Podor, et même Serigne Mbaye Thiam, ministre de l’Education nationale, peuvent prétendre à la magistrature suprême du Sénégal. C’est à dessein d’ailleurs que nous ne citons que ceux parmi ces cadres socialistes qui ont plus ou moins exprimé leur désir ou volonté de diriger un jour notre pays.


Rédigé par leral.net le Dimanche 23 Février 2014 à 16:59 | | 0 commentaire(s)|

Pour OTD et Khalifa Sall, le PS doit bien valoir une messe !
Evidemment, si ce parti ne comptait, comme l’écrasante majorité des autres formations nationales, qu’un seul, voire zéro, présidentiable, il n’y aurait guère eu de problème. Mais, encore une fois, c’est bien parce que cette plus vieille formation politique de notre pays regorge de cadres de qualité que la querelle fait rage — même si elle est étouffée — à sa tête. Elle oppose surtout l’actuel secrétaire général des « verts », Ousmane Tanor Dieng, candidat malheureux aux élections présidentielles de 2007 et 2012, au maire de la capitale, Khalifa Sall. Lequel estime le moment venu pour lui, après deux échecs de l’ex-tout puissant ministre d’Etat, ministre des Affaires et services présidentiels, de défendre à son tour les couleurs du parti de Colobane. Surtout, font valoir les nombreux supporters du maire, « Tanor » ne peut pas se dédire après s’être engagé publiquement — via une interview accordée à l’hebdomadaire panafricain « Jeune Afrique » —à ne plus se présenter à une élection présidentielle au Sénégal. C’était à la veille du scrutin de 2012 et l’homme de Nguéniène avait affirmé alors que, quel que soit le résultat de cette consultation, ce serait la dernière à laquelle il se présenterait. Jusqu’à preuve du contraire — et jusqu’à maintenant en tout cas —, il n’est jamais revenu sur cet engagement.

L’ennui, c’est que ses adversaires au sein du PS veulent lui faire dire ce qu’il n’a jamais déclaré, à savoir qu’il ne se présenterait plus à une élection pour le poste de secrétaire général du Parti ! Un amalgame sans doute entretenu à dessein par ses rivaux potentiels et leurs hommes de main car, enfin, il y a une sacrée différence entre ne plus briguer la magistrature suprême du pays, et renoncer à diriger le PS !Car rien n’empêche le PS de reconduire « OTD » à sa tête et d’avoir un autre candidat à la présidentielle de 2017. Pour prendre l’exemple du PS français, auquel tant de choses lient au parti senghorien, et pour ne prendre que l’exemple le plus récent, celui de la présidentielle de 2012, ce parti avait pour candidat François Hollande au moment où il était dirigé par Mme Martine Aubry. A la présidentielle précédente, Mme Ségolène Royal était la candidate officielle du parti de la rose au poing, tandis que François Hollande tenait solidement la barre rue de Solférino. Autrement dit, et encore une fois, il est tout à fait possible pour M. Ousmane Tanor Dieng de rempiler à l’issue du congrès qui devrait se tenir dans les prochaines semaines, et de laisser l’ancien ministre du Commerce sous le règne du président Abdou Diouf défendre les couleurs des « verts » en 2017 face au président Macky Sall. Ce qui suppose, bien sûr, que le PS quitte la coalition « Benno Bokk Yaakar » en temps utile pour présenter son propre candidat contre l’actuel président de la République.

Certes, ce serait un « casus belli » déclaré contre M. Macky Sall mais on voit mal, cela dit, un parti aussi historique  et massif, renoncer à présenter un candidat à une élection présidentielle. Déjà, de nombreuses voix s’élèvent en son sein pour dire qu’il est inconcevable que leur formation rate un tel rendez-vous majeur dans l’agenda politique de notre pays. Le même débat a d’ailleurs cours en ce moment au sein de l’historique PDCI (Parti démocratique de Côte d’Ivoire) où, là aussi, les militants de ce parti qui a conduit l’Eburnie à l’indépendance avant de le diriger pendant 49 ans, ont réussi à imposer à l’actuel secrétaire général, c’est-à-dire l’ancien président de la République Henry Konan Bédié, l’idée de présenter un candidat contre le président Alassane Dramane Ouattara, ce qu’il ne voulait pas faire jusque-là.

