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Sénégal : Appel de wade et Fondements d’un dialogue politique et social.

Le Président Abdoulaye Wade, à l’occasion de la fête de la korité 2010 a lancé un appel au dialogue politique avec l’opposition. Il dit que c’est son 20ème appel.


Rédigé par leral.net le Dimanche 12 Septembre 2010 à 22:43 | | 0 commentaire(s)|

Sénégal : Appel de wade et Fondements d’un dialogue politique et social.
Nous aurons remarqué au passage les différents éléments contradictoires contenus dans cet appel.
D’abord au plan de la forme, l’appel revêt un caractère marqué par ce qui peut être interprété comme le signe d’un manque de respect à l’égard de l’opposition. En effet dans l’expression orale et dans la mimique et dans la gestuelle, on décèle un style quelque peu railleur comme si on appelait des gens dont on peut bien se passer et qui seraient dans l’impasse. Cette raillerie semble également être reflétée par les réactions en arrière plan de ses partisans qui l’entouraient à la Mosquée de Masalikoul Jinaan, lieu de sa déclaration : Pape Diop, président du Sénat et les autres semblaient afficher des sourires amusés, goguenards. Ceci peut sembler dérisoire et anecdotique si cette forme irrespectueuse ne se traduisait pas également dans le fond de la déclaration du Président de la République.
En effet le Président pour justifier son appel argumente que l’opposition et le pouvoir n’ont pas à se regarder comme des ennemis, et qu’un espace de dialogue est une nécessité. Mais en même temps et contradictoirement, il déclare n’avoir pas besoin de ce dialogue dont l’absence ne le gêne pas dans la conduite des affaires du pays bien qu’il se désole encore une fois que ses militants et ceux de l’opposition se regardent en chiens de faïence, installant ainsi un climat délétère dangereux pour la paix sociale. Ce tissu de contradiction ne s’éloigne pas de la récente déclaration d’Abdoulaye Wade qualifiant ses opposants « opposition non intelligente » devant un Président Abdou Diouf manifestement amusé par un tel écart de langage.
Mais laissons Abdoulaye Wade un moment à ses habituelles contradictions intérieures et à ce qui pourrait être interprété comme l’arrogance engendrée par l’usure du pouvoir et posons-nous la question de savoir s’il y’a lieu à dialogue.
Il devient évident, sous le contrôle de la vérité historique, que c’est l’opposition qui en premier avait de ses vœux, appelé au dialogue politique. De larges secteurs de l’opinion et de la société appellent également au dialogue : guides religieux, société civile, communauté internationale.
Dans toute démocratie, le dialogue, fondateur du consensus social sur les règles de la république est une nécessité permanente, de tous les instants, sans que cela remette en cause le rôle respectif de chacun : la majorité pour conduire les affaires gouvernementales et la minorité électorale pour s’opposer. En effet, la Démocratie suppose une complétion entre forces politiques, donc un contexte d’affrontement des idées, des programmes et des candidats. En l’absence de règles généralement acceptées qui organisent ces compétitions, les confrontations peuvent facilement déborder le cadre pacifique des urnes pour déborder sur le champ non souhaité des affrontements physiques dont la gravité peut aller jusqu’à la remise en cause de la « commune volonté de vie en commun », c’est-à dire de la Nation. Les guerres civiles trouvent leur origine dans de tels débordements. Les acteurs politiques doivent en conséquence dialoguer pour s’entendre sur des règles acceptées de tous, sinon de la grande majorité. Ce dialogue doit même s’aménager des espaces permanent qui , en appui au fonctionnement démocratique des Institutions de la République, permettent le déroulement correcte de ce dialogue.
Le dialogue doit aussi être conjoncturel pour faire face en commun à des moments de crise susceptibles de remettre en cause le consensus social. La remise en cause du consensus social peut concerner les règles du jeu politique, mais plus importants encore, ce consensus social peut être rompu lorsqu’une partie importante de la population vient à se considérer comme mal prise en compte, délaissée ou exclu du partage des avantages de la Nation.
Le Sénégal assurément se trouve aujourd’hui dans une situation de dialogue doublement nécessaire : dialogue permanent et dialogue conjoncturel.
La nécessité du dialogue permanent trouve son fondement dans la rupture de consensus du fait de la révision unilatérale, par le parti au pouvoir, du code électoral consensuel et de la Constitution.
Les règles qui président à l’élection des dirigeants du pays et de la représentation nationale ne font plus l’objet d’un consensus, il y’a donc nécessité de se mettre autour d’une table de négociation, et de rétablir le consensus.
Plusieurs évènements sont venus menacer le consensus social :
l’élection présidentielle contestée, le fichier électoral étant soupçonné par l’opposition d’être « électroniquement piégé » ;
le calvaire des populations vivant sous les eaux des inondations depuis plusieurs années et dans tout le pays avec un sentiment d’abandon par les pouvoirs publics ;
le rôle inédit accordé par le président de la république à sa famille biologique dans la conduite des affaires de l’Etat ;
le contrôle de plusieurs collectivités locales par l’opposition en face d’une volonté du parti eu pouvoir de gêner les élus de l’opposition dans la conduites des affaires locales et le refus de l’Etat de mettre à leur disposition des moyens en rapport avec leurs responsabilités et les besoins des citoyens. l’opposition voit dans ces attitudes antirépublicaines une volonté du pouvoir de remettre en cause les résultats des élections locales de mars 2009 ;
La perception par de larges secteurs de la fonction publique sénégalaise d’une volonté de traitement discriminant en matière de salaires et traitement des fonctionnaires.

Ces éléments de rupture conjoncturelle du consensus social fondent la nécessité du dialogue qui donc ne concerne pas seulement les élites politiques, mais aussi de larges secteurs de citoyens et de la société civile. Ce sont ces éléments de rupture permanente et conjoncturelle du consensus qui sont les éléments à négocier au cours du dialogue à ouvrir.
Dès lors, les questions qui se posent se ramènent à deux principales :
Abdoulaye Wade et ses partisans sont-ils conscients des enjeux et sincères dans leur volonté de dialogue ?
Comment organiser ce dialogue pour lui assurer succès et efficacité ?


Mame Birame Diouf
Economiste

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