leral.net | S'informer en temps réel

(Reportage Leral) Décharge de Mbeubeuss: Dans le monde des ordures

Nombreux sont ces Dakarois qui se posent encore la question suivante : Où vont toutes ces ordures qui inondent les rues de la capitale sénégalaise ? Après la fermeture de la décharge de Hann en 1970, Mbeubeuss a pris le relais. Situé à Malika, à vingt kilomètres du centre-ville, ce site est non seulement un grand dépotoir, mais aussi un lieu de gagne-pain pour certains Sénégalais.


Rédigé par leral.net le Mercredi 13 Mars 2013 à 21:49 | | 0 commentaire(s)|

(Reportage Leral) Décharge de Mbeubeuss: Dans le monde des ordures
Lundi 10 mars à Yeumbeul, un quartier populaire de la banlieue de Dakar. A la mi-journée, un soleil de plomb provoque une chaleur accablante ce qui n’empêche pas les gens de vaquer normalement à leurs occupations. Au milieu du quartier, plus précisément devant la grande mosquée, s’immobilise un camion de ramassage des ordures. A bord de cet imposant véhicule, le chauffeur et deux autres individus. Après plusieurs coups de klaxons, des femmes et des enfants, seau sur la tête ou sac à la main, sortent en grand nombre. Il faut se débarrasser de toutes ces ordures stockées dans ou devant les maisons depuis plus d’une semaine. Très rapidement, une longue file d’attente est constituée devant le camion pour éviter les bousculades. Au bout d’une heure, les déchets sont déversés dans le véhicule. Yeumbeul constituant le dernier point de collecte d’ordures de ce jour, le camion prend alors la direction de Malika.

Au bout d’un chemin cahoteux de près de deux kilomètres, des montagnes de déchets s’érigent au milieu d’une vaste étendue. Nous sommes à Mbeubeuss, un dépotoir qui reçoit chaque jour des tonnes d’ordures venant des coins et recoins de Dakar et de sa banlieue (475.000 tonnes d’ordures par an selon le site internet du ministère de l’Environnement). L’endroit s’étend sur une grande surface et est clôturé par un mur d’une largeur de deux mètres environ. Autour de la décharge sont érigés des abris qui servent de concessions. La poussière est visible même de très loin, du fait des multiples entrées et sorties des camions sur le site. L’odeur y est nauséabonde et les passants sont obligés de se boucher le nez pour ne pas respirer cet air exécrable.

Pourtant malgré ces conditions hostiles à la vie humaines, Mbeubeuss accueille, chaque jour, des dizaines d’individus : jeunes, adultes et même enfants, vêtus d’habits en lambeaux très sales, viennent récupérer, dans les déchets, des objets susceptibles d’être revendus sur le marché. Une barre de fer dans une main et un sac dans l’autre, ils fouillent minutieusement dans les ordures à la recherche de toiles en plastique, de barres de fer, ou de morceaux de bois. Une manière pour eux de gagner leur vie. Ils viennent essentiellement de Pikine, de Guédiawaye, bref de la banlieue dakaroise. Rigolades par ici, tapes amicales et plaisanteries par là, l’ambiance semble être agréable entre « récupérateurs ». Ce qui ne les empêche pas de se bousculer, parfois violemment, devant les camions pour mettre la main sur ces objets tant recherchés. Dans un premier temps, ils se montrent hostiles à toute communication avec les journalistes. Par la suite, après moult tentatives, certains d’entre eux acceptent finalement de s’exprimer.

Assis sous un arbre à palabre devant le mur de clôture de la décharge, Samba Faye, qui frise la trentaine, svelte et teint clair, met de l’ordre dans son sac rempli de petits morceaux de fer qu’il compte écouler en ville le plus rapidement possible. « Je viens ici tous les jours à dix heures et je suis à la recherche de ferrailles que je vais revendre. C’est un travail qui marche bien et je peux gagner jusqu’à dix milles francs par jour. Et grâce à cet argent j’arrive à subvenir à mes besoins » dit-il, le sourire aux lèvres.

Sur ce lieu où l’insalubrité a atteint son paroxysme, les « récupérateurs » sont en contact permanent avec les ordures, en conséquence ils sont fortement exposés à de nombreuses maladies. En plus, ils ne portent ni gants, ni bottes, ni masques. Un énorme risque qui n’ébranle pas pour autant ces soutiens de familles. « Nous sommes conscients du danger que nous courons en venant, tous les jours, dans un lieu aussi insalubre. Mais nous n’avons pas le choix. Il nous faut gagner notre vie et ce que nous faisons ici nous permet de le faire honnêtement » déclare Kaly Thioune qui fréquente Mbeubeuss depuis plus d’une décennie. Drapé dans un boubou bleu et tenant son sac sur son épaule gauche, M. Thioune d’ajouter : « Certes les risques existent bel bien dans notre boulot mais personnellement je ne suis jamais tombé gravement malade. C’est peut-être aussi parce que je vais régulièrement voir le médecin ».

Les « récupérateurs » sont généralement perçus, par la société sénégalaise, comme des marginaux : des drogués, des bandits. Une injustice selon eux. « Il n’y a que des honnêtes gens qui travaillent ici » lâche M. Faye sur un ton colérique. « Ce que les autres ne savent pas c’est qu’il n’y a pas de sot métier. Nous n’avons pas besoin de voler parce que nous ne voulons pas de cet argent sale, illicite et facile à obtenir. Nous gagnons dignement notre vie. C’est ce travail qui nous a permis de fonder des familles, de les entretenir, d’élever nos enfants » ajoute-il avec une certaine fierté.

www.leral.net