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Traversée de la Gambie : Jeu et enjeu de pouvoir pour Yaya Jammeh

Rédigé par leral.net le Dimanche 10 Avril 2016 à 23:24 | | 0 commentaire(s)|

Traversée de la Gambie : Jeu et enjeu de pouvoir pour Yaya Jammeh
En paraphrasant Daniel Penac, dirait-on, pour faire l’histoire, il faut refaire la géographie. C’est la géographie qui nous condamne à vivre tel climat, tel relief ou … à avoir tel voisinage. Les grands hommes qui entrent dans l’histoire sont ceux qui parviennent à refaire leur géographie : par exemple en déviant des cours d’eau pour créer des fleuves ou des lacs artificiels pour vaincre la sècheresse et la faim, en faisant disparaître des montagnes pour l’habitat ou l’agriculture de leur peuple ou en agrandissant les frontières de leur pays, etc. Sous ce rapport, ceux qui entrent dans l’histoire – disons les grands hommes alors ! - sont ceux-là qui parviennent à transformer un environnement naguère hostile en un milieu familier pour le plein épanouissement de leur peuple. Et s’il est vrai qu’on subit sa géographie, on peut tout de même refaire son histoire. En ce moment, ce que la géographie a de plus hostile pour les sénégalais, c’est le voisinage gambien qui tourmente les sénégalais. Avec ce blocus, le président Macky Sall a l’occasion prodigieuse d’entrer dans l’histoire en réglant définitivement la fastidieuse question de notre voisinage avec cet Etat.
Une aubaine ; depuis le 18 février 2016, la frontière entre le Sénégal et la Gambie est fermée. Du côté sénégalais, le syndicat des transporteurs qui a pris l’initiative, proteste contre le renchérissement unilatéral du côté gambien des taxes en ce qui concerne le passage des gros porteurs sénégalais. En réaction, tous les véhicules qui doivent se rendre en Casamance ou aux encablures, doivent passer inéluctablement par le chemin que les chauffeurs nomment affectueusement « corniche ». En plus de cette décision, une sorte de blocus est initiée autour de la Gambie empêchant tout mouvement de véhicules d’un sens ou d’un autre. Telle une réponse du berger à la bergère, cette claustration de la Gambie a porté ses fruits : le pays de Diamé est asphyxié et, du coup, les pénuries commencent à faire légion. Quasiment étouffé, le président gambien a fini par saisir la CEDEAO pour se plaindre contre ce qu’il appelle une violation flagrante du principe sacrosaint de la libre circulation des personnes et des biens. Avec une mémoire aussi sélective que la sienne, et comme par enchantement, il oublie que c’est ce même principe que son pays foule au pied tous les jours, faisant subir à ses voisins (et parents ?!) sénégalais qui traversent le pays, les traitements les plus dégradants.
Mais depuis une semaine on parle d’un retour à la normale. Le 8 avril la partie gambienne a reçu l’institution sous régionale. Le lendemain, la partie sénégalaise avait à son tour reçu les missionnaires de la Cedeao pour trouver une solution diplomatique. Ainsi soit-il ! Toutefois, nous osons compter sur la vision et la fermeté du Président Macky Sall pour résoudre à jamais ce lancinant problème et, ce faisant, entrer dans l’histoire.
En termes clairs, si les positions géographiques de la Gambie et du Sénégal font que ces 2 peuples sont condamnés à être voisins, et à partager 740 km de frontière, M. Sall peut tout de même renverser l’ordre – le désordre devrais-je dire ! - d’un voisinage hostile du fait d’un président pour qui le jeu favori est de prouver que même s’il est militaire, il maîtrise à merveille les recettes du machiavélisme. Au pouvoir depuis 1994, il a réussi (jusque-là !?) à être le seul maître du jeu diplomatique entre les 2 pays. Tel quelqu’un qui détient un pantin, il a toujours réussi à tirer les ficelles en dictant presque sa loi aux présidents Diouf et Wade qu’il tenait en laisse pas parce qu’il était le plus intelligent mais simplement du fait qu’il leur faisait toujours miroiter un hypothétique pont qui, du reste, n’est qu’un mirage.
Toutefois, face à l’intransigeance du président Macky SALL, celui qui se prend pour un magicien politique et joue avec le feu est en train de se brûler les doigts ! En tacticien retors et avec une bonne dose d’intransigeance, l’actuel locataire de l’Avenue Roume a réussi à mettre le couteau là où ça fait le plus mal pour la Gambie, véritable enclave du Sénégal : imposer un blocus à un voisin qui est comme un œuf dans une bouteille. En parfaite situation inédite d’arroseur arrosé, Yaya Diamé, tel l’étourdi Bouki-l’hyène, est pris dans son propre jeu ! Maintenant, il revient au président sénégalais de maintenir cette position de fermeté contre l’homme fort de Banjul pour qui ce qui le lie au seul voisin qu’il possède, avec qui il partage des attaches fortes comme l’histoire, la culture, voire les liens de parenté (Sénégal/Gambie nio bokk ndeye ak bay , n’importe quoi !)…, n’ont aucune importance. Tout ce qui l’obsède c’est non seulement ses intérêts (ce qui est compréhensible, un Etat n’a pas d’amis, il n’a que des intérêts) mais aussi et surtout le tourment des sénégalais, un jeu devenu enjeu de pouvoir pour lui (ce qui est incompréhensible !).
