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« Sed lex » ou le choix de la sagesse par l’écoute

Rédigé par leral.net le Mercredi 17 Février 2016 à 10:50 | | 0 commentaire(s)|


La déclaration de son Excellence le Président Macky du 16 février a précisé sa volonté de réduction du mandat de sept à cinq ans avec effet rétroactif. J’étais comme le Président pour l’application de la cette rétroactivité pour des raisons à la fois démocratiques et politiques persuadé que je suis que le Sénégal avait un grand intérêt à cela.

Le conseil constitutionnel suivant l’article 3 de sa décision n° 01/C/2016 du 12 février 2016 écrit que la disposition transitoire prévue à l’article 27 « ne s’applique pas au mandat en cours et doit être supprimée ; elle n’est conforme ni à l’esprit de la Constitution, ni à la pratique constitutionnelle, la nouvelle loi sur la durée du mandat du Président de la République ne pouvant s’appliquer au mandat en cours »
En clair, il y a impossibilité d’une réduction du mandat en cours avec effet rétroactif au risque de violer la loi fondamentale de notre République.

A la relecture de l’extrait de l’Article 92 de la constitution actuelle du Sénégal je constate la disposition suivante : « Le Conseil constitutionnel connaît de la constitutionnalité des règlements intérieurs des Assemblées législatives, des lois et désengagements internationaux, des conflits de compétence entre l'exécutif et le législatif, ainsi que des exceptions d'inconstitutionnalité soulevées devant la Cour suprême. Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucune voie de recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités Administratives et juridictionnelles. ».

En clair, le conseil constitutionnel a le pouvoir de validation des lois y compris celles référendaires sous le prisme de leur conformité à la constitution. Un referendum demeure une loi qui peut être soumise aux décisions du conseil constitutionnel.
Par précaution et vu le caractère solennel de la loi référendaire, l’article 51 de la constitution préconise que le Chef de l’Etat puisse requérir l’avis du Président de l’Assemblée nationale et du conseil constitutionnel.
Que vaut l’avis de l’organe qui in fine est le seul apte à juger de la constitutionnalité des lois ? L’avis d’un arbitre est important et le conseil constitutionnel est l’arbitre de la constitutionnalité des lois. Mettre l’avis du Président de l’Assemblée nationale sous le même registre d’importance que celui du conseil constitutionnel dans son ensemble ne parait pas juste puisque c’est ce même conseil qui, s’il est saisi jugera de la constitutionalité de la loi. C’est sans doute cela qui donne à l’avis du conseil constitutionnel dans son ensemble un poids que n’a pas celui du Président de l’Assemblée nationale.
A supposer qu’après avis du conseil constitutionnel le Président de la République passât outre et maintînt la disposition sur la rétroactivité de la réduction du mandat, un recours pour inconstitutionnalité soulevé pourrait donner raison au plaignant et bloquer la mise en œuvre de la loi référendaire.

L’Article 74 de la Constitution permet entre autre un recours contre une loi pour inconstitutionnalité par « un nombre de députés au moins égal au dixième des membres de l'Assemblée nationale, dans les six jours francs qui suivent son adoption définitive ». Pour être plus précis, si le Président avait maintenu la rétroactivité dans le projet de constitution, des députés pourraient conformément à l’article 74 attaquer cette décision et obtenir gain de cause sur le Chef de l’Etat et sur tous ceux qui pensent comme lui. C’est cette éventualité qui aurait le plus divisé le peuple et ajouté à la surenchère politicienne.

Comment dès lors éviter ce scenario d’un désaveu par l’arbitre qui a pris la précaution d’indiquer la voie pour éviter de devoir siffler la faute après son accomplissement ? Si le Président Macky n’avait pas respecté la décision du 12 février 2016, le conseil constitutionnel saisi par des députés, serait certainement dans le même sillage que ce qu’il a écrit dans sa décision 01/C/2016. C’est ce scenario d’un désaveu que le législateur a sans doute voulu éviter en donnant au Chef de l’Etat la possibilité d’une possibilité de saisine du conseil constitutionnel avant toute loi référendaire.
C’est la sagesse qui a recommandé au Chef de l’Etat de respecter la constitution en restant dans une posture de sagesse face au pouvoir de l’article 92 de la Constitution sur l’impossibilité de recours face aux décisions du conseil constitutionnel. La sagesse est un frein même face à la volonté affichée de réduction sincère du mandat. Le Sénégal doit se réjouir que le Chef de l’Etat ne puisse outrepasser les interdictions de la constitution. Le rôle d’un Chef d’Etat, au-delà de son souhait est de veiller au respect de la constitution dont il est le garant.
Au-delà de la question de la rétroactivité de la réduction du mandat, les reformes à valider par loi référendaire le 20 mars 2016 portent sur des questions qui vont stabiliser d’avantage nos institutions. C’est pour cette raison que le peuple doit se mobiliser pour un vote massif en faveur du « Oui » et continuer la marche du pays vers l’émergence.
En demandant au Chef de l’Etat de ne pas respecter une décision du conseil constitutionnel, l’opposition verse dans une logique dangereuse et populiste que ne partagent pas les sénégalais qui savent que le Président Macky est allé jusqu’au bout de la logique permise par la loi. En Chef d’Etat moderne, il a accepté avec fairplay le verdict de l’instance juridictionnelle qui seule connait de la constitutionnalité des lois. En citoyen discipliné, je ne puis que m’incliner devant cette sagesse même si j’avais hâte comme de nombreux sénégalais de clarifier le plébiscite du Chef de l’Etat le Président Macky en 2017.
L’Article 42 de la Constitution actuelle donne au Président de la République le statut de « gardien de la Constitution » et de « garant du fonctionnement régulier des institutions ». Demander au Chef de l’Etat de ne pas tenir compte d’une décision du Conseil Constitutionnel, c’est lui dire de violer cette disposition. Dura lex sed lex. Aussi dure puisse paraitre la loi, elle n’en demeure pas moins la loi et en dehors des lois, nous serons dans l’anarchie. Ignorer ce principe qui s’applique à tous relève d’un nihilisme de mauvaise foi que le peuple comprend. Le peuple, ce seul véritable allié qui sait que le Sénégal est sur la bonne voie vers l’émergence avec un Chef d’Etat qui met la sagesse de la loi au-dessus de sa volonté fut-elle légitime.

C’est sous ce rapport qu’il faut analyser et voir la sagesse du Président Macky qui accepte de se plier à la loi en corrigeant son désir ardent de réduire son mandat. Comme dirait l’autre « La connaissance parle, mais la sagesse écoute». Dans cette affaire en vérité, le Président Macky a écouté par sagesse la connaissance du juge constitutionnel.

Mamadou NDIONE
Economiste Ecrivain
Conseiller départemental à Mbour
Responsable politique APR Diass