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Sos littoral de Guédiawaye ! Par Mamadou Dieng

Rédigé par leral.net le Vendredi 27 Mai 2016 à 11:27 | | 0 commentaire(s)|

Sos littoral de Guédiawaye ! Par Mamadou Dieng
Jadis, le littoral Nord sénégalais était bordé sur 180km, du quartier de Yoff à la ville de Saint-Louis, par une plantation de filaos appelée périmètre de reboisement dans le jargon des forestiers. Cette bande verte, composée par des plants de filaos, servait, originellement, à protéger les cuvettes maraîchères contiguës au périmètre contre l’ensablement par les dunes de sable. Dans cette même logique, les infrastructures routières étaient préservées de l’envahissement dû au sable des dunes par le rideau de filaos.

Auparavant, il est nécessaire de rappeler que pour créer cet écosystème côtier pittoresque, les autorités étatiques d’antan, accompagnées par des bailleurs de fonds, ont consenti d’énormes investissements humain, matériel et financier. C’est pourquoi, conscient des enjeux environnementaux, sociaux et économiques liés à une préservation durable de ce milieu physique, leurs successeurs ont fait bénéficier à la bande de filaos d’un statut de domaine classé par l’application d’un décret présidentiel.

Au niveau de la ville de Guédiawaye cette « forêt » de filaos s’étendait sur plus d’une centaine d’hectares ; elle était verdoyante et touffue à telle enseigne que personne n’osait s’y aventurer seule à certains moments de la journée. En sus, la bande verte abritait des animaux : lièvres, reptiles, hérissons, lézards et une variété d’insectes.

Les filaos de Guédiawaye étaient réputés être un milieu naturel luxuriant avec une atmosphère saine où tout habitant se plaisait à traverser pour aller à la plage ou campait avec sa bande de copains pour y pique niquer.

Malheureusement, cette dernière décennie, le littoral de Guédiawaye ne cesse de subir des agressions multiformes : extraction frauduleuse de sable marin, dépôts sauvages d’ordures dans la bande verte, coupes abusives des plants de filaos, extension démesurée de l’habitat dans les limites du périmètre de reboisement.

En effet, ces pratiques pernicieuses qui ont sapé et presque anéanti la bande de filaos sont d’origine essentiellement anthropique : les populations pour des objectifs purement mercantilistes ou des attitudes à l’antipode du civisme, l’Etat et les collectivités locales avec la délivrance d’autorisations de lotir ont quasiment détruit l’environnement du littoral. En des termes plus clairs, des charretiers issus du monde rural et mus que par la recherche effrénée du gain facile ont prélevé des quantités incalculables de sable qui ont complètement dénaturé le milieu physique. Les populations, parfois confrontées à un système de collecte des ordures ménagères défaillant et l’inaccessibilité de leurs maisons par les camions de ramassage, ont opté pour des solutions faciles, polluantes des filaos et pleines de périls pour leur santé en déposant continuellement des quantités importantes d’ordures de tout genre dans le domaine classé. Une catégorie d’entre-elles a trouvé son gagne-pain dans l’abattage des arbres pour les commercialiser à des fins de production d’étais pour la construction ou de bois de chauffe pour les « dibiteries » ou toutes autres cérémonies familiales ou religieuses.

Ces pratiques nuisibles de l’homme sur la nature ont été exacerbées voire même, sont devenues insignifiantes par rapport aux actes autorisés par l’Etat et ses démembrements (les collectivités locales). Pour preuve, des autorisations de lotir ont été accordées à des promoteurs immobiliers dans les limites de la bande verte (2,7hectares autorisés derrière la cité des enseignants/Golf Nord ; lotissement autorisé à Gadaye, sur le terrain de foot de Hamo5, édifications de maisons autorisées près de la cité COMICO, etc.). Malgré l’opposition des populations fondée sur des arguments de survie face à des menaces réelles (inondations, avancée de la mer, érosion éolienne) et basée sur l’évocation de textes juridiques et documents de planification spatiale (codes de l’Environnement, Forestier, Urbanisme, etc. plans directeurs d’urbanisme et d’aménagement forestier), la destruction du littoral de Guédiawaye continue de pus belle comme si cela a été savamment planifiée.

Depuis 2013, les travaux du prolongement de la Voie de Dégagement Nord (VDN) se présentent comme un coup de grâce porté à la conservation de l’écosystème du littoral. Certes, cette voie va faciliter davantage la mobilité et la desserte entre les villes de Guédiawaye, Pikine et Rufisque en termes de gain de temps pour le trajet à effectuer mais, elle a déboisé plus d’un millier de plants de filaos, rétréci et sectionné la superficie de la bande de filaos et aplani les rares dunes qui résistaient encore aux assauts répétés des alizés maritimes et de l’homme.

Pourtant tel que l’exige le Code de l’Environnement au Sénégal pour des projets pareils impactant sur l’écologie du milieu, l’élaboration d’une Etude d’Impact Environnemental et Social (EIES) est obligatoire. A cet effet, ce projet de prolongement de la VDN a répondu à l’exigence du Code de l’Environnement et lors de son audience publique tenue à l’hôtel de Ville de Guédiawaye en 2012, il a été clairement exposé que dans l’investissement consacré à la construction de la route, une cinquantaine de millions a été prévue pour atténuer certains impacts négatifs du passage de la route tel que le déboisement des plans de filaos. Mais il est regrettable de constater que, depuis la mise en œuvre du projet aucune action sérieuse de reboisement, de grande envergure devant impliquer tous les acteurs pertinents et accompagnée d’un suivi régulier pour assurer le renouvellement des nombreux arbres abattus, n’a été initiée.