Toutes raisons qui font que son Excellence le Président de la République doit maintenir le statu quo jusqu’à la construction du pont, sans toutefois y accorder une quelconque priorité, pas même une petite attention. Car c’est là surtout où réside le piège gambien : celui de nous faire croire à chaque fois que le pont sera érigé, et chaque président voulant comptabiliser la prouesse de le réaliser. Ce faisant, chaque président qui arrive, tel Sisyphe, passe tout son temps à rouler sans cesse la pierre devant Yaya. C’est pourquoi nous les Casamançais et autres Sénégalais qui empruntions la Transgambienne soutenons cette posture adoptée par le Président Macky Sall avec une ferveur patriotique inébranlable. Et quelle que soit du reste la distance, nous demeurons déterminés à affronter 700km au lieu des 400 qu’offre la route gambienne. Personnellement, avant le blocus, je passais par la Gambie pour rallier Dakar ou retourner au moins 2 fois par mois avec les véhicules de transport en commun. Mais le commerce que j’entretiens avec les usagers que je rencontre, m’a permis de réaliser que ce sentiment que j’ai, les Sénégalais unanimement le partagent et sont fiers de passer par «la corniche» quel qu’en soit le prix ! Par conséquent, nous avons choisi la voie du patriotisme pour protester contre les tracasseries et autres humiliations de cet acabit.
Si les autorités estiment qu’elles vont nous soulager en levant le blocus, elles font erreur du moment que le monstre va encore sévir, et sans pitié, aucune ! Car, les règles de préséance, de diplomatie…, bref de bon voisinage n’ont aucun sens pour ce chef d’Etat. Il ne s’agit pas ici de poser des conditions ou d’avoir des garanties : elles n’ont aucune valeur pour le maître de Banjul ! Avant tout rétablissement, il faudrait aller vers la construction du pont, seul gage d’un retour à la normale. Si tel n’est pas le cas, Yaya Jammeh va encore tourner en bourrique l’Etat sénégalais et narguer les usagers qui espèrent traverser le fleuve Gambie via un pont reliant Yelli Tenda et Bamba Tenda, distants seulement de 942m soit moins d'1km. A chaque fois qu’il prend engagement, tel un magicien, il arrive toujours à sortir un lapin de sa poche et à le poser aux autorités sénégalaises. Jugez-en vous-mêmes. Après le coup d’Etat (simulacre ?) manqué du 30 décembre 2015, le successeur de Daouda K. Diawara a saisi cet alibi pour annoncer qu’il n’est plus question de construire un quelconque pont. Pour lui, cet ouvrage mettrait en danger la sécurité nationale de son pays (sécurité économique oui !). Sans honte aucune, il ajoute que s’il devait exister une menace contre son pouvoir, celle-ci ne pourrait provenir que de l’extérieur. Suivez mon regard ! Il cherche toujours à faire croire que l’érection d’un pont représente une menace certaine. Pour preuves, il a donné l’exemple du coup d’Etat (ou encore un coup d’éclat de Diamé himself !) de 1997 en démontrant que s’il y avait cet édifice surplombant le fleuve, les auteurs de ce putsch se seraient volatilisés. Pourtant, même lorsqu’il avait donné le blanc-seing pour l’érection de l’ouvrage sur Balingor, les prémisses d’un manque de sincérité étaient perceptibles : une semaine seulement après la ratification du projet de pont, prétextant (encore un prétexte de plus !) un vol au consulat de Gambie à Paris, il a fait arrêter celui qui avait signé la convention de partenariat en l’occurrence le ministre des Transports et des Infrastructures Ousmane Badji. Comme pour donner un signal fort.
Ce que les différentes autorités depuis Diouf ne semblent pas avoir compris, c’est que tant Jameh est là il n y aura point de pont. Ou du moins c’est son vœu secret. C’est une conviction fortifiée par les agissements de l’homme fort de Banjul. C’est la même conviction que j’ai.
