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Professeur, vous permettez ? (Par Me Ousmane Sèye)


Rédigé par leral.net le Lundi 27 Juillet 2015 à 19:54 | | 10 commentaire(s)|

Dans un article intitulé "Et si le Président Macky SALL s’inspirait du Président Harry TRUMAN ?" publié dans le journal « L’AS n° 2945 du Vendredi 24 Juillet 2015, le Professeur Matar KAMARA se prononce sur la réduction du mandat du Président.

Il estime que le Président Macky SALL doit obligatoirement respecter sa promesse parce que « faite dans un contexte précis et qu’il est élu en grande partie grâce à cette promesse d’une part et que d’autre part, le Professeur Ismaïla Madior FALL a estimé dans un article paru dans le journal Observateur n° 2221 du 17 Février 2011 que « le Chef de l’Etat, gardien de la Constitution et épine dorsale de tout le système institutionnel figure au rang des interprètes majeurs de la Constitution et que l’interprétation présidentielle de la Constitution tient lieu de droit positif non écrit(sic) ».

Pour toutes ses raisons, selon le professeur Mactar KAMARA, le Président Macky SALL doit respecter sa promesse de réduire son mandat de 7 à 5 ans et même si le référendum serait organisé et que le NON l’emporterait, il devrait suivre la voie du Président Harry TRUMAN à savoir démissionner.

Vous me permettez professeur, d’apporter des observations à votre article non pas pour remettre en cause votre opinion que le Président doit respecter sa promesse, mais sur l’insuffisance des arguments politiques et juridiques qui fondent votre opinion.

D’abord, vous affirmez que le Président Macky SALL est élu en grande partie grâce à sa promesse de réduire son mandat. Cette affirmation d’ordre purement politique est inexacte.

En effet, le candidat Macky SALL n’avait pas fait une seule promesse pendant sa campagne électorale mais plusieurs dont les unes aussi importantes que les autres.

Il serait prétentieux d’ailleurs pour un analyste politique ou citoyen quelconque de tenter de hiérarchiser les différentes promesses car elles le sont selon les préoccupations des uns et des autres.

Il faut rappeler entre autres qu’à côté de la promesse de réduire son mandat de 5 à 7 ans, il y avait les promesses suivantes non limitatives :

- La réforme des Institutions,
- La création de 500.000 emplois,
- La bonne gouvernance,
- La réduction du nombre des Ministres….

Je renvoie les lecteurs au programme Yonnu Yokuté

La réduction du mandat de 7 à 5 ans était-elle plus importante que les autres promesses.

Pourquoi en faire la seule promesse sur la base de laquelle le Président Macky SALL a été élu ?

Une analyse beaucoup plus objective permet de constater que le Président Macky SALL a été élu sur la base de plusieurs facteurs qui lui étaient favorables dont les circonstances politiques et économiques de l’époque, son parcours politique, sa personnalité, sa proximité avec les populations, son programme économique et social…

Par conséquent, faire de la réduction du mandat de 7 à 5 ans la seule promesse du Président Macky SALL qui a été à la base de son élection est un argument politicien faible et réducteur.

Sur le plan juridique, vous affirmez Monsieur le Professeur, que la promesse du candidat confirmée par le Président est une interprétation présidentielle de la Constitution qui a une force juridique obligatoire et tient lieu de droit positif non écrit comme l’a souligné le professeur Ismaïla Madior FALL dans un article paru dans le journal « Observateur » n°2223 du Jeudi 17 Février 2011 et portant sur la candidature de l’ancien président Abdoulaye WADE à l’élection Présidentielle de 2012.

D’abord, il faut préciser que comparaison n’est pas raison.

Ensuite, le débat juridique posé par la candidature de l’ancien Président Abdoulaye WADE à l’élection présidentielle de 2012 était relatif à l’interprétation de la Constitution du 7 janvier 2001, notamment en ses articles 104 et 27 ; d’une manière précise, il s’agissait de dire si la modification de l’article 27 de la Constitution du 07 Juin 2011 intervenue après l’élection du Président était applicable à son mandat en cours.
En l’espèce, il ne s’agit pas de l’interprétation de la constitution, mais du respect d’une promesse entre autres d’un candidat à l’élection Présidentielle pendant sa campagne et confirmée après son élection en qualité de Président de la République.