Face à ces agressions récurrentes et de divers ordres, le littoral de Guédiawaye présente, aujourd’hui, un visage hideux, loin de cette image qu’il reflétait et qui en faisait une des caractéristiques fondamentales de la ville. En effet, nul ne pouvait venir à Guédiawaye sans pour autant apercevoir de loin ses filaos qui trônaient avec majesté au bord du grand bleu.

Au regard de cette disparition à une vitesse vertigineuse de l’environnement du littoral, des actions énergiques, urgentes, concertées et des choix d’aménagement judicieux s’imposent. Sommes-nous prêts à cautionner par notre mutisme, cette vaste entreprise de destruction et à en subir toutes les conséquences actuelles et celles imminentes si rien n’est fait pour inverser la tendance : insalubrité, effets corrosifs de l’embrun marin sur les bâtiments, pertes d’espaces de détente, de terrains maraîchers et de ressources végétales, vents de sable, avancée de la mer, etc. ?
Durant ces dernières années, des initiatives et stratégies d’une meilleure gestion du littoral Nord ont été entreprises à différents niveaux (populations-collectivités locales-Etat) et peuvent se décliner comme suit :
- Opérations d’assainissement ou « set settal »,
- Campagnes de reboisement,
- Actions de police de la brigade de l’Environnement et du service départemental des Eaux et Forêts,
- Mise en œuvre d’un processus Agenda 21 local avec comme résultats : l’élaboration d’un profil environnemental, l’organisation d’une consultation de ville et de fora communautaires, la mise en place d’un groupe de travail, la définition de stratégies et plans d’actions, la mise en œuvre de projets de démonstration,
- L’élaboration d’un Schéma Directeur d’Aménagement de la Grande Côte,
- L’étude ou la proposition d’une loi qui régirait tout le littoral sénégalais/

Après lecture de cette batterie de mesures et d’actions, l’interrogation sur leur efficience, vu l’état de dégradation avancée du littoral, doit tarauder les esprits. Quoi qu’il en soit, il urge de prendre les dispositions urgentes, efficaces et durables pour stopper nette la disparition de ce qui reste de l’environnement du littoral de la ville de Guédiawaye.

Aujourd’hui, les appétits fonciers des promoteurs immobiliers, des collectivités locales de Guédiawaye et même des particuliers sont très aiguisés. En effet, habiter au bord de l’océan est une opportunité inouïe pour tout sénégalais, surtout la côte de Guédiawaye qui bénéficie d’un climat doux du fait de l’influence quasi permanente des alizés maritimes. Mais, cet idéal de vie ne doit pas bafouer les règles environnementales et d’urbanisme prescrites par les codes et plans d’aménagement.

Pour faire face aux changements climatiques et son corollaire (avancée de la mer) ; assurer aux populations des espaces de détente, de promenade et des parcours de sport ; sauvegarder les terrains maraîchers sources de revenus ; préserver l’habitat de la corrosion et de l’ensablement ; pérenniser le poumon vert ; les actions ci-après sont nécessaires :
-Mettre en œuvre un programme de reboisement pour régénérer les filaos, en parfaite synergie entre les services des Eaux et Forêts, les collectivités locales et les populations,
- Mettre en application le Plan de Gestion Environnemental et Social relatif à la construction de la 3ème section de la VDN,
- Arrêter toutes attributions d’assiettes foncières pour les projets immobiliers et exproprier pour cause d’utilité publique tous les détenteurs de titres dans les limites du périmètre de reboisement,
- Elaborer et mettre en œuvre un plan d’aménagement concerté qui intégrera les conclusions de l’Agenda 21 local, du Schéma d’Aménagement de la Grande Côte, etc. et qui accordera un accent particulier au respect de la dimension environnementale,
- Définir les nouvelles limites de la bande verte et les sécuriser,
- Appliquer rigoureusement les textes de lois (codes de l’Environnement, de l’urbanisme, forestier, de l’hygiène, minier, code des collectivités locales, etc.),
-Doter de moyens conséquents les services chargés de l’application des lois (Eaux et Forêts, Gendarmerie de l’Environnement),
- Adopter la loi sur le littoral et la mettre en application
En définitive, le littoral de Guédiawaye est pris entre deux logiques :
- Satisfaire à des besoins d’urbanisation (logements, équipements),
- Préserver l’Environnement naturel.

Toutefois, il faut admettre que la ville de Guédiawaye a atteint ses capacités d’urbanisation par conséquent la seule possibilité qui reste est la densification du bâti ou plus simplement la construction en hauteur.

Nonobstant cet état de fait, une certaine opinion pense ou croit que la bande littorale renferme les seules réserves foncières capables aujourd’hui de résorber le gap en équipements de la Ville de Guédiawaye. Déjà, des cimetières ont été aménagés et qui risquent de constituer le prétexte pour accorder encore d’autres autorisations de lotir ou de construire fatales à la bande de filaos très mal en point et moribonde même, à la limite.
Sauvons encore ce qui reste du littoral pour notre bien-être, notre équilibre, mais aussi pour satisfaire aux exigences du développement durable qui, je le rappelle : « veulent une utilisation optimale des ressources naturelles sans pour autant compromettre l’existence des générations futures » !
Halte aux agressions du littoral de Guédiawaye ! Oui à un aménagement intégré et soucieux de l’équilibre environnemental !

Mamadou DIENG
VISION GUEDIAWAYE
Email : mdieng14@yahoo.fr