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Un peu plus de rigueur messieurs, la médiation n’est ni la négociation, ni la conciliation.

Dans le cadre de la crise politico-militaire au Burkina Faso, la CEDEAO a mené une médiation avec un courage étonnant et une promptitude sans précédente. Cependant, à la lecture et à l’écoute de certaines sorties médiatiques, il est curieusement étonnant de constater que des soi-disant intellectuels ou experts des relations internationales prennent la médiation pour de la négociation ou de la conciliation. Dès lors, mon fertile sens de jeune apprenti m’oblige à apporter ma modeste contribution.


Rédigé par leral.net le Mercredi 30 Septembre 2015 à 08:53 | | 0 commentaire(s)|

De prime abord, il convient de préciser que la médiation ne saurait être assimilé aux autres modes alternatifs traditionnels de règlement des conflits, que sont la négociation, l’arbitrage, la conciliation. La distinction n’est pas aisée, même les organisations internationales peinent à l’établir. Cependant, seule celle-ci permettra de dégager les spécificités de la médiation.

En effet, la médiation est un processus de communication éthique qui a quatre fonctions : créer du lien et/ou recréer du lien, prévenir les conflits et/ou régler les conflits. En l’espèce, la médiation menée par la CEDEAO au Burkina Faso avait pour but de recréer du lien et de prévenir le conflit qui se profilait à l'horizon.

Contrairement au négociateur, le médiateur n'a pas de pouvoir. C'est cette absence de pouvoir qui fait la puissance de la médiation. Du fait qu’il n’a pas de pouvoir, le médiateur n’a pas d’obligation de résultat mais de moyen. Le médiateur c'est quelqu'un qui essaie de grandir tout le monde pour leur permettre de trouver une solution qui est la leur. Son rôle est de muscler le pouvoir des médiés.

En outre, il convient de préciser que le médiateur ne s’impose pas, il n’impose pas de solutions. Il met simplement une logique de coopération entre les médiés, logique dont il tente de garantir le succès.

Au regard de ces considérations, dire que le président en exercice de la CEDEAO, le Président Macky SALL a manqué de fermeté, relève de l’ignorance totale de ce qu’est la médiation. Je le rappelle avec force, le médiateur essaie de grandir les différentes parties, sans qu’il n’y ait de rupture. Car la rupture entraîne l’échec de la médiation.

Un médiateur qui tape du poing sur la table, est entrain de scier la branche sur laquelle la médiation est assise. Ici, la fermeté est dans la stratégie.

Dire que la médiation menée par le Président en exercice de la CEDEAO est le degré zéro du savoir-faire, c’est méconnaître la complexité de la médiation. Le vrai travail de médiation n’est pas connu du grand public, ce n’est pas ce nous montrent les médias.

En somme, Ni la démagogie, ni les considérations partisanes encore moins la jalousie et la calomnie, bref rien ne doit nous faire occulter l’essence même de la médiation ainsi que sa complexité. La retenue doit être mise d’autant plus que le vrai travail n’est pas connu du grand public et bien souvent loin de ce que montrent les médias.

La CEDEAO a fait preuve d’audace diplomatique au Burkina Faso, c’est incontestable.

« La vie n’est qu’un théâtre et chacun y joue son rôle », disait William Shakespeare.

Si certains ont choisi de jouer pleinement leur rôle d’intellectuel, d’autres au contraire, ont choisi de jouer le rôle d’éternel opposant, en dépit de toutes autres considérations. Quel dommage !

C’est du moins ce que l’on a constaté avec la médiation de la CEDEAO au Burkina Faso. Au lieu d’encourager cette démarche salutaire, certains s'engouffrer dans une critique cinglante, sans le moindre recul aux fins de procéder à une analyse approfondie.

Critiquer la médiation de la CEDEAO au Burkina Faso, c’est totalement méconnaître que cette médiation a évité une guerre civile qui se profilait à l'horizon.

En effet, n’eût était l’intervention de la CEDEAO, on compterait plutôt des morts et non des bulletins de vote comme le souligne à juste titre, le Président Macky SALL.

La CEDEAO a fait montre d'une audace diplomatique en prenant le risque d’arriver promptement dans un pays qui était à deux doigts de s’embraser.

Contrairement à ce que disent certains analystes, les médiateurs de la CDEAO sont intervenus à la demande insistante des différentes parties prenantes de la crise. De plus, rappelons à juste titre que cette démarche de la CEDEAO n’est que la suite logique de la première médiation conduite par la diplomatie sénégalaise, qui a permis de mettre en place un gouvernement de transition au Burkina Faso.

Pour mémoire, le jour-même du départ du Président Blaise Compaoré et de la prise du pouvoir par le lieutenant-colonel Isaac ZIDA, la CEDEAO avait demandé la remise immédiate du pouvoir par les militaires à des autorités de transition civiles, sous peine de sanctions. C'est ainsi qu'une mission de la CEDEAO s’est déployée à Ouagadougou.

Sans être dans les secrets des dieux, le Président Macky SALL avait déjà commencé à négocier la libération du président de transition, Michel KAFANDO et du premier ministre Isaac ZIDA, avant même d’arriver au Burkina Faso. Une fois sur place, le président a envoyé une délégation pour s’assurer de leur intégrité physique et morale.

A ceux qui parlent d’accord de la CEDEAO, je veux leur rappeler qu’il ne s’agit que d’un projet de compromis, d’une base de travail, et non d’un accord signé. L’essentiel pour la CEDEAO était de poser les bases d’un compromis.

A ceux qui disent que le projet d'accord n'a pas pris en compte la volonté du peuple, je leur oppose l’argument suivant : jusqu’à ce jour, rien n’a changé par rapport au projet de compromis. En effet, les différents points de sortie de crise étaient la libération immédiate de Michel KAFFANDO et de son premier Ministre ZIDA, la restitution du pouvoir aux autorités de transition et le cantonnement des troupes afin d’éviter l’affrontement entre le désormais ex RSP et l’armée loyaliste. Tous ces points sont à ce jour effectif.

Aux questions des élections et de l’amnistie des putschistes, la CEDEAO considère qu’il appartient au peuple burkinabé de les trancher. En quoi la médiation de la CEDEAO serait-elle un échec ?

Pour la première fois, des problèmes africains sont réglés par des africains avec une promptitude sans précédente. Tous les africains devraient encourager ces efforts et travailler pour que cette exception devienne le principe, pour une Afrique stable. Car sans stabilité, il ne peut y avoir de développement.

Aux détracteurs du Sénégal, ce beau pays peut se targuer d’être une grande diplomatie. Il a incontestablement un leadership régional dans la résolution des crises en Afrique comme en témoigne ses interventions en Guinée Bissau au Mali, en Guinée Conakry en Côte d’Ivoire et récemment au Burkina Faso.


Abdou FLEUR
Diplômé en Droit international public et en Diplomatie de crise
Secrétaire administratif de la COJER/France