Cette promesse faite par le candidat et confirmée par le président est-elle au dessus de la constitution et doit-elle être appliquée nonobstant les dispositions du droit positif (qui est toujours écrit) à savoir l’article 27 de la Constitution qui dispose :

« La durée du mandat du Président de la République est de 7 ans ».

« Le mandat est renouvelable une seule fois ».

Voila professeur la question juridique qui est posée.

Il ne s’agit pas d’interpréter la constitution ; il s’agit plutôt de la hiérarchisation des normes juridiques si tant et si bien que vous considérez que la promesse d’un Président de la République est une norme qui relèverait d’une disposition constitutionnelle relevant du droit positif non écrit (sis !).

Même si on vous concède que la promesse du Président serait une norme juridique constitutionnelle relevant du droit positif non écrit (sic !) ayant une force juridique obligatoire, sur quelle base légale cette norme juridique du droit positif non écrit primerait-elle sur une norme juridique constitutionnelle précise, écrite, votée souverainement par le peuple Sénégalais directement ou indirectement à savoir l’article 27 de la Constitution sur la base duquel l’actuel Président de la République a été élu et a prêté serment.

Il est bon de rappeler les termes du serment du Président de la République :
« Devant la Nation Sénégalaise, je jure de remplir fidèlement la charge de Président de la République du Sénégal, d’observer comme de faire observer scrupuleusement les dispositions de la Constitution et des lois, de consacrer toutes mes forces à défendre les institutions constitutionnelles, l’intégralité du territoire et l’indépendance nationale, de ne ménager enfin aucun effort pour la réalisation de l’unité africaine ».

Le Président de la République prête serment de faire observer scrupuleusement les dispositions de la constitution et des lois et de défendre les Institutions de toutes ses forces…

Vous semblez lui demander de violer les dispositions Constitutionnelles et de passer outre le respect et la défense des Institutions.

Au nom de quoi ?

Sur le fondement de quelle base légale ?

La seule réponse me semble être votre opinion politique personnelle.

Je suis d’avis qu’il faut mettre terme aux mandats illimités et que le quinquennat renouvelable une seule fois est le meilleur système dans un Etat démocratique comme le Sénégal.

Je suis favorable à la réduction du mandat présidentiel de 7 à 5 ans.

J’estime que je suis du même avis que le Président de la République.

En effet, candidat, il a promit de réduire son mandat de 7 à 5 ans.

Président, il a plusieurs fois réitéré sa volonté de réduire son mandat de 7 à 5 ans.

Mais peut-on l’empêcher en tant que Président de respecter son serment ? Peut- on l’empêcher de consulter les Institutions qu’il doit consulter notamment le Conseil Constitutionnel et le Président de l’Assemblée Nationale conformément à l’article 51 de la Constitution ?

Même si leurs avis sont consultatifs, n’est-il pas tenu de les recueillir et d’en faire un bon usage pour le respect de son serment à savoir le respect des dispositions constitutionnelles et la défense de nos institutions au delà de toute préoccupation politique et de tout empressement pour l’organisation de l’élection présidentielle afin de se porter candidat ; Il faut savoir raison garder et avoir la patience républicaine de respecter les procédures indiquées par la Constitution, les lois et les règlements.

Votre conclusion, Professeur, m’inquiète. Vous affirmez que même si un référendum serait organisé et que le NON l’emporterait, le Président de la République devrait renier la voie indiquée par son peuple pour passer outre la souveraineté populaire et suivre la trace d’un homme, qui s’appellerait Harry TRUMAN. C’est terrible !

Professeur, en quoi cet homme serait-il plus digne et plus clairvoyant que le Peuple Sénégalais ? Si Harry TRUMAN est votre exemple et votre référence, c’est votre droit ; pour nous, c’est notre peuple, le peuple Sénégalais notre souverain, notre référence.

Nous emprunterons toujours la voie qu’il nous indiquera directement ou indirectement.

Professeur, pour le rang dû en votre qualité, je vous salue !

Maître Ousmane SEYE
Avocat à la Cour