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Prévention des menaces terroristes: Le Sénégal inspire-t-il la France ?

L’interview que le Directeur Général de l’Agence d’Assistance à la Sécurité de Proximité (ASP), le criminologue Papa Khaly Niang avait accordée au journal "Le Soleil" dans l’édition du 15 janvier 2015, au lendemain de l’affaire Charlie Hebdo en France et intitulée « l’implication du citoyen est nécessaire pour une bonne sécurité » a-t-elle convaincu les autorités françaises de revoir leur copie dans la stratégie de lutte contre ce phénomène ? Tout laisse croire que les arguments développés dans nos colonnes par celui qui est chargé de mettre en œuvre le concept de sécurité de proximité par tous, pour tous et partout.


Rédigé par leral.net le Mercredi 28 Janvier 2015 à 23:10 | | 0 commentaire(s)|

Prévention des menaces terroristes: Le Sénégal inspire-t-il la France ?
Une vision du Président Macky Sall de la Gouvernance Sécuritaire de Proximité, semblent faire tilt dans l’hexagone, un pays multiculturel mais qui vit, comme le constate le Premier Ministre français, Manuel Valls lui-même, dans une sorte d’apartheid que beaucoup de Français, y compris dans la classe politique, ne veulent pas admettre. Mais la réalité est tenace car elle finit toujours par rattraper les peuples qui ne se mettent pas dans la trajectoire de l’histoire. L’exclusion sociale, le rejet de l’autre conduit toujours à des cassures douloureuses et à des plaies béantes, difficiles à cicatriser.

C’est ce que le Directeur de l’ASP appelle Les facteurs sociologiques qui sont aussi déterminants. Car, dans un environnement où on entasse beaucoup de monde, par exemple dans les ghettos et dans certaines banlieues où habitent des jeunes qui n’ont pas fait l’école, où on mélange des cultures et des pratiques, la délinquance ne peut que se développer avec une urbanisation sauvage. Ce sont des ingrédients qui facilitent le passage à l’acte. C’est la raison pour laquelle il parle de la prévention situationnelle sur toutes les situations qui exposent et facilitent le passage à l’acte, c'est-à-dire le côté comportemental : la sociologie dans les quartiers. La société multiculturelle est mal gérée et cela constitue des facteurs déterminants pour le passage à l’acte.

La France n’avait-elle pas eu tort de renvoyer la copie de l’ancien ministre de l’Intérieur et de la Défense sous Lionel Jospin, en l’occurrence Jean Pierre Chevènement qui avait mis en place ce qu’il appelait la Police de Proximité ?Le fondateur du Mouvement républicain et citoyen a regretté la police de proximité qu'il avait créée "et que Monsieur Sarkozy a laissé dépérir", expliquant qu'elle "nous manque beaucoup parce qu'il faut connaître le terrain".

A bien y regarder, cette proposition de Chevènement recentre le débat sur l’approche de proximité dont aucun pays ne peut faire aujourd’hui l’économie s’il veut prévenir et contenir le terrorisme comme l’avait soutenu le directeur de l’ASP pour qui, si les populations ne sont pas intégrées dans le dispositif de sécurité, on ne pourra jamais lutter contre ces menaces. Le citoyen est le premier acteur de la sécurité. C’est celui qui doit alerter et prévenir. Pour suivre un terroriste, il faut vingt policiers derrière. Pour avoir une société sûre, il faut 250 policiers pour 10.000 habitants. Aucun pays du monde ne peut assurer ce dispositif sécuritaire. En revanche, on peut, à priori, mettre en place des dispositifs de veille et d’alerte. Si cela est fait, la police et la gendarmerie peuvent assurer la continuité.

De la même manière, dans ce système de prévention, il va falloir mettre en place des systèmes électroniques, à travers notamment la télésurveillance publique et privée. Malheureusement, nos polices ne sont pas équipées pour faire face à ces nouvelles menaces, d’autant plus que la criminalité devient de plus en plus professionnelle, de plus en plus technique et le monde de la criminalité va plus vite que le monde technologique. C’est la technologie qui s’adapte au nouveau système de criminalité.

A chaque fois qu’on se retrouve face à une criminalité nouvelle, on essaie de mettre en place un dispositif pour y faire face. Mais si les gens ne sont pas formés sur cette question, ce sera difficile. Ce qui fera dire à Jean Pierre Chevènement qu’il y a chez nous dans les banlieues des problèmes qui sont des ratés de l’intégration…Mais c’est le défaut de République qu’il faut mettre en cause et pas la République elle-même. Il faut favoriser ce qui unit, ce qui rassemble, et non pas ce qui différencie, ce qui divise.

