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Référendum du 20 mars : La Société Civile, partie prenante ou partisane ? - Par Malick Diop


Rédigé par leral.net le Lundi 29 Février 2016 à 09:27 | | 3 commentaire(s)|

Référendum du 20 mars : La Société Civile, partie prenante ou partisane ? - Par Malick Diop
L’élection constitue un moment déterminant dans la consolidation d’un Etat de droit et de la démocratie en tant que mode de légitimation et de délégation du pouvoir politique du Peuple. Ainsi, la question de la participation citoyenne et de l’engagement des organisations de la société civile dans la vie politique et dans les processus électoraux n’est pas une question nouvelle.

La participation citoyenne, c’est un devoir (pas une doléance !)

La participation n’est pas une concession du Prince aux sujets mais plutôt un devoir pour chaque citoyen pour fonder une démocratie réelle et non formelle. Si le Politique, c’est « ce qui permet à la société de tenir ensemble », ce qui en détermine la cohésion et la solidarité, alors retenons qu’il n’est pas possible de se désengager de ce champ, de ne pas prendre de responsabilité active. La participation politique du citoyen ne se résume pas au fait de glisser un bulletin dans l'urne. Peut-être est-il illusoire de penser que l’on arrivera un jour à cette société de citoyens – et non de simples habitants – qui se sentent concernés et se mobilisent par vertu pour les affaires collectives, qui au fond se considèrent comme des « actionnaires de la ResPublica ». Du moins acceptons de faire de ce devoir une obligation collective. Nous empruntons cette notion pour signifier « que si un groupe de personnes satisfait une telle obligation les autres en sont dispensés ». Il faut dire alors que les citoyens qui œuvrent au sein des organisations de la société civile, le plus souvent militants, sont de vrais héros de la construction nationale, et qui méritent d’être distingués et honorés. Il faut le dire car la question de la reconnaissance de la portée de leurs initiatives et celle de la considération dont ils doivent faire l’objet reste encore une source d’insatisfaction pour la société civile.

La participation citoyenne, est une chance pour le Prince !

Par ailleurs, contrairement au constat ou en tous cas à l’impression qui se dégage souvent, la participation devrait être vue par le gouvernant, non pas comme une demande gênante à satisfaire de façon formelle, mais aussi et surtout comme une opportunité à saisir pour mobiliser les acteurs dans les chantiers nationaux prioritaires, assurer l’adhésion et l’appropriation des processus par une masse critique d’acteurs, etc. A défaut, pour pertinente qu’elle soit, toute vision, toute politique, tout grand projet étatique risque de n’avoir grandeur, sens et efficacité/efficience que dans le cerveau de son concepteur/promoteur. Une participation diversifiée, inclusive et équitable, d’une part, un leadership courageux et cohérent, de l’autre, sont des gages certains de succès durable; mais si le Prince opte pour l’instrumentalisation, le « divide for rule », il se condamne en même temps à dépendre de sa clientèle et de négociations ininterrompues avec moult coteries, pour des victoires de façade.

Différentes dynamiques ou actions citoyennes initiées pour la consolidation de la démocratie et de l’état de droit !

Plusieurs initiatives ou actions diverses, plurielles et multiformes ont été soutenues par les organisations de la société civile pour lutter pour un renforcement de la démocratie et de l’Etat de droit. Les premières actions qu’il faut saluer ce sont des actions de concertation. A partir d’un certain moment – c’est ce qui a amené dans une certaine mesure la première alternance politique en 2000 – les mouvements citoyens ont senti la nécessité de coordonner leurs efforts afin que le jeu démocratique soit plus transparent et le système politique plus crédible. C’est ce qui a amené le Front d’action de la société civile en 2000.
D’autres mouvements citoyens, à l’image du M23, sont nés en juin 2011 en réaction à la volonté du président Abdoulaye Wade de modifier la Constitution. Spontanément, pour la première fois, des organisations politiques, syndicales, des organisations de la société civile et des personnalités indépendantes se sont regroupées et ont engagé un combat : « Touche pas à ma Constitution » et « Non au troisième mandat ». Sur ces deux fronts, la victoire est sans conteste, parce que la société civile a été le relais de position de principe des citoyens sur une volonté partisane et individualiste de toucher notre fondement républicain.
Ainsi, la matérialisation de l’engagement des organisations de la société civile dans les sphères de décisions politiques se situe autant par leur contribution dans les orientations, en assurant un contrôle de l’action publique qu’en s’érigeant le cas échéant en contre-pouvoirs lorsque les règles fondamentales du système sociopolitique sont bafouées. Mais à la vérité, il faut reconnaître que les défis et les interrogations demeurent nombreux et persistants. En effet, la question ne se pose pas en termes de cadre d’expression, mais surtout d’implication légitime, inclusive, constructive et prospective qui détermine leur meilleur positionnement.
L’engagement de la société civile dans le processus électoral n’est pas un phénomène nouveau !

Dans le jeu démocratique, la Société civile a été toujours fortement impliquée dans les processus électoraux (présidentiels, législatives, locaux et référendaire) du pays en tant qu’observateurs, mais aussi facilitateur dans sa fonction de veille, d’alerte et de mobilisation citoyenne. De manière unanime, les organisations de la société civile ont joué unrôle déterminant dans le cadre du processus électoral, particulièrement celui de 2012. Elle a permis, après les locales de 2009, suite aux revendications des partis politiques à faire l’audit du fichier électoral puis à coordonner le comité de veille.

