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Aéroport de Roissy à Paris: Les déboires de Karamoko Kalluga Demba, prof de Droit à l'Ucad, arrêté arbitrairement par la police française

Le Professeur de droit à l’Ucad Karamoko Kalluga Demba n’oubliera pas de sitôt son voyage d’études en France. Alors qu’il a montré patte blanche à son arrivée à l’aéroport, les policiers français, suspicieux et par excès de zèle, l’ont arrêté et enfermé pendant six jours dans la prison pour sans-papiers de l’aéroport de Roissy. Traîné dans la boue et même obligé de signer un procès-verbal où la police l’a présenté comme un étudiant, il a été finalement sauvé par le juge des libertés et de la détention, qui a conclu au zèle des officiers de Police des frontières et l’a libéré.


Rédigé par leral.net le Vendredi 5 Octobre 2018 à 11:34 | | 0 commentaire(s)|

Aéroport de Roissy à Paris: Les déboires de Karamoko Kalluga Demba, prof de Droit à l'Ucad, arrêté arbitrairement par la police française
Professeur de droit à l’Ucad, Karamoko Kallouga Demba s’est rendu en France, le 17 septembre dernier, pour un voyage d’études. Un voyage qu’il n’est pas prêt d’oublier, tellement la police française lui en a fait baver. Même s’il a montré tous les papiers requis pour son séjour en France, il a été arrêté à sa descente d’avion par la Police des frontières et envoyé dans la zone d’attente de l’aéroport de Roissy. Une zone d’attente qui, en réalité, est une espèce de prison pour les sans-papiers. « Je me suis senti humilié. Ça ressemble à du racisme. C’est une façon de ne pas respecter les Africains que nous sommes », a lâché le professeur de droit à nos confrères de «Street Press», qui l’ont interrogé sur sa mésaventure.

Arrêté et emprisonné malgré des papiers en règle, de l’argent en liquide et le justificatif de moyens suffisants pour son séjour

Quand il débarque à Charles-de-Gaulle (il a été conduit ensuite à Roissy), le professeur Karamoko Demba avait avec lui un visa délivré par l’ambassade de France au Sénégal, 500 euros en liquide, un relevé de compte avec 3500 euros, pour justifier de fonds suffisants pour vivre en France, une lettre de mission signée par le Recteur de l’Ucad, autorisant un voyage d’études de deux mois et un billet retour.

Après avoir présenté tous ces justificatifs, le juriste pensait sans doute qu’il n’aurait aucun problème pour entrer en France. Mais, c’était sans compter avec l’obstination injustifiée des suspicieux policiers français, qui se sont mis à lui chercher des poux. Ils se sont focalisés sur la non-concordance de l’adresse d’accueil indiquée dans la demande de visa avec celle de sa résidence finale. «Dans ma demande de visa, j’avais indiqué que je passerai les premiers jours de mon séjour chez ma sœur, en banlieue parisienne, avant d’être logé à la Cité U. Le douanier a demandé une attestation de ma sœur, que je n’avais pas».

Le policier enquêteur, qui n’a rien voulu comprendre, l’accable davantage : «il m’a dit que je n’avais pas l’argent nécessaire pour assurer ma subsistance lors de mon voyage d’études». Puis l’enseignant est invité à s’expliquer sur les motifs de son séjour en France. «J’ai dit que je faisais un voyage d’études, que je passerai la plus grande partie de mon temps à la bibliothèque Cujas, où je consulterai des ouvrages».

«Son chef est arrivé. Il m’a demandé  “C’est quoi ton histoire ?” J’ai répondu que j’étais enseignant, que j’avais un travail» «Je crois plutôt que tu en cherches un ici», m’a-t-il rétorqué

Mais il est loin de sortir de l’ornière. Le policier appelle la bibliothèque pour vérifier si elle a invité le professeur sénégalais. La réponse ne pouvait qu’être négative, car l’accès à la bibliothèque est libre. L’agent de police, décidé à confondre le visiteur, a voulu savoir si des professeurs de droit français le connaissent. « Je lui réponds que notre labo est en contact avec plusieurs chercheurs français, dont je donne les noms. Je précise que je ne les connais pas personnellement». Le policier français appelle l’un d’eux, qui comme on pouvait s’y attendre, avoue ne pas connaître son collègue sénégalais. Et pourtant, l’officier de police judiciaire pouvait joindre l’ambassade de France au Sénégal et même le recteur de l’Ucad pour être mieux édifié, mais il ne l’a pas fait.

«J’ai senti que ça ressemblait à un règlement de comptes», note le professeur Demba. Qui n’en revenait pas qu’on le prenne pour un candidat à l’immigration illégale. 

«Ils m’ont dit soit vous signez (le PV), et vous pouvez appeler votre famille. Soit on vous remet dans l’avion».

Tous ses effets personnels confisqués, le professeur de droit a même subi du chantage pour signer le procès-verbal, sur lequel «StreetPress» a jeté un coup d’œil, et où la police française soutient que les raisons du voyage de Karamoko ne sont pas suffisamment claires, et qu’il n’a pas assez d’argent pour entrer sur le territoire français. Contestant le Pv dans lequel la police a poussé le bouchon jusqu’à le présenter comme un étudiant, il finira par le signer sous les menaces. «Je leur ai dit que ce n’était pas vrai. Ils m’ont dit soit vous signez, et vous pouvez appeler votre famille. Soit on vous remet dans l’avion».

Mis au courant de la situation, des universitaires français remuent ciel et terre pour le tirer d’affaire, mais en vain. La police campe sur ses positions et tient à envoyer le juriste sénégalais en procès. «Ils m’ont dit que ça ne changeait rien. Qu’ils avaient une liberté d’appréciation et que je ne pouvais toujours pas entrer en France. Ils m’ont assuré qu’un vol partait. Que si je ne montais pas dans l’avion, j’irai au procès», raconte le professeur Demba, qui a choisi la seconde option : passer devant le Tribunal. Une option qui s’avérera payante.

Le juge des libertés et de la détention conclut au zèle de la police et libère le juriste

Présenté devant le juge des libertés et de la détention, le 21 septembre, Karamoko Kalluga Demba conteste son enfermement. Finalement, le juge lui donne raison, comme c’est indiqué dans une ordonnance du même jour. «La prolongation du maintien [en détention] de Monsieur Demba ne constitue pas une mesure restrictive de liberté proportionnée aux objectifs de contrôle aux frontières», note-t-on dans le document. En termes plus clairs, le juge soutient que les policiers ont fait du zèle. Mais, entre-temps, le professeur en voyage d’études avait vécu 6 jours de «captivité» et de retard dans son programme.







Les Echos