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16 février 94 - 16 février 2009 : Les Moustarchidines à l’épreuve des défis !

Aujourd’hui 16 février, les Sénégalais se souviennent de cette journée qui fait date dans l’histoire politique du Sénégal à cause des événements qui s’en sont suivis. A travers cette modeste contribution, nous n’avons pas la prétention de revenir sur le procès de ces événements, mais plutôt de rafraîchir la mémoire de nos compatriotes.Pour ce faire, on va procéder à une analyse sociologique de la situation qui prévalait à l’époque. Cependant, nul ne peut parler de ces événements sans pour autant faire allusion au mouvement des Moustarchidines pour la simple raison qu’il a été cité et sévèrement réprimé dans cette affaire par le régime socialiste qui était aux commandes à l’époque. Nous ne manquerons pas dans cette étude d’apporter la lumière sur certaines erreurs commises par des auteurs dans leur lecture et interprétation de ces événements.


Rédigé par leral.net le Lundi 16 Février 2009 à 12:29 | | 0 commentaire(s)|

16 février 94 - 16 février 2009 : Les Moustarchidines à l’épreuve des défis !
La crise qui sévissait au Sénégal en 1994 est la résultante d’un fiasco politique qui n’a épargné aucun secteur de la vie nationale. Au plan politique d’abord, depuis près d’une décennie, le refus obstiné d’envisager l’alternance avait installé le Sénégal dans un cycle ininterrompu de contentieux électoraux. Au plan socio-économique, l’échec était patent. L’adoption le 16 août 1993 d’un plan d’urgence qui prétendait redresser la banqueroute, imposait aux travailleurs et citoyens des sacrifices autrement plus insupportables. Au plan éducatif, la démission notable des pouvoirs publics achève de désintégrer un système qui ne saurait remettre en état, les dernières concertations sur l’enseignement supérieur. A cela venait s’ajouter l’arrestation puis l’inculpation du leader d’un si important mouvement de jeunesse, en l’occurrence Serigne Moustapha Sy.

L’appel à un dialogue entre différents acteurs de notre devenir collectif lancé par El Hadj Abdou Aziz Sy n’a pas connu les résultats escomptés. Tout laissait croire que l’Etat s’employait à créer un embrassement généralisé sans se préoccuper outre mesure des implications sociales graves qui risquaient d’en découler. Et comme pour refuser la fatalité d’une déliquessence à laquelle il n’a nullement participé, le syndicat des travailleurs avait conduit trois grèves générales en vue de défendre ses intérêts fondamentaux.

Tous ces facteurs vont concourir tant soit peu à l’organisation d’un meeting sous l’initiative de la Coordination des forces démocratiques (Cfd), le 14 février 1994. Présidé par les ténors de l’opposition à l’époque, à savoir Me Wade et Landing Savané, le meeting connut la participation des Moustarchidines membres de la Cfd. A la fin de sa communication au meeting, le secrétaire général du Pds, comme pour satisfaire la demande de la masse, laissa entendre : ‘Vous voulez marcher, eh bien marchez’.

La marche sur les grandes avenues de la capitale dakaroise va dégénérer en une manifestation tragique ; six policiers ont perdu la vie, avec des blessés du côté des manifestants. Plus de 150 membres du Mouvement des Moustarchidines sont arrêtés de même que des membres des partis de l’opposition qui vont rejoindre leur leader en prison. Ces Moustarchidines et Moustarchidates seront incarcérés dans les prisons de Dakar et Rufisque où ils vont rester des mois avant de bénéficier d’un non-lieu. L’un d’eux d’ailleurs succomba à la torture dans les locaux de la police. Il s’agit de Lamine Samb, membre de la section de Niarry Taly à Dakar. Le même jour, le ministre de l’Intérieur, à l’époque M. Djibo Kâ, par une déclaration télévisée annonce par décret numéro 001123 du 17 février 94 l’interdiction sur tout le territoire national des activités du Mouvement des Moustarchidines.

Dans son ouvrage, Par devoir et par amitié, publié en 2001 à la page 175 aux éditions Le Rocher, Habib Thiam écrit : ’Le mercredi 16 février 94, en plein mois de Ramadan, fut une journée de tentative de création par un parti de l’opposition, le Pds, notamment s’appuyant sur le mouvement religieux islamisant des Moustarchidines wal Moustarchidates dirigé par Moustapha Sy, d’une situation insurrectionnelle et terroriste… Moustapha Sy et d’autres furent appréhendés et mis en prison. Il devait bien plus tard, après jugement, être gracié par le président Abdou Diouf’. A travers ce passage, l’auteur Habib Thiam qui déclare avoir glané toutes les informations relatives à cet événement en voulant établir un rapport de causalité entre les événements du 16 février et l’arrestation de Serigne Moustapha Sy, a commis une erreur de jugement. En réalité, Serigne Moustapha Sy a été arrêté 30 octobre 1993, suite à sa sortie contre le régime socialiste dont il disait qu’il souffrait de trois crises : ‘crise de compétence, crise de confiance et crise d’autorité’. C’est du fond de sa cellule de prison donc que Serigne Moustapha Sy a appris l’événement qui a été l’une des affaires politico-judiciaires les plus médiatisées de l’histoire politique du Sénégal.