Le Parti Socialiste, donc, ne peut pas être absent de l’arène en 2017 au risque d’imploser. Et si on considère qu’Ousmane Tanor Dieng, — à moins de faire du « wakh wakheet » — ne peut pas se dédire, Khalifa Sall, qui a un bilan plus qu’élogieux à la tête de la mairie de Dakar, peut légitimement nourrir l’ambition de disputer la présidentielle au président de la République sortant. Le problème c’est que, et quoi que puissent en dire les deux intéressés, le courant ne passe pas entre ces deux poids lourds du PS. A tort ou à raison, « Tanor » a le sentiment que Khalifa Sall veut le mettre à la retraite forcée ou anticipée, tandis que le dernier nommé, lui, croit dur comme fer que l’homme fort de Colobane a choisi le ministre de l’Education nationale, Serigne Mbaye Thiam, pour être son héritier. Il le soupçonne également d’avoir passé un « deal » secret avec le président Macky Sall consistant à ne pas présenter de candidat contre lui en échange de divers avantages. Et il pense que « Tanor » serait prêt à le sacrifier sans état d’âme sur l’autel de ses ambitions politiques. Ce n’est pas pour rien, du reste, que les partisans du maire de Dakar, dont la députée Aminata Diallo de Grand-Yoff, clament urbi et orbi que l’Acte 3 de la décentralisation — qui change le mode de désignation du premier magistrat de la capitale — est une loi taillée sur mesure contre son leader Khalifa Sall.

De leur côté, les amis de « OTD » ont beau jeu de dénoncer le cavalier seul, voire le jeu solitaire du rival déclaré de leur champion, qui n’aurait pas mouillé le maillot lors de la dernière présidentielle de 2012, ce qui expliquerait en partie les résultats passables réalisés par le PS. Des résultats décevants dans le département de Dakar où milite pourtant Khalifa Sall. Dans cette situation confuse faite d’accusations et de dénégations, une chose est au moins sûre : le maire de Dakar aurait été sommé par le président de la République en personne de renoncer à se présenter contre lui en 2017 en échange de son maintien à la tête de la mairie de Dakar. Faite de quoi, l’APR présenterait contre lui — et avec l’appui de tous les moyens de l’Etat — un candidat. Or, dans le camp de « Khalifa », on reproche au Secrétaire général du PS de ne pas faire grand-chose pour défendre son camarade de parti.

Une « dream team » et un ticket gagnant


Tout cela est bien dommage car le Parti Socialiste aurait pu faire l’économie d’une telle guerre fratricide à son sommet. Ousmane Tanor Dieng et Khalifa Ababacar Sall auraient pu former un duo gagnant, une dream-team, un ticket de choc. Car les deux hommes, qui sont tous de très grande valeur, se complètent harmonieusement. L’actuel secrétaire général, en plus d’être un brillant diplomate, l’un des meilleurs de notre pays, est aussi un fin connaisseur de l’Etat, dont les arcanes et les rouages n’ont aucun secret pour lui.Il maîtrise parfaitement les problèmes de sécurité et de défense du pays. C’est un grand homme d’Etat et une tombe dont la loyauté, le culte du secret et le sens du dévouement à l’intérêt général n’ont jamais été pris en défaut. Ce n’est pas pour rien, du reste, que le président Macky Sall accorde un immense respect à cet homme trop loyal et sincère pour être un politicien. De plus, en tant que vice-président de l’Internationale socialiste et ancien patron de l’Interafricaine sociale, il dispose d’importants réseaux sur le plan international. Sa proximité avec les dirigeants du PS français, le président François Hollande en tête, est un secret de Polichinelle. Autant de choses qu’il met généreusement à la disposition du successeur du président Abdoulaye Wade.

Last but not least, « OTD » est l’homme qui a sauvé le Parti Socialiste du naufrage, lorsque la barque verte faisait eau de toutes parts au lendemain de la première Alternance de 2000, et quand, par milliers, les rats transhumants quittaient le navire. S’il n’avait pas été là, ce dernier aurait coulé corps et biens. Et si le PS existe encore aujourd’hui, il le lui doit grandement. C’est ce qui explique le culte presque divin que lui vouent bien des responsables de cette formation. Et puis, malgré les critiques, il a réussi un résultat honorable à la dernière présidentielle, puisque n’ayant bénéficié que du seul soutien du petit parti écologiste de M. Aly Haïdar, et de la formation lilliputienne du maire de Guédiawaye, Cheikh Sarr, il avait pourtant récolté 11 % des suffrages exprimés. En revanche, M. Moustapha Niasse, son grand rival, bien qu’ayant bénéficié du soutien du Front Benno Siggil Sénégal, composé de dizaines de partis et mouvements, n’avait obtenu que 13 % des voix.

