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AISSATOU NATHALIE DIA, MISS SENEGAL 1992 : «Feu le juge Kéba Mbaye, c’est mon mentor»

Rédigé par leral.net le Samedi 13 Août 2011 à 13:03 | | 0 commentaire(s)|

Son joli minois a fait les beaux jours de la Sotiba Sympafric. La grande entreprise de tissu au Sénégal avait pour l’habitude d’exploiter les plus beaux faciès du pays et Nathalie Dia en faisait partie intégrante. La petite fille que le Sénégal entier découvrira en 1992 comme devant le représenter mondialement est presque surprise par son statut. Mais, dignement, elle va assurer la tâche et devoir également faire face à un chemin parsemé d’embûches. Heureusement, le caractère de Miss Sénégal prendra le dessus et sa personnalité en sortira victorieuse. Retrouvée aux abords d’une banque, elle accepte de jouer le jeu devenu favori de certains lecteurs du samedi : « … Le tutoiement… ». Entretien


AISSATOU NATHALIE DIA, MISS SENEGAL 1992 : «Feu le juge Kéba Mbaye, c’est mon mentor»
Qui es-tu, Nathalie?
Que veux-tu que je te dise. Je suis très mal placée pour parler de moi. La personne au singulier… Disons que je suis une Sénégalaise. Je suis tout ce qu’il y a de plus simple et naturel.

Et si j’insiste, pour savoir plus sur toi ?
Je te dirais que j’approche de la quarantaine, je suis mère de deux enfants, je suis employée de banque, j’ai un Master en marketing et communication, que je m’intéresse de plus en plus à la communication politique et que je suis engagée dans la défense de l’intérêt commun ; je lutte pour un retour aux valeurs et vertus cardinales qu’on peut résumer par le «jom», le «fulë» et le «fayda» (dignité, conviction et respect de soi).

Pourquoi ce désir et/ou cette volonté d’être si engagée ?
C’est venu petit à petit, sans que je ne puisse la contrôler. Et partant du fait que je fais partie de l’histoire culturelle du Sénégal, je ne pouvais rester indifférente à tout ce qui se passait autour de moi. Je pense qu’en tant que femme et mère, je me dois de m’impliquer dans les affaires publiques de mon pays.

Que veux-tu dire précisément en parlant de valeurs ?
Écoute : le Sénégal est à la croisée des chemins. Le Sénégal a 50 ans, il est mature par l’âge, mais beaucoup de choses restent à faire. Je constate une perte drastique des valeurs et vertus que j’ai citées plus haut. Et je pense qu’un changement des mentalités est nécessaire, impératif, pour amorcer un essor économique dans notre pays. Un développement ne se fait pas sur 10, 20 ans. Il se fait sur des générations.

En parlant de générations, que penses-tu de celles actuelles ?
C’est un fort potentiel qui a été laissé en rade. Cette génération-là, disons celle actuelle, a été laissée à elle-même. Elle doit faire le Sénégal de demain. Je crois que si on avait aidé cette génération à s’autogérer, à aller au bout de ses projets -, et chaque jeune pris individuellement a un projet - on ne peut pas tous les réaliser - mais si pour la plupart, on les avait aidés, je pense qu’on aurait pu éviter énormément de situations désagréables. Cette génération est une manne inestimable pour le devenir du Sénégal.

Nath, comme t’appellent tes proches, tu as le sens profond de l’engagement citoyen. Cela t’est venu comment et quand ?
C’est depuis toujours. Mais, le déclic est arrivé l’année dernière, lorsque j’ai suivi une formation en leadership pour le développement durable et l’environnement à Dakar, par le biais de Lead Afrique Francophone, qui est une organisation à but non lucratif créée à la suite de la conférence de Rio sur l’environnement. Avec la finalité de faire émerger une masse critique de dirigeants avisés, entreprenants et capables d’exercer une influence sur les politiques et les stratégies des institutions auxquelles ils appartiennent. Cet apprentissage se fait par le biais du mentorship qui fait appel à une nouvelle approche de la transmission et du partage des savoirs. Lead Afrique Francophone s’appuie sur un groupe de mentors dont les membres sont des personnalités éminentes bénéficiant d’une crédibilité au sein de la communauté internationale. Je suis donc fière d’être l’héritière de feu le juge Kéba Mbaye qui est mon mentor. J’ai la tâche d’aller au–delà de ses principes. Et comme il m’est impossible de le faire, parce que c’était un homme exceptionnel, je me dois au quotidien d’être logique et de me maintenir à un niveau on ne peut plus raisonnable.

