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Abdou Latif Coulibaly sur l'externalisation du Pudc : "C'est l'option résolue d'aller vite et bien dans la réponse à apporter aux populations"

Le Secrétaire général du gouvernement, Abdou Latif Coulibaly s’inscrit en faux contre ceux qui parlent de déresponsabilisation de l’administration, encore moins de la traduction de l’échec de celle-ci dans l’option du Président Macky Sall d’externaliser l’exécution du PUDC. Il soutient que «l’administration travaille tous les jours par la méthode du faire faire qui n’est pas une doctrine de l’Etat du Sénégal, mais de la communauté internationale ». M. Coulibaly qui parle de changement de méthode de Macky Sall dont « l’option résolue d’aller vite et bien dans la réponse à apporter aux populations en termes d’hydraulique villageoise, d’électrification rurale, d’équipement du monde rural et des femmes » s’explique.


Rédigé par leral.net le Vendredi 10 Juillet 2015 à 11:45 | | 33 commentaire(s)|

L’Etat du Sénégal, pour l’exécution du Pudc, a sollicité l’expertise du Pnud. Pourquoi ce choix ?

Le choix qui a été fait par le gouvernement du Sénégal entre parfaitement dans le cadre de l’exécution de l’Accord-Cadre qui a été signé depuis 1987, bien avant l’arrivée de Macky Sall au pouvoir, entre le Pnud et l’Etat du Sénégal. Accord-Cadre qui prévoit, entre autres, la possibilité, pour le gouvernement du Sénégal, de confier l’exécution de projets et programmes au système des Nations Unies, à travers le Pnud. Et l’Accord-Cadre de 1987 n’est pas sorti du néant. C’est une convention, d’ailleurs, qui a été élaborée et signée par le Sénégal, à l’image de beaucoup d’autres pays à travers le monde. Le Pnud, étant conçu comme un cadre d’exécution au plan mondial pour tout ce qui concerne, dans bien des cas, l’exécution de projets, de programme, se fait confier beaucoup de projets par la coopération internationale. C’est dans ce cadre que le Pnud est identifié comme un cadre d’excellence d’exécution de ces programmes.

Comment les Etats en sont-ils arrivés là ?

Oui, c’est bon de savoir pourquoi les Etats en étaient arrivés à établir la possibilité de faire exécuter des programmes et des projets gouvernementaux par une agence d’exécution. A la sortie des années 80, la période des ajustements structurels, il a été constaté que les Etats en développement avaient, par moments, des difficultés pour absorber les crédits qui étaient mis à leur disposition, parfois même des appuis budgétaires qui leur étaient destinés. Il était difficile de les consommer, non pas parce qu’il n’y avait pas la volonté et les compétences, mais parce qu’il n’y avait pas suffisamment de compétences. Et qu’il fallait, par conséquent, faire faire à l’administration un travail classique qui pouvait apparaître comme supplémentaire, dans les délais conçus pour être exécuté ; un travail confié à une agence d’exécution. C’est ainsi que le Pnud a toujours été une agence d’exécution ici au Sénégal pour des crédits dégagés par la coopération internationale. Par exemple, des pays réunis dans le cadre d’un consortium de bailleurs peuvent signer une convention avec un Etat et confier l’argent, l’exécution du projet au Pnud ou à une autre instance des Nations-Unies. Par exemple, en matière d’assistance alimentaire, c’est généralement le PAM qui l’exécute. Si on prend exemple d’un ministère, comme celui de l’hydraulique qui doit faire, au cours des deux années à venir, 350 forages. Techniquement, il est doté pour le faire, mais matériellement, il ne peut pas disposer de tout le temps pour exécuter tous les programmes là.

Est-ce donc la raison pour laquelle Macky Sall n’a pas confié ce travail au ministère de l’Hydraulique ?

En dehors de la question des marchés publics et autres, si vous voulez demander à un ministère, avec toutes les ressources disponibles, de faire 650 forages dans l’année ou dans les deux ans, ce n’est pas matériellement possible. Or, la volonté du Président Macky Sall, c’est d’y arriver. Il faut bien trouver une agence d’exécution. C’est cela qui motive le fait que le Pnud ait été choisi pour exécuter ce travail.

Le Sénégal a-t-il choisi le PNUD en connaissance de cause ?

Il savoir que le choix a été précédé par un autre travail qui a été fait pour le compte du Président Macky Sall par le Pnud et ses experts. Je pense que c’est assez important de le souligner car, le travail a été original. Le président de la République, comme il l’a expliqué lui-même, avait visité, bien avant la campagne électorale, quand il faisait ses tournées alors qu’il venait de mettre en place son parti, 4000 villages. Il a pris le soin de filmer ses rencontres avec les populations. 4000 villages, c’est plusieurs heures de rushes, de bandes à exploiter. Il fallait trouver des gens pour faire ce travail, c’est-à-dire décortiquer ces bandes, en extraire l’essentiel qui présentait les besoins exprimés par les populations. C’est le Pnud qui l’a fait avec ses experts pour le compte du Président. C’était un travail que le gouvernement ne pouvait pas faire, parce qu’il n’avait pas le temps.
Et ce qui est remarquable, c’est qu’un président de la République élu, ait comme souci majeur de voir quelles ont été les promesses faites aux populations et de les regrouper pour leur satisfaction.

