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Visite de Monsieur Stéphane Le Foll au Sénégal : Bouquet de fleurs et d’Idées en guise de Teranga


Rédigé par leral.net le Lundi 1 Août 2016 à 11:28 | | 0 commentaire(s)|

Visite de Monsieur Stéphane Le Foll au Sénégal : Bouquet de fleurs et d’Idées en guise de Teranga
Notre pays va avoir, du 28 au 31 juillet, un hôte de marque, en la personne de M. Stéphane Le Foll, Ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, porte-parole du Gouvernement français.
Cette visite, s’inscrivant dans les traditions séculaires de fraternité et de coopération entre la France et le Sénégal, aura comme support majeur, un plaidoyer fort pour le 4 par 1000, initiative qui tente de concilier sécurité alimentaire et lutte contre le dérèglement climatique. D’une manière impromptue, c’est le prétexte trouvé, pour tenir lieu de bouquet de fleurs parsemé d’idées, que la « TERANGA » sénégalaise lui offre.

Cela dit, depuis fort longtemps, le monde, dans sa quête permanente de mieux-être, s’est toujours illustré dans un rythme de progrès imputable au génie créateur de l’homme. Toutefois, subséquemment, il s’interroge sur son existence car, à l’évidence, entre la science et l’épanouissement intégral de l’homme, il existe une corrélation, à la fois, positive et négative.
Alors, au regard de cet aphorisme et pour éviter toute autodestruction de l’homme, ne faudrait-il pas enrichir notre capital d’interrogation pour le triomphe d’une corrélation positive, durable et continue entre science et épanouissement intégral de l’homme ? C’est, peut-être, le lieu de citer votre compatriote François Rabelais qui disait « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».

Effectivement, en agriculture, durabilité et exploitation optimale des capacités productives de nos écosystèmes constituent une équation de tout premier plan. Nous devons, certainement, nous nourrir autrement en cultivant autrement. Pour cela, d’aucuns disent que nous devons « produire plus et mieux », décodage conceptuel visible à travers la vision stratégique de son Excellence Monsieur Macky Sall, Président de la République. Sous ce prisme, « produire plus et mieux » signifie nourrir le monde sans le détruire, concilier enjeux socioéconomiques, enjeux environnementaux et enjeux de santé publique, léguer aux générations futures un héritage environnemental de qualité, régler les problèmes du présent et rationnaliser la réflexion sur le devenir, accepter qu’une agriculture ne peut se développer que grâce à une diversité des approches et des systèmes de production.
Partant, cette conception nous a conduits à retenir des convictions fortes, au Sénégal :

- La première est que la recherche doit revisiter ses paradigmes pour générer des connaissances et des technologies associant environnement, santé publique et socio-économie car il s’agit de créer les conditions d’une compétitivité agricole, concept qui, de nos jours, n’est plus purement économique mais bioéconomique. Ainsi, notre recherche agronomique, à travers l’Institut sénégalais de recherches agricoles (Isra), en relation avec ses partenaires dont les instituts français basés au Sénégal (Cirad et Ird), a divers acquis ou actions concrètes sur l’amélioration de la fertilité des sols, l’adaptation aux changements climatiques, les pratiques agro-écologiques séquestrant du carbone (gestion de la matière organique, jachères, association légumineuses-céréales etc.

- La deuxième est que l’agro écologie ne se décrète pas, elle est co-construite, cogérée et co-évaluée. D’où la nécessité et l’urgence d’une domestication du concept pour en faire l’affaire de tous.
- La troisième, c’est l’information et la formation des acteurs pour l’appropriation d’innovations technologiques intégrant productivité, qualité sanitaire, qualité phytosanitaire, qualité organoleptique et gestion durable des ressources naturelles. La gestion intégrée de la production et des déprédateurs, initiée au Sénégal, a permis aux petits producteurs d’augmenter leurs rendements de 35 à 40%, de réduire la dépendance vis-à-vis des pesticides et une meilleure économie des agro-systèmes. En effet, l’utilisation de l’information climatique par les producteurs leur permet de planifier les semis et de choisir les variétés adaptées à la pluviométrie. Le renforcement de leurs capacités, dans ce domaine, a permis, via des projets (Climate change adaptation for food security, Programme de productivité agricole en Afrique de l’Ouest), en milieu paysan, d’améliorer les rendements en mil et arachide dans la région de Thiès, et même de doubler les productions dans la région de Kaffrine.

- La quatrième conviction est la massification de l’investissement pour avoir, au Sénégal, un plateau technique d’analyse des polluants chimiques (résidus de pesticides et métaux lourds) dans les produits agricoles et les matrices de l’environnement (sols, eaux), à l’instar du laboratoire CERES/Locustox, accrédité ISO/CEI 17025 par le Cofrac.
- La cinquième conviction est la prise en charge du savoir-faire et du savoir endogène reconnaissant, ainsi, que les « petits producteurs » ont souvent de bonnes raisons de faire ce qu’ils font. Une illustration concrète d’application de cette conviction est tirée d’activités de recherches de l’Isra, toujours, sur la séquestration du carbone par la création des meilleures conditions de régénération des écosystèmes et de conservation de la biodiversité, à travers la mise en défens d’espaces sylvopastoraux inter-villageois. Ce mode de gestion s’inspire d’une initiative endogène des communautés locales du bassin arachidier sénégalais pour faire face aux effets conjugués des changements climatiques et de la dégradation des ressources. Les résultats ont permis d’évaluer les quantités de Carbone séquestrées dans différentes formations forestières de la zone et de déterminer, à travers une simulation, les valeurs marchandes du Carbone séquestré dans des environnements étudiés. Ils ont, aussi, permis d’évaluer l’effet de cette gestion (mise en défens) sur la reconstitution de la végétation ligneuse, pour la diversification des moyens d’existence des populations concernées.