Venu assister à la pose de la 1ere pierre du pont sur la "Transgambienne" coprésidée par Isatou Njie et Mouhamed Boun Abdalah Dionne le vendredi 20 février 2015, je discutais avec un membre de la cellule de communication de la primature lui exprimant tout mon pessimisme quant à la réalisation de cet ouvrage. Mon interlocuteur, très enthousiaste, jura par tous les sains et me garantit mordicus que cette fois-ci c’est la bonne. Mon ex-collègue journaliste de la rédaction de la RMD, convaincu de l’érection de cet ouvrage le plus précieux aux yeux des Casamançais, pour me persuader, convoqua en aparté, telle une panacée, des solutions d’ordre à la fois géostratégique et géopolitique parmi lesquelles je préfère en taire certaines et seulement rappeler d’autres : les bateaux Aguène et Diambogne jetés à l’eau avec un tarif abordable de 5000f et l’axe Dakar-Tamba-Ziguinchor réalisé à hauteur de 95 pour cent. Pour lui, ces mesures feront inexorablement fléchir le maître de Banjul qui se verrait obligé de revoir l’offre de voyage pour ne pas perdre les usagers qui, soit emprunteraient la corniche, soit prendraient place à bord de ces navires. Je n’avais pas manqué de lui signifier que ces moyens de pression étaient certes sérieux mais pas assez considérables pour peser lourd sur la balance. Mon argumentaire était bâti sur le fait que le plus déterminant était à chercher ailleurs : la réalisation d’une VRAIE voie de contournement. Et cette voie dite de contournement ne saurait épouser l’itinéraire de ce que les chauffeurs appellent «corniche», c’est-à-dire Dakar-Tamba-Kolda, mais une voie avec un trajet raccourci qui relie Kaffrine à Vélingara, faisant la jonction de ces deux villes dont la distance à vol d’oiseau est de 118 km. La suite on la connaît ; pas de pont ! L’histoire m’a donné raison et j’aurais aimé avoir tort en voyant le pont enjamber majestueusement le fleuve parce que les usagers souffrent dans leur chair en empruntant la Transgambienne. C’est pourquoi le Président de la République entrerait dans l’histoire s’il réussit à refaire la géographie. Refaire la géographie, c’est assurer la continuité du territoire qui peut se réaliser en prenant en compte les voies terrestres, maritimes et aériennes. Parmi les présidents sénégalais, c’est lui qui a eu la chance (?!) de séjourner, dans le cadre des recherches de Petrosen, un certain temps en Casamance où nous l’avions connu et par conséquent ayant vécu physiquement ces tracasseries sur la Trangambienne. En ce sens donc, il a la haute portée des principaux enjeux et devrait apporter les promptes solutions qu’attendent les populations du sud du pays. C’est pourquoi, face au jeu de malin et malin et demi de Jammeh, le Président Macky Sall doit lui opposer une intelligence économique. En ce sens donc, devant ce problème, il faut apporter des solutions structurelles et non conjoncturelles. Les solutions que je propose très humblement (et qui pourraient être opposées à d’autres peut-être plus pertinentes) peuvent être déclinées en 7 grandes réalisations :
1-réaliser les véritables voies de contournement : si passer par Tamba fait affronter 300km de plus, car la Gambie dans sa longueur s’étend sur exactement 320km, cette distance peut être réduite en faisant option par rapport à 3 axes reliant soit :
-Kaffrine à Koungheul( 118,5 km à vol d’oiseau)
-Saré Alkaly à Koungheul qui fait gagner 100km
-Pont de Gouloumbou à Nganda qui permettrait le contour des 27 km bordant le territoire gambien avant de déboucher sur Médina Wandifa, commune distante de Sédhiou de 43km et de Ziguinchor de 100km. En faisant donc cette option, les 311km qui séparent Ziguinchor de Tambacounda peuvent se réduire à 127 km seulement, ce qui permet de gagner ainsi 184 km !
Ce qui est remarquable, c’est que quelle que soit l’option c’est le Sénégal qui y gagne économiquement avec le développement des localités susnommées qui seront de facto des escales avec le développement de petits commerces. Les usagers qui se sentiront dans leur propre pays verront également leurs calvaires amoindris.
2-réaliser ce que j’appellerais « la ceinture gambienne ». Ce chantier consisterait à faire une route tout le long de notre frontière avec ce pays voisin. Le Sénégal partage avec la Gambie 740km de long et 20 à 50km de large de part et d’autre de la rive tandis que le littoral gambien qui s’ouvre sur l’Océan Atlantique couvre 80 km. Il sera alors question de faire une route qui fera le tour de la Gambie. Une sorte de boucle qui part de l’Océan et revient sur l’Océan et qui sera donc parallèle à sa frontière avec laquelle elle sera distante de 500m à 1km selon l’importance des localités à desservir. Ce projet est pertinent au moins pour 3 raisons principales.