Peut-on alors parler de changement de méthode par le Président Macky Sall ?

Oui. Car, l’idée première, c’était de voir sur les crédits des départements ministériels une partie des crédits affectés. Le Président a changé de méthode en disant, en sus des crédits inscrits dans les budgets des ministères, je vais faire dégager des crédits supplémentaires, confiés au Pnud pour lequel il est payé pratiquement pour des broutilles, 1 à 3%, ce n’est pas beaucoup. Pour exécuter 325 forages, plus de 5000 matériels (équipements) achetés et mis à la disposition des populations, plus de 3000 Km de pistes de production. Et en plus, l’expérience qui est aujourd’hui tentée peut servir pour d’autres pays à travers le monde. Ce n’est pas pour rien de dire que le Sénégal a été pionnier. Le Pnud était réceptacle des fonds donnés par les bailleurs de fonds et servait d’agent d’exécution pour le compte de nos Etats. Et aujourd’hui, ce sont des crédits nationaux qui lui sont confiés. L’argent est bien celui du Trésor public sénégalais.

Et c’est là le problème, non ?

Je ne vois pas en quoi il peut y avoir de problème. Ce n’est pas du tout une déresponsabilisation de l’administration publique, encore moins la traduction de l’échec de celle-ci. L’administration travaille tous les jours par la méthode du faire faire qui n’est pas une doctrine de l’Etat du Sénégal, mais de la communauté internationale. Plutôt que de faire, on fait faire. Il faut savoir détacher le bruit qui est fait autour d’une chose que de la chose elle-même, disait un philosophe. Et cette chose là, c’est une option résolue d’aller vite et bien dans la réponse à apporter aux populations en termes d’hydraulique villageoise, d’électrification rurale, d’équipement du monde rural et des femmes. Je ne vois pas de mal à cela.

Cette externalisation ne renvoie-t-elle pas une image négative de notre administration ?

Absolument non ! L’administration sénégalaise est compétente. Mais elle souffre de deux choses : le manque de ressources d’une part et le manque de moyens dans certains cas, d’autre part. Encore que dans ce cas d’espèce les moyens sont disponibles pour ça. Il y a des administrations où il y a très peu de techniciens, c’est malheureux de le dire. Il y a un déficit extrêmement important qu’il va falloir combler dans les années à venir. Mais ça ne se comble pas en deux, trois, voire quatre ans. Je connais des ministères qui ont un manque terrible d’ingénieurs. Je prends l’exemple du ministère de l’énergie où le déficit d’ingénieurs est important. Faut-il faire subir davantage aux populations le manque d’ingénieurs, alors qu’il y a d’autres moyens, possibilités pour aller vite et bien ? C’est comme cela qu’il faut concevoir l’externalisation de ce travail. Et encore, l’externalisation jusqu’à un certain point. Il faut savoir qu’il y a un directeur chargé de la supervision du Pudc, attaché directement au Premier ministre qui supervise, contrôle et oriente l’action de celui à qui on a demandé ce travail pour nous. Aujourd’hui, comme toujours, c’est l’administration qui a le contrôle sur le travail fait par le Pnud, un total contrôle. Il y a un comité technique, un comité de pilotage, un directeur général qui supervise l’ensemble du travail fait par le Pnud qui n’est qu’une agence d’exécution, rétribué pour son travail.

C’est comme si les Etats africains faisaient échos aux accords de Busan et de Paris, n’est-ce pas ?

Parfaitement. Quelle est l’une des préoccupations majeures de la communauté internationale ? C’est augmenter la capacité de nos Etats à absorber les crédits qui sont mis à leur disposition. Les accords de Busan en Corée et de Paris disaient nettement qu’il y des problèmes dans l’absorption des crédits mis à la disposition des pays en voie de développement. Pour deux raisons essentiellement : d’abord le comportement des pays qui mettent à disposition ces crédits par leurs procédures extrêmement longues, mais par ailleurs, le manque de ressources en qualité et en quantité dans les pays en voie de développement. Pour étudier ou mettre en place un projet, cela prend beaucoup de temps parce que l’administration qui a ses compétences est occupée à d’autres tâches. On ne peut pas mettre vingt ingénieurs là où il faut vingt ingénieurs pour faire le travail. Nous en avons dix, il faut alors chercher les dix autres. C’est comme cela qu’il faut comprendre la philosophie de l’externalisation. Et depuis quelques années, la doctrine du faire faire a quasiment été présente partout. Ce que je reprocherais à nos Etats, c’est de ne pas trop faire faire.

Sud Quotidien