- La sixième est que, au Sénégal, dans le cadre de la prise en charge de l’équation « sécurité alimentaire et nutritionnelle et changements climatiques », nos orientations reposent sur : l’utilisation de variétés adaptées aux stress biotiques (insectes, maladies et adventices) et abiotiques (sécheresse, salinité, températures) en vue de favoriser la stabilisation et l’augmentation de la productivité des végétaux et du cheptel. Ainsi, le Laboratoire national de recherches sur les productions végétales de l’Isra travaille sur l’effet d’association de Guiera senegalensis et Piliostigma reticulatum avec des cultures sur la fertilité des sols, dans le but d’appréhender les capacités de ces deux arbustes natifs du Sahel à redistribuer l’eau et les éléments nutritifs dans le sol, au profit des horizons de surface ou à orienter les réseaux trophiques, en association avec les cultures céréalières pour améliorer la fertilité et le stockage du Carbone dans les sols.

En matière d’intégration agriculture-élevage, des activités de recherche en cours portent sur un diagnostic du rôle de l’élevage dans un système mixte agriculture-élevage, en tenant compte des fortes compétitions autour de l’usage des biomasses. L’objectif est de proposer un ou des modèles permettant d’améliorer la compétitivité économique et la durabilité (maintien de la fertilité des sols, stockage du Carbone, efficience de recyclage des nutriments) de ce système d’intégration.
Il s’y ajoute la défense et la restauration des sols contre la salinisation grâce à la construction de digues anti-sel. La dégradation des sols touche près de 2/3 des terres arables du pays et ses effets néfastes se ressentent à plusieurs niveaux. Diverses activités de recherches de l’Isra, de l’Institut national de pédologie et de projets (PAPIL, P2RS, BARVAFOR) sont menées ou en cours dans les régions de Thiès, Fatick et Kaolack sur la lutte contre l’érosion éolienne et la baisse de fertilité des sols.

Il s’agit, en fait, pour nous, de stopper l’érosion hydrique, l’érosion éolienne et la salinité qui ont affecté 2,5 millions d’hectares et entrainent une perte de Pib de 1%. Il faut agir vite pour restaurer et améliorer la qualité des sols dégradés par une perte de biodiversité, la salinisation, la pollution chimique, la baisse des teneurs en matières organiques, minérales et en oligoéléments. Une régénération est lente et coûteuse.
Par ailleurs, il est souvent évoqué d’utiliser davantage la biotechnologie. Ce qui est fondamentalement juste mais il faut un encadrement :

• La biotechnologie doit être portée pour une recherche agricole africaine forte. En clair, les Africains doivent être des utilisateurs et des producteurs de connaissances et de technologies, au lieu d’être de simples consommateurs à l’attente d’une offre scientifique pas nécessairement conforme aux besoins. Il faut, pour cela, une augmentation de l’investissement dans les ressources humaines, les infrastructures et équipements de la recherche agricole car, à l’évidence, les compétences doivent être créées et non décrétées.
• La biotechnologie ne doit pas être la base d’une dépendance rendant difficiles la disponibilité et l’accessibilité de facteurs de production surtout pour les petits producteurs car nous sommes pour la durabilité des systèmes de production, la sécurisation des revenus des ruraux, la reconquête des marchés intérieurs et un meilleur positionnement sur l’échiquier international.

• La biotechnologie n’est pas incompatible avec l’agro-écologie, du fait précisément que les variétés tolérantes créées permettent d’avoir une meilleure qualité sanitaire résultant de la diminution du nombre et du volume des traitements chimiques. Elle permet ainsi une exploitation des terres marginales et de faire face aux changements climatiques, préoccupation constante de notre humanité.
• La biotechnologie est un instrument pour réduire la fracture agricole mondiale au sens de l’équité. Par fracture agricole, j’entends le différentiel de productivité agricole entre pays développés et pays en développement, imputable au degré d’appropriation des itinéraires techniques porteurs de transformations positives. A titre illustratif, au Sénégal, grâce à la biotechnologie, le rendement du riz pluvial peut être multiplié par 4, celui de la banane par 5, celui de la tomate par 2 et, avec l’insémination artificielle, on obtient 30 à 50 litres de lait pour les races améliorées contre 1 à 3 litres pour les races locales. Toujours en élevage, les problèmes de santé animale sont mieux maîtrisés grâce à une caractérisation plus fiable des maladies (peste équine, grippe aviaire, maladie de Newcastle) assortie de la production de vaccins.

En définitive, il faut considérer la biotechnologie comme un facteur de maintien et de renforcement de la biodiversité grâce à une meilleure caractérisation moléculaire des spéculations agricoles. En effet, tout progrès scientifique doit être utilisé avec lucidité et réalisme pour être transformé en progrès économique et social. Pour ce faire, les aspirations des agriculteurs et leurs contraintes doivent être au cœur de la préoccupation des scientifiques. Il s’agit d’un préalable pour générer des résultats utiles et utilisables pour changer la physionomie des agriculteurs du monde.
Donc, face à ces défis multiformes, un autre jour doit se lever sur ce continent qu’est l’Afrique, et dans ce monde frappé, hélas, du sceau de l’incertitude bien que « l’homme soit considéré comme la mesure de toute chose ». Ce jour nouveau est celui d’une agriculture plus soucieuse du présent et respectueuse du droit des générations futures à se nourrir elles aussi.
Soyez le bienvenu au pays de la Téranga, Cher collègue, Monsieur Stéphane LE FOLL.

Par Dr Papa Abdoulaye SECK

Ministre de l’Agriculture et de l’Equipement rural