Quel est le rapport de cette formation de Lead Afrique Francophone avec le juge Kéba Mbaye ?
C’est un exemple parmi tant d’autres, d’illustres africains qui ont marqué leur temps. Kéba Mbaye est pour moi une sorte de boussole qui me permet de retrouver mes repères dans la vie. Au quotidien, je me dois d’avoir un comportement irréprochable, de mettre en pratique mes principes, ses principes à lui, en tout lieu et en tout temps. Son principe directeur était l’éthique, mon principe directeur est l’éthique.

Kéba Mbaye ne devrait-il pas alors, finalement, être le mentor de tous les Sénégalais, dans le sens de l’éthique pour un développement conséquent et accompli du pays ?
Il est indubitablement le précurseur de ce concept et l’une des rares personnes à l’avoir mis en pratique.

Ce qui est bien dans cette entretien, Nath, c’est que tu campes le débat avec tes propos dans l’optique de la construction d’un citoyen modèle, irréprochable et cultivant l’excellence, ayant l’amour du travail bien fait et faisant du don de soi un sacerdoce…
T’as tout compris… Tu viens de comprendre, maintenant.

Ah bon ! Tu veux dire que je n’avais pas compris ?
(Rires aux éclats !!!) Non. Loin de là. Je sais que t’as compris. Mais, c’est là où justement que vous autres de la presse, vous avez votre partition à jouer. Car, il suffit de cibler dans votre portefeuille relationnelle des personnes capables de servir de modèles, d’exemples à la jeune génération, de les montrer au grand jour pour qu’ils servent de modèle, d’exemple de porte-à-faux…

Nath, si je te suis, tu fais partie de cette élite qu’on doit retrouver pour un Sénégal dont rêvait Senghor, qui ne se gênait pas pour corriger une virgule ou des guillemets insensés dans une phrase écrite en français ?
Absolument. Et des gens qui pensent comme moi, il y en a une pléthore.

Que faut-il alors pour que ces gens émergent et sortent de leurs coins pour aider le Sénégal ?
Ils ne sont pas difficiles à trouver, ils sont à la surface. Il suffit juste qu’il y ait un déclic pour qu’ils sortent de l’ombre, parce qu’il y a un déclic à tout, tu sais.

Comment analyses-tu la situation sociopolitique du pays en ce moment ?
(Elle soupire et respire un bon coup). Je pense qu’il est inutile de revenir sur la situation sociopolitique du pays. Vu que chacun y est allé de son «la», que l’on en a parlé en longitude, en latitude, en hauteur, en longueur, mais l’essentiel, présentement, c’est que même si on nage en plein gadoue, il est important que nous ayons l’esprit critique par rapport à l’avenir. Le passé, c’est fini. Ce qui importe, c’est de trouver les voies et moyens de sortir le Sénégal de ces ornières. Je vais me répéter, mais la répétition est pédagogique : on ne peut pas développer ce pays sans un retour aux valeurs d’antan. Une fois les hommes et femmes à la place qu’il faut, les choses vont se mettre en place d’elles-mêmes. C’est mon point de vue personnel et cela n’engage que moi.

Et comment as-tu vécu les forts moments du 19 mars, du 23 juin, du 23 juillet et toutes ces déclarations entre pouvoir et opposition, voire mouvements citoyens comme «Y’en a marre» etc. ?
Le 19 mars coïncidait avec notre cinquantenaire, un moment qui devait être consacré au partage, à des échanges d’idées sur ce qui a été fait et ce qui aurait pu être fait pour un nouveau départ. Mais, nos dirigeants ont préféré, comme à l’accoutumée, le bataclan, le folklore qui tranchait radicalement avec la situation socioéconomique du pays. C’est justement cette succession de fait qui a été à l’origine justement de l’émergence de mouvement de révolte comme «Y’en a marre», dont je faisais partie et que j’ai quitté pour des motifs personnels.

Pourtant c’est un mouvement réputé que les masses sénégalaises semblent adopter ?
Tout à fait. Je suis d’accord avec leurs principes et leur vision et l’on avait justement besoin de cette bouffée d’oxygène pour aérer et conscientiser les esprits. Ils abattent un excellent travail et l’on doit les encourager et les soutenir davantage. Même si j’ai quitté, je reste aussi active que par le passé et partout où ils auront besoin de moi, si le temps me le permet, je serai présente.