Quant à Khalifa Sall, rien que son bilan à la tête de la mairie de Dakar plaide éloquemment en sa faveur. En cinq ans, il a changé le visage de la capitale qui s’était dangereusement ruralisée. Certes, des bœufs indolents arpentent toujours tranquillement les rues de la ville par endroits, donnant le sentiment au citoyen ou au touriste d’être à Bombay, en Inde, certes, des moutons broutent encore du foin attachés à des pieux aux devanture des maisons, certes, on voit encore ici et là des tas d’immondices, certes, il n’est pas rare de voir des « citoyens » uriner en pleine rue mais enfin, Dakar a pris des couleurs. Les rues sont bien éclairées la nuit, les routes sont réhabilitées et goudronnées, les feux rouges aux carrefours ont été changés et fonctionnent enfin, les trottoirs sont pavés dans le cadre d’un programme qui vise à faire en sorte qu’il n’y ait plus de sable dans nos quartiers — un programme grand consommateur de main d’œuvre —, des stades sont construits ou gazonnés, les écoles sont équipées de salles informatiques, les postes de santé poussent comme champignons après la pluie et ils reçoivent régulièrement des dotations en médicaments… Et ce même si l’hôpital municipal Abass Ndao est un grand malade de notre pyramide sanitaire du fait des grèves récurrentes de son personnel ! De plus, la vie culturelle bat son plein, la dernière manifestation en date étant le « Ribidion » qui a rythmé les fêtes de fin d’année des habitants de la capitale.

Autant de choses qui suffisent à prouver que le challenger potentiel d’OTD à la tête du PS et du président Macky Sall pour la direction du pays, est un excellent gestionnaire. Mais son plus grand succès, c’est surtout d’avoir débarrassé les rues de Dakar des marchands ambulants qui les encombraient ! Sur le plan étatique, même s’il n’a jamais occupé des responsabilités aussi stratégiques que celles que le patron des « verts » a eu à exercer, il n’en a pas moins bénéficié d’une honnête expérience gouvernementale. Mais Khalifa Sall est surtout un redoutable politicien formé à la grande école de l’Union progressiste sénégalaise (UPS). Il a blanchi sous le harnais de cette formation où il est donc plus ancien que « Tanor ». Plus politique aussi, alors que ce dernier conserve encore ses réflexes de technocrate plutôt froid même s’il a appris à savourer les bains de foule. Très jeune, déjà élève, il a été formé à l’école senghorienne tandis que l’homme de Nguéniène, lui, n’a rejoint le train socialiste que sur le tard. Ce même s’il y a gravi rapidement les échelons jusqu’à devenir le secrétaire général du PS.

Comme « Tanor » avec l’Internationale socialiste, Khalifa Sall peut se prévaloir d’un solide réseau international constitué par l’Association des Maires francophones et, plus généralement, les maires du monde entier. Ce n’est pas pour rien qu’il a accueilli l’année dernière l’Association des Maires d’Afrique à travers le congrès d’Africités. Son paradoxe, cependant, c’est qu’il est plus populaire en dehors qu’à l’intérieur du PS. Là aussi réside sa faiblesse apparente car, en cas d’élection au Congrès pour la désignation du secrétaire général du PS, il ne fait aucun doute que la victoire reviendrait largement à l’actuel patron des « Verts ». Lequel contrôle la quasi-totalité des coordinations et des organisations affiliées. C’est sans doute pourquoi le maire de Dakar et responsable politique à Grand-Yoff n’a aucun intérêt à affronter frontalement Ousmane Dieng. Le mieux, ce serait sans doute une paix des braves, un gentlemen’s agreement, entre les deux hommes. Et ce dans l’intérêt supérieur du PS. Khalifa Sall gagnerait sans doute à écouter moins ses « amis » qui le poussent dans un duel perdu d’avance et à rentrer dans le rang, derrière OTD. Car, sans l’onction de ce dernier, on voit mal comment il pourrait obtenir l’investiture du PS pour la prochaine présidentielle. Et utiliser la formidable et redoutable machine socialiste. Sauf s’il se présente à cette échéance en candidat indépendant…

De son côté, « Tanor » doit lui aussi prendre de la hauteur, surmonter son subjectivisme pour tendre la main à son camarade Khalifa Sall et, pourquoi pas, soutenir ses ambitions présidentielles. En attendant, il aurait tout intérêt à défendre sa candidature à sa propre succession à la tête de la mairie de la Ville de Dakar. Et ce pour un partenariat gagnant-gagnant entre l’un et l’autre. Cela dit, bien sûr que Me Aïssata Tall Sall a le profil pour faire une bonne candidate à la présidentielle. Mais son gros problème, c’est que c’est une femme dans un Sénégal terriblement machiste ! Mais encore une fois, si Paris valait bien une messe pour le roi Henry IV, qui avait, pour ce fait abjuré le protestantisme pour le catholicisme, le Parti Socialiste sénégalais, dont l’expérience dans la gestion du pouvoir étatique est à nulle autre pareille, vaut bien un dépassement pour ses responsables prodigues Ousmane Tanor Dieng et Khalifa Sall.

Mamadou Oumar NDIAYE

« Le Témoin » N° 1154 –Hebdomadaire Sénégalais ( FEVRIER 2014)