Le Mouvement Moustarchidine après 16 février

Il serait prétentieux de dire que les évènements du 16 février n’ont pas affecté le dahira des Moustarchidines qui a connu des démissionnaires quelque part. Mais les interviews que nous ont accordées certains membres après leur séjour carcéral ont montré que la prison a tant soit peu renforcé leur conviction. ’Rek bu xotiwul ganawu borom degaral co’ (un coup de massue, s’il n’affaiblit pas son destinataire, le renforce davantage), déclara Serigne Moustapha Sy à ce propos. Néanmoins, les activités de grande envergure ont connu une léthargie à cause de l’interdiction ministérielle de certaines activités telles que les nuits de vendredi dont les Moustarchidines ne pouvaient pas s’en passer, car ’c’est une partie intégrante de notre vie quotidienne’, nous dit Mamadou Macoly, un ancien détenu.

Des mois après, c’est la décrispation. Les séries de conférences initiées par le guide spirituel des Moustarchidines, Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy, vont permettre au mouvement de reprendre du poil de la bête. Qui plus est, la levée de l’interdiction annoncée par le guide à la conférence du 5 novembre à Tivaouane en présence du ministre d’Etat des Services présidentiels, à l’époque Ousmane Tanor Dieng, va redorer le blason du mouvement. Aussitôt après, les Moustarchidnes se fixent des défis à relever sur les plans culturel, social, économique et politique.

Le volet culturel sera dominé par l’initiative de l’Université du Ramadan. Le regain de religiosité que suscite le jeune auprès des fidèles et particulièrement chez les jeunes, le symbolisme du mois béni sont, entre autres, des raisons qui vont pousser Serigne Moustapha Sy à initier un programme éducatif visant à permettre aux populations de profiter des bienfaits du mois béni et de profiter davantage des fruits de l’instruction, cette meilleure cueillette. La première édition remonte en 1995. Comme son nom l’indique, l’Université du ramadan se veut un creuset de savoir, une tribune ouverte à des sommités pour discuter des questions ayant trait à Religion et Société/Politique et Economie/Science et Communication.

Suivie au début par la population de Yoff, l’Université connut très vite une aura qui en fait une institution qui participe au rayonnement de la science et de la culture et à l’éveil d’une conscience religieuse. Sa treizième édition a été marquée par l’utilisation par le dahira des nouvelles technologies telle que l’Internet qui a permis aux populations de suivre en direct les cours magistraux introduits par Serigne Moustapha et ses hôtes quel que soit le lieu où elles se situent à travers le monde.

Sur le plan socio-économique, le dahira, conscient que la majeure partie de ses membres sont des femmes, va pousser ces dernières à transformer l’émotion en synergie pour se lancer dans des activités créatrices de revenus, en montant une mutuelle d’épargne et de crédits qui permet aux Moustarchidates, surtout du monde rural, de développer des politiques agricoles et d’exploiter les ressources halieutiques.

Au plan social, les Moustarchidines vont faire de la solidarité une priorité. Chaque année, des moutons sont distribués aux pères de famille qui n’ont pas les moyens de consentir au sacrifice de la tabaski. Des billets distribués au troisième âge pendant le pèlerinage à La Mecque. A cela s’ajoute l’assistance aux lépreux de Peyckouk, aux démunis de Mballing et autres qui reçoivent chaque année des dons de toutes nature de la part du Dmwm , sans parler des investissements humains à la veille des fêtes religieuses dans les mosquées et cimetières.

Sur le plan politique, les Moustarchidines ont marqué de leur présence l’échiquier politique sénégalais par des actions politiques de soutien à certaines formations. Mieux, ils ont créé un parti politique, le Parti pour l’unité et le rassemblement (Pur) jeté sur les fonts baptismaux en 1998 et qui joua un rôle déterminant dans le processus de l’alternance en 2000. La dernière démonstration de force de leur formation politique, c’est lors des dernières élections présidentielles quand ils ont soutenu la candidature d’Idrissa Seck qui s’est classé deuxième derrière le parti démocratique déclaré vainqueur.

De manière générale, les Moustarchidines ont été affectés par les événements du 16 février mais, à cause de la vision et du charisme de leur leader, Serigne Moustapha Sy, ils ont très vite repris du poil de la bête en se positionnant stratégiquement sur le paysage politico-religieux du pays.

Makhary MBAYE auteur d’un mémoire de Maîtrise sur le D.M.W.M à l’Ucad, Département d’Arabe, en 2002

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