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Sénégal : la renaissance de l’esprit ceddo - Malao Kanté

Rédigé par leral.net le Jeudi 14 Août 2014 à 08:24 | | 0 commentaire(s)|

Sénégal : la renaissance de l’esprit ceddo - Malao Kanté
On dit souvent que le Sénégal est un pays islamique. C’est peut être vrai dans la mesure où beaucoup de gens revendiquent cet héritage culturel. Mais à y voir de plus près, cet islam n’est que folklorique. Les marabouts ont fait un travail exceptionnel de transformation sociale ; toutefois, le culturel a toujours eu le dessus sur le religieux. La plupart des adeptes n’ont que faire des principes religieux. Ce qui les intéresse, c’est le « culte de la facilité ». Les « talibés » se concentrent plus chez le guide qui promet le paradis par une simple allégeance que chez celui qui exige plus d’investissement dans la voie.

Ainsi, malgré une présence islamique millénaire, l’esprit ceddo est resté presque le même. Certes, il n’y a pas de tensions entre groupes ou catégories ethniques mais le sénégalais (à l’instar des autres noirs d’Afrique) se définit toujours par rapport à sa catégorie ethnique ou clanique. Ils font tous généralement référence à un passé souvent non islamique et très peu significatif. L’expression « très peu significatif » signifie que la plupart des « dignitaires » de l’époque n’avaient pas obtenu leur rang grâce à leur courage mais c’est surtout grâce à leur subordination aux blancs colonisateurs. De Bouna N’diaye à Samba laobé Fall en passant par le dernier Bour sine tous ont eu leur statut grâce à leur soumission aux blancs voire même à leur trahison. Le cas du Cayor est un exemple patent de cette bassesse morale. Seul Lat Dior a fait montre d’une bravoure exceptionnelle.

Au Fouta aussi, le travail des marabouts est sapé par l’esprit ceddo du peulh. Comme dans les autres groupes ethniques africains, ici encore chacun se valorise et se croît être un descendant de Zeus. Longtemps dominé par les Sarakollés et les Sérères, le Fouta est tombée entre les mains des Peulhs en 1495. Mais malgré la révolution de 1776 des « Almaamis », La conscience sociale ceddo est restée la même. Ce qu’on appelle « Déniyenkobé» est remplacé injustement par le mot « Torodo ». Or « torodo » veut dire à l’origine mendiant ou du moins celui qui maîtrise le coran (un aspirant). Ce terme qui fut à la base religieux est réapproprié par cette conscience malsaine pour en faire une affaire de sang. De façon résumée, c’est donc sur cet esprit de folie de grandeurs entre africains que les blancs se sont appuyés pour diviser et pour dominer l’Afrique dans son ensemble et le Sénégal en particulier.

D’ailleurs, beaucoup des résistants n’ont pas été éliminés directement par les colonisateurs mais bien par leurs propres frères noirs. C’est le cas d’El Hadj Oumar (on se souvient encore des actes posés par le capitaine Racine Sy contre le sage de Alwar), de Cheikhou Ahmadou, de Maba Diakhou Bâ etc… Même le vaillant Cheikh Ahmadou Bamba a été victime de cet ostracisme noir (l’un des commandants les plus sévères à son endroit était un sénégalais du nom de Doudou Guèye ou Doudou mambèye). Les ceddo ont été les premiers à le combattre voire à vouloir le sacrifier pour plaire à leurs chefs blancs. Ils se croyaient plus purs et plus dignes que cet illustre homme de Dieu. Il a fallu qu’il revienne sain et sauf des tartares de l’exil pour qu’ils acceptent enfin de lui faire allégeance.
Mais comme les toucouleurs du Fouta (avec la trahison de la révolution ou de la charte de Souleymane Baal et de Abdel Kader), les familles maraboutiques sénégalaises sont aussi victimes de cette malédiction ceddo. Aujourd’hui, on ne reconnaît plus le vertueux par son ascétisme mais par son nom (et c’est exactement le contraire que Cheikh Ahmadou Bamba enseignait comme le martèle Serigne Bassirou Khelcom). Le folklore qui règne dans les familles maraboutiques est inconcevable. La famille prime sur l’islam. La situation est telle qu’on affirme ouvertement dans les rues l’expression selon la quelle : « Au Sénégal, on peut dire, sans risque, du mal à l’égard de Dieu et envers son prophète mais il suffit de critiquer un marabout pour mourir ».

Malao Kanté (Sociologue)