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« The Interview » : la capitulation de Sony et d’Hollywood

Rédigé par leral.net le Samedi 20 Décembre 2014 à 23:00 | | 0 commentaire(s)|

« The Interview » : la capitulation de Sony et d’Hollywood
La firme Sony Pictures Entertainment vient de créer un précédent dangereux. Cédant à l’agression de pirates du cyberespace, téléguidés par la Corée du Nord, le studio a annoncé, mercredi 17 décembre, qu’il renonçait à sortir un film, The Interview, en salles ou sous tout autre support. Cette capitulation marque une date noire pour la liberté d’expression dans un monde qui vit à l’heure du numérique.
Les pirates informatiques remportent une victoire sans pareille dans l’histoire de la guerre cybernétique. Ils font reculer Sony, qui comptait amortir un investissement de 80 millions de dollars dans ce film en en programmant la sortie pour les fêtes de Noël. Le studio « a fait une erreur » en annulant la sortie du film, a regretté, vendredi soir, Barack Obama, juste après que le FBI eut pointé la main du régime de Pyongyang dans les actes de piratage dont Sony a été victime.

Maraudant en toute liberté dans les ordinateurs de Sony, les pirates se sont emparés des mails de la direction, parfois d’une vulgarité consommée, de courriels éminemment privés, de scripts de films et autres documents censés être plus ou moins confidentiels. Ils ont rendu l’ensemble public et promis d’en mettre davantage encore en ligne s’ils n’obtenaient pas gain de cause : le retrait du film.
Déjà dure à encaisser pour la réputation de la direction et, plus encore, pour les tiers ayant pensé pouvoir correspondre avec elle par courrier électronique en toute sécurité, cette agression est allée plus loin. Les pirates – ils se font appeler « The Guardians of Peace », « Les Gardiens de la paix » – ont menacé de perpétrer des attentats dans les salles qui présenteraient le film. Les employés du studio ont eu la surprise, en allumant cette semaine leurs ordinateurs, d’y trouver le message suivant : « Le monde sera plein d’effroi si The Interview est distribué. Souvenez-vous du 11-Septembre… »
Hollywood avait déjà cédé. Avant même la décision de Sony, les plus grands réseaux de distribution avaient renoncé à accueillir The Interview. Le film relate le projet de deux journalistes qui, désireux de recueillir un entretien avec Kim Jong-un, sont recrutés par la CIA pour assassiner le chef du régime nord-coréen.
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Si la thèse américaine est vraie – Pyongyang nie toute implication –, elle veut dire qu’un Etat peut faire chanter un journal, une maison d’édition, des producteurs de théâtre ou de cinéma pour obtenir le retrait d’un article, d’une enquête, de toute œuvre qui lui déplaît. Elle veut dire que tous les coups sont permis ou presque dans cet espace d’échanges – Internet – qui est au cœur de la vie quotidienne de l’époque. Elle confirme, hélas, qu’une forme de guerre est déjà bien engagée dans le vaste espace numérique, où plus rien n’est protégé.
Il y a vingt-cinq ans, le Guide de la République islamique d’Iran, l’ayatollah Ruhollah Khomeyni, prenait un « décret » religieux enjoignant aux musulmans du monde entier d’assassiner le grand écrivain britannique Salman Rushdie. Motif ? L’un de ses romans, Les Versets sataniques, aurait été insultant pour l’islam. L’affaire de The Interview représente le même type de menace. Comme le suggère notre confrère britannique The Financial Times, Sony doit répliquer en usant à son tour du Web : rendre le film The Interview accessible à tous ceux qui veulent le voir… en le mettant en ligne.

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