D’abord de permettre à toutes les populations qui vivent le long de la frontière de pouvoir à tout moment et en tout temps rallier un point du Sénégal sans subir les humeurs des Gambiens. Ensuite, de mieux surveiller la frontière contre les rebelles et autres contrebandiers comme ceux qui exploitent frauduleusement le bois et l’exportent en Gambie. Enfin donc, cette route permettrait de mieux sécuriser les populations avec une voie d’intervention accessible, déblayée.
3-Il faut aller vers le chemin de fer avec la réalisation de rails à grand écartement. Ce dispositif de transport reliant Dakar à Cap Skirring pourrait non seulement se révéler comme un moyen sûr et efficace pour le transport mais aussi et surtout se positionner comme un outil efficace pour le transport de marchandises surtout quand on sait qu’il y a chaque année des milliers de tonnes de fruits qui pourrissent sur place faute de pouvoir être convoyés vers le centre et le nord du pays. On pourrait objecter à ce projet l’existence d’un bateau de frêt. Sauf que ces cargaisons restent au port alors que le train, lui, traverse beaucoup de zones de production et les centres urbains. Le chemin de fer couplé à un port moderne pourrait faire de Ziguinchor un pôle économique. La capitale du sud pourrait offrir un raccourci pour le convoiement des produits maliens. Et en ce sens, Ziguinchor pourrait mieux concurrencer le port d’Abidjan. Sa situation géographique lui permet de mieux faire une connexion entre ce qu’on appelle les 3 B : Banjul, Bissau, Bamako, voire Konakry
4-Mettre en ligne des avions à vols interrégionaux : dessertes Dakar-Ziguinchor (30mn), Ziguinchor–Sédhiou (8mn) Sédhiou-Kolda (6mn). Ces lignes n’auront de sens que si elles sont subventionnées dans la mesure où la majorité de la population n’a pas les moyens de se conformer à la vérité des prix de 55.000 à 65.000f comme disposent les compagnies.
5-mettre des bus climatisés pour desservir les principales villes de la partie méridionale du pays. Pour cela, il faut créer une compagnie de transport ou désigner Dakar Dem Dik pour sa matérialisation.
6-Subventionner le carburant pour les véhicules à caractère commercial comme les transports communs et les gros porteurs.
7-Achever dans les plus brefs délais la route entre Vélingara et Koukandé longue seulement de 28km
Si ces réalisations sont faites à court, moyen ou long terme selon les priorités, nous n’allons plus subir le jeu de Banjul qui sera obligé de réaliser le pont ou perdre les clients sénégalais qui auront toute une pléthore de choix pour rallier le sud ou le reste du pays. Ces mesures, à coup sûr, feront plier Jameh (ou tout autre président gambien) et sécuriser nos compatriotes contre les humeurs de tout genre même si un pont existait. Car, avec l’homme fort de Banjul, on ne sait jamais à quel chemin se vouer ! On le sait : il régente son pays selon ses émotions et peut, du jour au lendemain, fermer l’accès du pont, de ses frontières, ou même… décréter je ne sais quelle journée de nettoiement comme c’est le cas souvent. Nous ne l’accusons pas sans fondement et les preuves foisonnent. Le 4 mai dernier, toute la circulation de part et d’autre de la frontière était bloquée pendant 5h d’horloge avec comme raison évoquée... Yaya est en tournée. Quand le maitre de la Gambie bouge… rien ne bouge ! Sans appel. Une autre fois en visite à Soma où passent les Sénégalais qui doivent traverser le bac, il avait tout bonnement fait fermer la frontière et nous dûmes passer la nuit en proie aux moustiques… Et si tel est le cas, vous subissez un commerce nouveau initié par les Gambiens qui, l’occasion faisant le larron, louent matelas, lits, moustiquaires… Une autre organisation mercantiliste pour extorquer quelques malheureux Cfa aux Sénégalais. On se souvient encore de ce 19 avril 2014 où ses humeurs lui avaient dicté de faire payer le titre de transport au bac en Cfa.
Pour ces motifs, il relève de la souveraineté du Sénégal d’assurer la continuité du territoire et au président de la République de réaliser une voie la plus raccourcie possible pour soulager les usagers qui souffrent dans leur chair et dans leur esprit : voyager via la Gambie c'est véritablement la croix et la bannière et une réelle épreuve de nerfs. Quelle que soit la distance, les Casamançais préfèrent rallier le sud au reste du pays en restant dans leur pays sans essuyer les humeurs d’un chef qui laisse croire qu’il se plaît à faire souffrir ses seuls voisins : les Sénégalais.
Sous ce rapport, Macky Sall entrerait dans l’histoire s’il réglait à jamais ce problème que nous impose notre géographie, non de manière conjoncturelle, comme c’est le cas souvent, mais de façon structurelle.
Makama Ibrahima Diakhaté.
Secrétaire Général du Conseil Départemental de Sédhiou.
diakhatemakama@yahoo.com