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Une belle occasion pour changer - Par Madiambal Diagne

On avait beau dire que le cheval enfourché par l’opposition partait perdant. Ils avaient voulu transformer le référendum d’hier en une élection présidentielle anticipée, occultant ainsi les bases du projet de réformes institutionnelles. Le combat des leaders de l’opposition n’était point de savoir si les réformes pourraient renforcer ou non le système démocratique comme le prétendait le camp du régime du Président Macky Sall. Jamais durant la campagne, les figures de proue de l’opposition n’ont remis en cause les choix institutionnels proposés par Macky Sall. Ces responsables politiques ont plutôt appelé à sanctionner le bilan du chef de l’Etat pour ne pas dire sa personne même. Ainsi, peut-on présumer que si paradoxalement Macky Sall avait appelé à voter contre son propre projet de réformes, l’opposition aurait appelé à voter «oui».


Rédigé par leral.net le Mardi 22 Mars 2016 à 08:37 | | 0 commentaire(s)|

Une belle occasion pour changer - Par Madiambal Diagne
Les électeurs ne les ont donc pas suivis dans cette logique nihiliste. Les résultats sortis des urnes ne laissent pas de doute, le projet de réformes institutionnelles a été adopté par le Peuple souverain. On notera que le taux de participation aura été l’un des plus faibles de l’histoire des référendums au Sénégal. L’enjeu politique n’était peut-être pas très mobilisateur, mais il faut bien relever que le détournement de l’objet et du sens du vote du référendum n’a pas manqué de jeter le flou dans la lisibilité dans le choix des électeurs. Ils sont sans doute nombreux à s’être abstenus, faute de pouvoir s’expliquer de façon claire le sens de leur vote. Le constat de la désaffection des urnes par les électeurs pourrait faire regretter à l’opposition la stratégie adoptée lors du référendum. En effet, si l’opposition, comme l’avaient préconisé d’ailleurs certaines franges du Pds, s’était abstenue de participer au référendum, elle aurait pu mettre à son actif le fort taux d’abstention, évalué à près de 60%.

La victoire du «Oui» peut être lue comme une certaine forme de conforter la gouvernance du Président Macky Sall. L’opposition avait cherché à faire arbitrer par les électeurs la poursuite du mandat du chef de l’Etat. Il est certain que si les «nonistes» avaient remporté la victoire, une situation «d’ingouvernabilité» du pays aurait été imposée au Président Sall. Sa légitimité politique aurait été fortement remise en cause. Dans une grande démocratie, un référendum qui cristallise les passions comme celui du 20 mars 2016, et gagné à de telles proportions, devrait conforter le pouvoir en place. En outre, il sera en effet difficile dès lors de choisir de garder la Constitution de 2001, qui fixe le mandat du chef de l’Etat à sept ans et de refuser à Macky Sall de poursuivre son mandat jusqu’en 2019. Aussi, on se demande si le Pds sera à l’aise d’avoir à bénéficier du statut du chef de l’opposition que lui confère la nouvelle réforme constitutionnelle sur laquelle il a ainsi craché.

Il reste que les résultats du référendum devront induire d’importants changements dans la gouvernance du Président Sall. Des leçons devront être fatalement tirées. Les résultats indiquent une bonne alerte. Le vote des électeurs de la conglomération urbaine Touba-Mbacké indique une certaine bérézina pour le camp du «Oui». Le camp du «Non» a gagné avec plus de 75% des suffrages. Ce vote traduit sans doute un rejet ou la sanction d’une certaine arrogance affichée par le député Moustapha Cissé Lô et sa famille. Ce responsable de l’Alliance pour la République (Apr) s’illustre négativement par des bisbilles contre certaines familles religieuses et cela n’a sans doute pas manqué d’avoir un impact sur le choix des électeurs. Le meilleur geste d’amitié que le député Cissé Lô pourrait poser à l’endroit de Macky Sall serait certainement de démissionner de ses responsabilités politiques locales. Ce vote peut aussi être lu comme un manque d’apanage de l’élite maraboutique de Touba sur le choix des électeurs. Les consignes de vote de ces religieux ont manifestement suscité une certaine rébellion des disciples. Il s’y ajoute que le Président Sall a pu payer sa politique d’évitement ou même de bannissement de la distribution de prébendes à des chefs religieux pour être dans leurs bonnes grâces.

Modou Diagne Fada a pu confirmer son leadership local à Darou Mousty. Oumar Sarr et Aïda Mbodji du Pds gardent d’une main ferme leurs fiefs.

La défaite du camp des «Ouistes», dans la zone de Sédhiou, devra aussi interpeller le gouvernement. Est-ce dû à l’absence de responsables politiques d’envergure favorables au camp de Macky Sall ? Ou bien, et on le présume fortement, le sentiment des populations d’être laissées pour compte a-t-il pesé sur la balance ?

Sur un autre registre, la victoire du «Oui» traduit quelque part l’importance stratégique de l’Alliance entre Macky Sall et Ousmane Tanor Dieng. Les Socialistes restés dans le camp de Ousmane Tanor Dieng ont largement contribué dans leurs fiefs à la victoire. Le maire socialiste de Dakar, Khalifa Sall, et Madame le maire de Podor, Aïssata Tall Sall, viennent de payer leur émancipation de la tutelle de Ousmane Tanor Dieng.

Le scrutin peut constituer un excellent sondage pour le Président Macky Sall. Les résultats révèlent une perte de terrain pour des leaders comme Khalifa Sall, qui a perdu dans nombre de ses bastions politiques, notamment dans les circonscriptions de ses lieutenants Moussa Sy, Barthélemy Dias, Bamba Fall ou Idrissa Diallo. C’est aussi le cas de Elhadji Malick Gakou qui a perdu son test de popularité à Guédiawaye contre le maire Aliou Sall. Idrissa Seck a pu gagner d’une courte tête dans la commune de Thiès, mais a perdu le département et la région qu’il avait l’habitude de gagner. Le leader du parti Rewmi perd inexorablement du terrain d’une élection à une autre. La hargne viscérale avec laquelle il a battu campagne lors du référendum a fini par accréditer l’idée que Idrissa Seck ne semblait plus s’écouter parler. Abdoulaye Baldé de l’Ucs n’a pas été, lui non plus, plus heureux. Il a perdu du terrain dans la ville, le département et la région de Ziguinchor.

Le Président Macky Sall tient de l’or en barre entre les mains. Va-t-il tirer les bons enseignements du scrutin de dimanche dernier pour impulser les changements ou risque-t-il de le transformer en plomb ? De toutes les façons, il a l’occasion de balayer toutes les scories de son régime et tous les responsables politiques qui constituent de véritables repoussoirs. Le Président Sall est attendu pour donner une orientation économique et faire des réalisations pour le reste de son septennat.

Sur le plan politique, il urge pour le Président Sall de songer à mettre en selle un personnel politique nouveau. Le renouvellement de la classe politique constitue une nécessité pour conforter les résultats. L’exemple du ministre de l’Economie, des finances et du plan, Amadou Ba, entré récemment en politique et qui s’est investi avec bonheur aux Parcelles Assainies à Dakar, peut constituer un bon cas d’école. Il devrait notamment faire des émules chez de nombreux cadres et technocrates.


La rédaction de leral...