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Serigne Mbaye Thiam mérite d’être fortement appuyé - Par Mody Niang

Rédigé par leral.net le Mardi 29 Juillet 2014 à 10:53 | | 0 commentaire(s)|

Après le brûlot du Colonel Abdoulaye Aziz Ndaw, des cas de fraude révélés par le ministre de l’Education nationale alimentent abondamment la presse et suscitent l’émoi chez les uns, la surprise et l’indignation chez les autres. En particulier, les émissions interactives des radios, notamment Wax sa xalat, en ont fait leurs choux gras pendant plusieurs jours.


Serigne Mbaye Thiam mérite d’être fortement appuyé - Par Mody Niang
Pourtant, ce n’est vraiment pas nouveau dans l’école sénégalaise. Les syndicats d’enseignants qui se sont exprimés le savent parfaitement : depuis de longues années, la fraude entache, souvent très gravement, nos différents examens et concours scolaires. Il m’est souvent arrivé d’en dénoncer vigoureusement dans mes contributions, comme dans la page hebdomadaire du mercredi, consacrée par «Sud quotidien» à l’école sénégalaise que j’avais alors l’honneur de coordonner.

C’était déjà en 1994. En tous les cas, si les graves fraudes révélées sont avérées, le ministre Serigne Mbaye qui en est l’auteur doit être vigoureusement soutenu.

Nous savions déjà que l’examen du Certificat d’aptitude pédagogique (Cap) et le concours d’entrée dans les écoles de formation d’instituteurs était gravement entaché par la fraude. Cette tricherie s’opérait à plusieurs niveaux mais, principalement, aux centres d’examens et au bureau des Examens et concours. Les chefs de centre fraudeurs, en général des inspecteurs de l’Enseignement élémentaire, ouvraient un bureau clandestin, de connivence avec d’autres collègues qui traitaient les sujets en même temps que les candidats.

Pas n’importe quels candidats, évidemment ! Il s’agissait bien de ceux d’entre eux qui avaient accepté de jouer le jeu, en donnant de fortes sommes d’argent, dont le montant dépendait du niveau de l’examen ou du concours. Leurs prénoms, noms et numéros d’examen ou de concours étaient soigneusement portés sur les copies traitées par les collègues délinquants.

Après avoir ramassé les copies, le chef de centre procédait furtivement à une substitution de copies et le tour était joué. Cette substitution s’opérait aussi au bureau des Examens et concours, au moment où les agents délinquants rendaient les copies anonymes.

L’admission était ainsi assurée, les sujets ayant été traités par des inspecteurs et/ou des professeurs. Pendant de nombreuses années, des collègues et des agents du bureau des Examens et concours véreux se sont fait beaucoup d’argent en s’adonnant à cette minable forme de tricherie. Des agents du bureau des Examens et concours ont été d’ailleurs pris la main dans les copies.

Pour toutes sanctions, ils ont été affectés à l’intérieur du pays, alors qu’une enquête approfondie de police s’imposait. Ce laxisme de nos autorités est pour l’essentiel responsable des cas graves de fraudes qui alimentent l’actualité ces derniers jours. Le ministre Serigne Mbaye Thiam, qui les a rendus publics, avait fait d’ailleurs état d’autres cas de fraudes, qui auraient entaché la sélection des candidates à l’Ecole d’excellence Mariama Ba de Gorée.

Au contraire de certains de mes collègues, notamment membres d’organisations syndicales qui lui enjoignent de démissionner pour des raisons vraiment inavouées, je suis totalement en phase avec le ministre Thiam et l’encourage à aller jusqu’aux limites de son pouvoir dans les actions qu’il a entreprises.

La fraude, il convient de le souligner avec force, n’entache pas seulement les examens et concours de l’école sénégalaise. Elle est pratiquement devenue une endémie nationale, du fait de l’impunité. Un enseignant d’un certain niveau pris en flagrant délit de tricherie, doit être purement et simplement révoqué ou, tout au moins, sévèrement rétrogradé et interdit d’accès à de futures responsabilités.

L’expérience a montré que la plupart des collègues, qui ont été pointés du doigt dans les différents cas de fraude, ont été nommés pour des raisons proprement subjectives, compte non tenu de la compétence, de l’expérience et surtout de la bonne moralité. J’en ai connu de farfelus, qui ne devraient jamais être nommés à des postes de responsabilité.

L’un des membres de cette race de collègues, après près de quarante ans de service, n’a pas hésité à confier à un de ses amis, qu’il remerciait infiniment le Seigneur pour n’avoir pas fait la prison, malgré les graves tricheries qui ont entaché toute sa carrière indigne. C’était le jour de la passation de services au collègue qui le remplaçait. Un secret de polichinelle d’ailleurs, puisque nous étions presque tous au courant de ses «performances» en mauvaise gestion.

Nos autorités doivent donc avoir une attitude de rigueur, d’extrême sévérité vis-à-vis des délinquants qui infestent l’Administration sénégalaise. Ces derniers doivent être punis à la hauteur de leur forfait, fussent-ils parents, camarades de parti ou protégés de notables, de chefs religieux ou de qui que ce soit d’autres. En particulier, la nomination à des postes de responsabilité ne devrait obéir qu’à des critères objectifs : compétence et expérience avérées, bonne moralité, sens aigu des responsabilités et des relations humaines, esprit d’initiative et d’entreprise, etc.

De ce point de vue d’ailleurs, je reviens au ministre Serigne Mbaye Thiam, que je félicite vivement pour son heureuse initiative de ne nommer désormais les inspecteurs d’Académie et les inspecteurs départementaux de l’Education et de la formation que sur une liste d’aptitude établie par une commission après un appel à la candidature. Cette initiative devrait d’ailleurs être étendue aux autres postes de responsabilité du ministère de l’Education nationale (directeurs nationaux, proviseurs, censeurs, principaux de collège, directeurs d’école élémentaire).

Pourquoi pas aux autres ministères, à la Primature et à la présidence de la République ? Le succès du Plan Sénégal émergent (Pse) - si succès il y a- ne se fera jamais avec des hommes et des femmes médiocres, choisis seulement en fonction de leur degré de militantisme dans le Parti gouvernemental, de leur proximité avec le président de la République ou d’un grand chef religieux.

En particulier, le seul fait de gagner ou de perdre une petite commune rurale, ne devrait point être un critère de nomination à un ministère ou à une Direction nationale stratégique, ni d’en être dégommé. Plus d’un demi-siècle après notre accession à la souveraineté internationale, nous tournons en rond et peinons encore à seulement apercevoir l’émergence économique à l’horizon.

N’est-il pas finalement temps de nous mettre au travail, en comptant d’abord sur nos propres forces ? Ce ne sera vraiment possible que si nos autorités et, principalement le président de la République, se décident à s’affranchir de la politique folklorique et politicienne, ainsi que bien d’autres «caxaaneri» qui plombent tout effort de développement dans notre pauvre pays.