Le Chef du gouvernement français veut encore aller plus loin en préconisant un service de renseignement renforcé en moyens adéquats, une façon de revenir sur l’argument développé par l’ASP selon lequel la sécurité prime sur la liberté.Pour le directeur de l’ASP, le renseignement est continu. Chaque individu, chaque citoyen doit être un acteur de renseignement. Le renseignement n’est pas uniquement l’apanage de la police. Il fut un temps en France, on comptait sur les vaguemestres, les postiers qui sont là pour donner les premières informations. Tout cela est révolu. Maintenant, on parle de police de proximité qui toujours exclut le citoyen. C’est pourquoi nous avions développé, dans le cadre de cette agence, la sécurité de proximité pour permettre au citoyen de se positionner dans ce dispositif, mais tout cela mérite d’être configuré.

Emploi de proximité

Là où le Sénégal préconise le recrutement de 10.000 jeunes pour la sécurité de proximité, la France, elle envisage le recrutement de 2800 emplois supplémentaires dont les 1100 seront affectés au sein des unités de renseignement chargées de lutter contre le terrorisme. Cette décision renvoie naturellement au tandem sécurité emploi qui permet d’assurer la sécurité tout en permettant aux jeunes de trouver de l’emploi.

Quand on la stigmatise, la jeunesse développe un sentiment de frustration. Ce qui est arrivé dans les banlieues parisiennes, c’est aussi la non-prise en compte des préoccupations des jeunes jusqu’au point où les jeunes se sont sentis en dehors de la société et je pense qu’il va falloir reconstruire tout cela, afin que la société française se retrouve autour des idéaux de la République avait dit le Directeur Général de l’ASP. C’est dans cette même logique qu’il faut comprendre la décision de Manuel Valls de recruter soixante aumôniers musulmans supplémentaires pour les prisons, démontrant ainsi que les prisons ne doivent pas être des ghettos. En effet, du point de vue du criminologue, la prison pour tous les délinquants qu’ils soient primaires ou de grande criminalité devient une menace pour la société. « Pour la grande criminalité, il faut des moyens à priori et à posteriori. Il y a des facteurs déterminants dans le passage à l’acte. Il y a des gens qui sont prédisposés à commettre des crimes.

Prison et récidive

On dit, par exemple, que la peur du gendarme est le commencement de la sagesse. Tout cela veut dire que le chef de l’Etat a compris qu’il fallait miser sur la prévention, parce la répression a atteint ses limites. Actuellement, les gens sortent des prisons pervertis plus qu’ils ne l’étaient avant. En criminologie, on dit que l’âme s’endurcit par spectacle renouvelé de la peine. On s’endurcit en étant en prison car on y apprend des choses pas très bonnes. Je pense qu’il faut assurer la réinsertion sociale des détenus, parce qu’on ne peut pas faire sortir des gens et les laisser encore dans notre société sans pour autant les contrôler. A Paris, ces jeunes étaient connus de la police et de la justice. Ils avaient été condamnés, donc comment on a pu les laisser aller se former, revenir et poser les mêmes actes avec autant de victimes.

Lutter contre la cybercriminalité

Là où Manuel Valls annonce le lancement d'un site Internet visant à informer le grand public sur les moyens de lutter "contre l'embrigadement djihadiste, notamment des jeunes", le criminologue préconise non seulement la formation dans toutes les spécialités, mais aussi en informatique pour assurer une meilleure surveillance électronique et un dispositif de vidéosurveillance. D’où la nécessité de recruter des ingénieurs en informatique et de les mettre à la disposition des acteurs de la sécurité.

Le dispositif de données passagers

Il en est de même pour dispositif (Passenger Name Record), un fichier commun des données personnelles des passagers aériens qui selon Valls sera opérationnel en France en septembre 2015". Dans le même ordre d’idée, le Dr Niang pose la nécessité de disposer d’un fichier pour les voyageurs susceptibles de présenter des risques pour la sécurité du pays.

Hasard, simple coïncidence ou vision commune partagée par deux pays aux réalités certes différentes mais ayant en commun cette volonté de lutter contre toutes les formes de délinquance ? La question reste posée.

Ousmane Sané, archiviste à la retraite à Guédiawaye