On a assisté à des modes d’action mutualistes entre organisations de la société civile, avec le Réseau Sénégalais des Observateurs Citoyens (RESOCIT), initiative commune de Gorée Institute, du Collectif des organisations de la société civile pour les élections (COSCE) composé de 11 organisations de la société civile (Forum civil, ONDH, RADI, RADDHO, Ligue Civique, Enda Graf, Réseau SiggilJiggen, ANAFA, AJED, Radio Oxygènes et ONG 3D), EndaDiapolet de la Plateforme des acteurs non étatiques. Ainsi les OSC ont assuré un suivi du processus pour éclairer et mobiliser davantage la population sur l’importance et les enjeux des élections. Elles ont eu un rôle de veille et d’alerte dans le processus électoral à toutes les étapes du processus, de mobilisation sociale des citoyens-électeurs par la sensibilisation et l’éducation électorale, de médiation et de conciliation des parties en cas de divergences mais aussi de surveillance des opérations électorales. Les Organisations de la société civile ont mobilisé plus de 5.000 observateurs nationaux, pour garantir aux citoyens la liberté de choisir dans la transparence, la sincérité, l’équité et la justice. Si les organisations de la société civile ont réussi cette mission, saluée par l’ensemble des acteurs nationaux et internationaux, c’est à cause de leur position d’équidistance des partis politiques et de neutralité dans le jeu partisan.

L’engagement de la société civile doit-il être partisan ?

Dans un contexte particulier où les seuls politiques n’ont plus le monopole de la gestion du bien public et de la conduite de la destinée de la nation. Nous vivons de nouvelles ères où il y a de dynamiques en collusion à géométrie variable entre la société civile et le politique qui sont en train d’émerger – et qui franchissent les marqueurs traditionnels. Les organisations de la société civile sont des parties prenantes incontournables dans le processus de démocratisation et de construction de l’État de droit. Il faut surtout qu’elles soientconscientes de leur rôle et de leur responsabilité dans le contexte actuel : une crise mondiale où l’État et les privés seuls ne peuvent résoudre les questions citoyennes. Etre conscient de cette force et de cette nouvelle dynamique devrait les amener à s’engager davantage dans leurs rôles de contrôle citoyen.

Ainsi, l’effectivité du contrôle citoyen reste et demeure l’outil principal d’action de la société civile. Le contrôle citoyen ne doit pas être considéré comme un contrepouvoir ou un pouvoir alternatif mais comme la manière à travers laquelle les populations, à travers leurs formes organisationnelles et collectives, exercent une citoyenneté active. Le contrôle citoyen est l’instrument efficace pour un dispositif d’alerte et de veille sur les velléités de défiances de tout pouvoir public.

Dans une démocratie en construction, tout acquis peut être remis en cause, ce qui justifie une veille constante des forces sociales et citoyennes pour éviter les régressions. Les acquis peuvent être consolidés par la veille permanente et la mise sur pied d’organes, d’associations et d’organisations dont le seul but est de suivre, analyser et commenter les choix, décisions et actions au sein de l’espace public, quelque soient les auteurs de ces choix (pouvoir, opposition, religieux, syndicats, etc.). Les organisations de la société civile doivent aussi, réussir à assurer et faciliter le dialogue politique entre les différents acteurs en cas de conflits ou divergences dans le jeu démocratique et surtout d’accompagner les populations à un exercice effectif de leur citoyenneté. La société civile n’a pas à se substituer au choix du citoyen.

La société civile ne doit pas être non plus, une classe de recyclage pour des politiciens redoublants en perte de vitesse, qui encagoulés cherchent à conquérir ou à reconquérir le pouvoir. Ce n’est seulement que par des positions de principe que la société civile arrivera à être crédible et sérieuse et qui puisse être écoutée par les populations.

Une société civile redevable, avec une obligation de rendre compte !

Les organisations de la société civile doivent prendre leur rôle au sérieux, malheureusement, certaines organisations qui accusent souvent l’État, elles-mêmes, ne sont pas toujours démocratiques dans le mode de désignation de leurs chefs, de leurs dirigeants, ne sont pas transparentes dans leurs comptes de gestion et ne rendent compte à personne. On devrait arriver à un stade où les organisations de la société civile rendent compte au public et qu’il y ait une traçabilité de leurs actions et de ce qu’elles font. Les ressources étrangèresqui leur sont versées au nom des populations, les rend autant responsables que les différents gouvernements qui pendant ces 50 dernières années ont reçu beaucoup d’argent et n’ont rien fait. L’Etat devra à l’instar de toutes les démocraties réfléchir sur des mécanismes de financer la société civile, pour éviter une certaine collusion glissante, souvent loin des préoccupations des populations.

Mais, la question fondamentale qui se pose est de savoir comment instituer des mécanismes véritablement participatifs, qui ne soient pas des faire-valoir pour capter des ressources ? Comment le faire sans consacrer des groupes d’acteurs (élites ou « clubs ») qui seraient eux-mêmes en déphasage avec les dynamiques réelles ? Comment faire pour s’assurer de la légitimité de la représentation des différents groupes de citoyens ? Comment structurer cette participation citoyenne de façon efficace et efficiente ?Comment dégager un cadre juridique et/ou institutionnel pour accompagner la participation citoyenne sans en dévoyer le principe et le sens ?

Malick DIOP, Juriste, consultant en développement local
Membre fondateur et ancien trésorier de la Plateforme des acteurs non étatiques
Coordonnateur de l’Université des Acteurs non étatiques
Secrétaire Exécutif Collectif national Education Alternative et Populaire
maalickdiop@gmail.com