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Seynabou Gningue dite Nadoura : Les «contours» d’une secrétaire devenue créatrice de mode…

Rédigé par leral.net le Dimanche 2 Novembre 2014 à 02:39 | | 0 commentaire(s)|

L’OBS-People C’est une dame décontractée, accrochée à son téléphone qui nous accueille dans son atelier de couture sis à Scat-Urbam. Souriante à souhait, la dame, teint chatoyant, est belle dans sa mise distinguée. En pleins préparatifs pour la première édition de son défilé de mode intitulée : «La nuit de l’élégance», Seynabou Gningue, Nadoura pour les férus de mode, a accepté de lâcher son combiné. Le temps de nous entretenir sur cet événement prévu ce 1er novembre, mais aussi et surtout sur son parcours atypique. Itinéraire d’une secrétaire devenue styliste…


Seynabou Gningue dite Nadoura : Les «contours» d’une secrétaire devenue créatrice de mode…
De la paperasse aux chiffons

«Je m’appelle Seynabou Gningue. Je suis née en 1968 à Kaolack et j’ai grandi dans une fratrie de 8 enfants dont 4 garçons et 4 filles. Je m’active dans la mode. A part cela, je suis une femme ordinaire, qui s’occupe bien de sa maison, de son mari et de ses 4 enfants (3 garçons et 1 fille). Je suis l’unique épouse de mon mari et cela fait plus de 20 ans que je suis dans les liens du mariage. J’ai eu un cursus scolaire normal, mais après avoir eu mon BFEM, j’ai renoncé au collège pour suivre une formation en Secrétariat, à Madièye Sall, à cause d’une année blanche. Par la suite, j’ai intégré le milieu professionnel. J’ai d’abord fait mes armes à l’hôpital de Grand-Yoff ex-CTO, en qualité de secrétaire, avant d’être contrainte d’observer une pause. Je m’étais mariée entre temps et j’ai eu mon premier enfant, il était pour moi impossible d’allier mon rôle d’épouse et de mère et de travailler en même temps. Lorsque je fus en mesure de retravailler, j’ai rejoint le cabinet d’avocats d’un de mes frères. Au bout de deux ans, j’ai arrêté pour m’occuper d’un télé-centre dont on m’avait confié la gestion. Une fois de plus, j’ai dû arrêter pour me consacrer à plein temps à ma famille. C’est après cela que je me suis lancé dans la couture.»

Les débuts dans le garage de son mari

«C’est toujours difficile de renier une passion en soi, elle finit toujours par refaire surface. Depuis toute petite, j’étais attirée par les belles choses, la mode, les tendances… Pendant que j’étais encore au collège, j’ai eu la chance de faire des cours de couture, tous les mercredis et samedis. En plus de cela, il y avait une de mes grandes sœurs qui était couturière. J’ai énormément appris grâce à elle. Quand elle avait des commandes de layettes, pour les nouveau-nés, je me chargeais de tricoter les brassières, je faisais aussi des draps de lit et autres. Chemin faisant, ma passion grandissait de jour en jour. J’ai commencé à dessiner des modèles de vêtements, que j’essayais sur moi-même. J’allais voir les tailleurs et je leur expliquais exactement ce que je voulais. Ensuite, j’ai pris mon courage à deux mains, j’ai ouvert mon salon de couture à domicile, en 2000. Sauf que ce n’était pas vraiment un salon de couture, puisque je squattais le garage de mon époux. J’attendais qu’il sorte sa voiture le matin pour aller travailler, pour installer mes machines à coudre. Et le soir, je les enlevais pour qu’il puisse garer son véhicule. C’était une situation assez cocasse et difficile à vivre en même temps. Toutefois, j’étais mue par ma passion et mon envie de réussir. J’ai persévéré et à force de travailler et de donner le meilleur de moi-même, j’ai réussi à avoir enfin un local digne de ce nom.»

Ses collègues stylistes, gardiens du temple

«Mon travail a commencé à être reconnu et il faut dire que j’ai toujours fait preuve d’innovations dans mes créations. D’ailleurs, même lorsqu’il s’agit de la décoration de ma maison ou de ma boutique, je crée mes propres tendances. Je travaille en étroite collaboration avec des carreleurs, des peintres et des maçons qui m’aident à donner vie à mes trouvailles. En 2005, mon rêve a commencé à prendre forme, j’ai agrandi ma boutique qui porte aujourd’hui le nom de «Nadoura». C’est un assemblage des premières syllabes de mon surnom Nabou, de celui de mon mari «Doudou» et enfin, celui de ma cadette, mon unique fille, «Rama». La marque «Nadoura» a fait petit à petit son chemin et a réussi à imposer son style dans le milieu de la haute couture. Aujourd’hui, les plus grandes stylistes, hommes comme femmes au Sénégal, me vouent un grand respect et je le leur rends bien. D’ailleurs, Collé Ardo Sow qui est une grande sœur m’a donné, à plusieurs occasions, la chance de participer au grand événement qu’elle organise tous les ans, la «Sira-Vision» qui est de renommée internationale. C’est en partie ce qui a contribué à me faire un nom dans le milieu. Mes autres collègues également n’hésitent pas à m’inviter à leurs événements. Je suis très proche de Yayi Design, qui est une petite sœur pour moi, Thiané Diagne aussi est une grande amie. Du côté des hommes, je m’entends à merveille avec Modou Guèye de «Héritage Couture» qui n’a de cesse de me donner des conseils. Bamba de Partenaire couture est aussi quelqu’un sur qui je peux compter. Ils m’ont tous été d’un grand apport dans ma carrière et je profite de l’occasion pour les remercier de leur sollicitude.».