Nath, on change de sujet. Reviens sur ton histoire de Miss Sénégal.
J’étais dans le milieu de la mode déjà, mannequin à la Sotiba Sympafric et j’ai postulé par hasard. Ce n’était pas quelque chose de sérieux pour moi, parce que je me disais que je n’avais aucune chance. Et donc, j’ai été Miss Dakar le 28 décembre 1991 et deux semaines après, j’ai été sacrée Miss Sénégal 1992. Du jour au lendemain, je me suis retrouvé propulsée dans le monde des adultes, un monde assez cruel pour une toute petite jeune fille.

Raconte-moi, développe, dis-moi comment c’était, ces moments.
J’aimerais avant cela éclaircir une chose : être Miss Sénégal, ce n’est pas être la plus belle fille du Sénégal, mais c’est représenter un échantillon de la beauté sénégalaise. Alors, toutes les miss qui se croient les plus belles se trompent complètement, parce que Miss Sénégal «n’est pas la plus belle fille du Sénégal», j’insiste. C’est important. Beaucoup de jeunes filles se gourent en se mettant sur un piédestal qui n’est pas et elles déchantent rapidement, tellement elles se prennent au sérieux. Pour revenir sur les moments, je dirais que ce fut des moments assez difficiles parce que mes attentes n’ont pas été satisfaites. Je n’ai pas envie de revenir sur cela, c’est du passé. J’en ai quand même tiré de mes blessures, des leçons de vie.

Mais, je te sens presque triste… d’un coup…
Triste ! Tu te trompes, mon cher. Je suis loin d’être triste. La tristesse n’a pas de place pour les défis à venir.

Pourtant, je lis cela dans ton regard qui se rappelle certainement des anecdotes inoubliables.
(Rires) Des anecdotes, il y en a.

Raconte…
Je te donne une seule anecdote : j’ai été foutue à la porte d’un grand hôtel à Cotonou parce que j’avais refusé les avances d’un homme qui pensait qu’avec l’argent tout pouvait s’acheter, même moi. Alors que j’étais Miss Sénégal. La deuxième personnalité culturelle du pays, après la première dame. Je suis partie représenter mon pays à des concours internationaux sans un sous de l’État. Plus grave, il m’est arrivé de vendre des bouteilles à la boutique du coin parce que j’étais dans la dèche. Aujourd’hui, je ne regrette rien. Ces expériences ont fait de moi une femme accomplie. Ce sont des faits qui marquent profondément.

Nathalie, t’as les larmes aux yeux… ?
Non.

Sûre ?
Certaine.

Quand on parle d'une demoiselle, tu la vois comment ?
Je la vois sûre d'elle et croquant la vie à belles dents !!! À cet âge, on est inconscient des vrais choses de la vie et c'est une période qu'il faut vivre autant que faire se peut, avant de passer à une étape supérieure, l'étape des responsabilités.

Que représente la personnalité chez une dame ?
Certains diront son caractère, sa classe, son port altier etc. Mais, pour moi, la vraie personnalité d'une femme se trouve dans l'aptitude et la capacité à braver au quotidien les défis de la vie ! Ce combat qu'elle livre par elle-même et pour elle-même, forge, affine et modèle sa vision de la vie et des choses que seuls les autres peuvent percevoir!

Et toi, toi Nath ?
C’est-à-dire ?

Parle-moi de toi, de ta vie de famille, ton vécu en tant que femme mariée ou pas…
Pa Assane, tu veux que je te parle de ma vie privée ?

Oui. Si tu peux. Curieux suis-je.
Ma vie privée, elle est privée.

Tu gères comment ton homme ?
N’insiste pas.

C’est juste pour que tu donnes la leçon aux jeunes filles d’aujourd’hui.
Chaque femme a son jardin secret, qui n’est pas forcément le même un peu partout.

Tu peux être beaucoup plus explicite ?
Pa Assane, le marché des trucs et astuces féminins est tellement vaste que chacune de nous y trouve son compte. Donc, n’insiste pas…

Je lâche prise.
Tant mieux.

C’est fini.
Déjà ?

Oui.
Merci alors.
Pa Assane SECK le populaire