La crème des peoples et des ministres parmi sa clientèle

«Aujourd’hui, les clients ont commencé à affluer dans ma boutique et je couds pour toutes les bourses. Je compte également de grandes personnalités du pays parmi mes fidèles clients. C’est une grande fierté pour moi de pouvoir confectionner des tenues pour ces personnes. J’ai gagné leur reconnaissance par le fruit de mon labeur. Coumba Gawlo Seck est une cliente assidue, ainsi que beaucoup de ministres. Que dire de la diva du «Sopey Noreyni», Fatou Guéweul ? Elle fait partie de celles qui ont fait voir au grand jour mes créations. Nos relations dépassent même la dimension d’une couturière avec sa cliente. C’est ma grande sœur qui me prodigue tout le temps des conseils pour avancer dans la vie. Elle m’a d’ailleurs dédié une chanson qui m’est allée droit au cœur. Beaucoup pensent que je lui offre des cadeaux et c’est la raison pour laquelle elle chante mes louanges. Loin de là, elle a beaucoup de considération pour moi. Fatou Guéweul est une femme entière et je l’apprécie énormément pour ça.»

Ses regrets…

«Avant d’en arriver là et de côtoyer tout ce beau monde, j’avoue que cela n’a pas été de tout repos. Parfois, j’ai dû faire face à des situations tellement dures que je me surprenais à vouloir jeter l’éponge. Toutefois, mes clientes arrivaient toujours à me remonter le moral. Certaines d’entre elles me taquinaient en me disant que si je laisse tomber, elles allaient porter plainte contre moi. Contrairement à ce que les gens pensent, ce n’est pas évident de tirer son épingle du jeu dans le milieu de la mode, qu’il y a beaucoup d’argent. Ce qui me booste et me donne envie de persévérer, c’est plus les emplois que j’ai créés. J’emploie beaucoup de personnes qui comptent sur moi pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. C’est pour moi une grande satisfaction. Je suis bien placée pour savoir ce que cela fait d’avoir un levier sur lequel s’appuyer. A mes débuts, j’ai fait face à des difficultés énormes. Je n’avais pas de machines et je faisais de la sous-traitance. Une fois, je n’avais pas pu respecter les délais que j’avais donnés à une cliente. Celle-ci l’a mal pris et m’a tellement mal parlé que cela m’est resté en travers de la gorge. Je n’oublierai jamais ces mots blessants. Une autre fois, un de mes fournisseurs a porté plainte contre moi parce qu’il m’avait livré une machine à coudre. Je n’avais pas pu la lui régler à temps, parce que je n’avais pas travaillé. J’étais malade et je venais d’être opérée, lorsqu’on m’a apporté la plainte. Grâce à Dieu et à l’aide de ma famille, tout est rentré dans l’ordre. Mon époux m’a acheté des machines et j’ai pu entamer mon propre business, sans compter sur de tierces personnes. Ces expériences négatives font partie de mes plus grands regrets, tout comme la perte de ma mère. Elle est partie, il y a deux ans et je ne m’y fais toujours pas même si je sais que je dois accepter la volonté divine. J’aurais aimé qu’elle soit là aujourd’hui, qu’elle m’accompagne pendant ces moments et qu’elle participe à mon tout premier défilé…»

Nuit de l’élégance, 25 millions, 112 tenues…

«C’est la première édition de la nuit de l’élégance. On me demandait souvent pourquoi je n’avais jamais organisé de défilé, mais j’estime que tout vient à point, à qui sait attendre. Faire un défilé n’est pas une mince affaire. Il faut toute une organisation derrière, mais aussi et surtout, il faut des moyens. Le budget de mon défilé atteint facilement la barre des 25 millions. Alors que les sponsors se font rares dans la mode. Ils préfèrent plutôt investir dans la lutte ou autre chose. Heureusement que je peux compter sur le soutien inconditionnel de mon époux et de certaines bonnes volontés. Si je devais réfléchir en termes d’argent, j’aurais abdiqué il y a longtemps, mais je tiens à aller au bout de ce défilé. Histoire de montrer mon savoir-faire, ce que je vaux à la face du monde. Les seules retombées financières que j’espère, c’est que les tenues soient revendues. Je profite de l’occasion pour lancer un appel à nos gouvernants afin qu’ils donnent davantage d’égard aux acteurs de la mode, car ils contribuent à l’économie du pays. J’ai d’ailleurs invité le ministre de la Culture et j’espère qu’il répondra favorablement à mon appel, le jour du défilé. Mes clientes viendront également de la sous-région pour participer à l’événement, ainsi que mes collègues stylistes. Il y aura beaucoup de surprises et je compte exposer pas moins de 112 modèles de ma nouvelle collection. Mon staff avait d’abord choisi «Nadoura day», comme nom de l’événement. Mais je trouvais que cela faisait trop jeune. Alors, j’ai décidé, après moult réflexions, que la «nuit de l’élégance» était plus appropriée, par rapport à ma clientèle composée de jeunes et de dames aussi…»

GOGO FATOU K.THIELLO

(STAGIAIRE)