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Affaire Karim Wade : Le Sénégal otage d’une guerre interminable de succession - Par Kadialy Diakhité

Rédigé par leral.net le Samedi 26 Avril 2014 à 16:27 | | 13 commentaire(s)|

Qu’est-ce que le Président WADE veut encore ? C’est une question que beaucoup de sénégalais se posent. En outre, ce sont les partisans, les souteneurs et surtout les fanatiques de l’ancien chef de l’Etat sénégalais qui devraient particulièrement se poser cette question. Ils découvriraient qu’ils sont instrumentalisés, non pas pour une cause nationale, mais pour le « meilleur fils » au Sénégal. Car, contrairement à ce qu’il a déclaré à RFI, ce n’est pas le Sénégal et les sénégalais avec leurs problèmes, encore moins le sort de son fils emprisonné, qui le font s’agiter ainsi. On peut même penser que la libération immédiate de Karim n’est pas l’objectif premier de ce ramdam politicomédiatique.


Affaire Karim Wade : Le Sénégal otage d’une guerre interminable de succession - Par Kadialy Diakhité
Certains sénégalais ont été bien naïfs de croire que l’élection de Macky SALL à la présidence de la république avait mis un terme à la guerre de succession entre les fils, biologique et spirituel ou politique, du Président Abdoulaye WADE. Ils ont été d’autant plus naïfs, qu’ils ont cru également que la défaite des WADE, avec leur ambition de dévolution monarchique du pouvoir de l’Etat en 2012, avait complètement ruiné le projet du père WADE de se faire succéder par son fils biologique, Karim, à la fois à la tête des libéraux et de l’Etat sénégalais.

La situation actuelle du Sénégal et des sénégalais n’est pas seulement exploitée, par l’ancien chef de l’Etat sénégalais. Elle est machiavèliquement manipulée par le politicien spécialiste des manœuvres, ruses, coups fourrés, stratagèmes politiques, qui l’ont aidé à surmonter l’obstacle de SENGHOR, à contourner le duo infernal COLLIN/DIOUF et à subtilement doser les intrigues de sa propre cour libérale, au Palais présidentiel. C’est également cet esprit politicien qui a inspiré l’idée géniale des belles réalisations, inédites au Sénégal, qui n’en sont pas moins revêtues d’une épaisse couche de tape-à-l’oeil. Tout cela, pour servir plus les WADE et moins le Sénégal et les sénégalais.

Le président WADE démontre une fois de plus, une grande capacité de résilience ainsi que sa ténacité dans ses projets politiques. Cela peut lui prendre le temps qu’il faut, mais il est convaincu de réussir, et il ne crache sur rien pour y parvenir. Même si son image peut en pâtir, il est certain de pouvoir la redorer après. La conviction de pouvoir toujours réussir son coup, WADE la tire aussi de l’idée qu’il se fait du sénégalais, mais surtout de la famille WADE. L’interview qu’il a accordée à RFI, et diffusée le mercredi 23 avril 2014, est truffée de messages qui s’adressent directement au sénégalais moyen, qui ne s’attarde pas assez sur des analyses sémantiques et de fonds. Le contenu de cette interview, avec des propos autant claires que sibyllins, est également assez édifiant sur la trame du projet des WADE.

Les sénégalais aiment les martyrs. Ils s’émeuvent, se mobilisent et souvent votent, plus, émotionnellement et sentimentalement, pour des hommes politiques ou des politiciens, que pour des programmes politiques et des projets de société. En plus de son exemple personnel, Abdoulaye WADE l’a vérifié avec les cas de Idrissa SECK et de Macky SALL. Les sénégalais sont également prompts à vomir un régime qui ne satisfait pas tout de suite ses attentes immenses et à supporter ses adversaires qu’ils venaient pourtant de chasser du pouvoir. A cet égard, le sénégalais en général a plus le sens de la nostalgie que celui de la prospective. Ce phénomène a été observé de l’époque coloniale à nos jours, après chaque changement de régime.

Abdoulaye WADE sait aussi que les médias sénégalais, dont il a grandement contribué à la « peoplelisation » à outrance, sont prompts à se jeter sur des faits divers de tout genre, en particulier ceux des politiciens, comme des ogres affamés dans un espace aux maigres ressources publicitaires. A coté du peu de médias portés à faire des analyses profondes et structurées, il connait la frilosité des médias de service publique qui les rendent antipathiques aux yeux de l’opinion. Abdoulaye WADE sait tout cela des sénégalais et tant d’autres faits sociologiques et psychologiques qu’il manipule bien.

Sans trop de risques de se tromper, le président WADE aurait donc mijoté un scénario de rattrapage, pour enfin réaliser son rêve. Cette fois les données sont inversées. Il veut commencer par installer son fils, Karim, à la tête de son parti, afin qu’il puisse, comme il est de règle, en tant que chef de parti, convoiter ensuite le fauteuil de président de la république. Toutes ses tentatives de dévolution monarchique à la tête de l’Etat avaient échouées auparavant, jusqu’à sa perte du pouvoir, en 2012. Alors, Maître WADE a choisi cette fois de confectionner à son fils une image plus sympathique et de lui faire obtenir une légitimité politique, qu’il n’avait jamais eu, pour diriger le parti.

Cela devrait passer par une victimisation de Karim, dans une « guerre politique injuste » que lui ferait le nouveau pouvoir. Guerre au cours de laquelle il sera transformé en martyr. Cette victimisation et cette martyrisation devaient s’obtenir par l’emprisonnement politique « injuste et injustifié » de Karim. Une façon singulière de tailler une carapace politique à son fils, en lui taillant des habits de présidentiable. Le piège du « maître » WADE est ainsi conçu et posé. Toute autre solution, aux problèmes des libéraux dispersés, aura déjà été exclue, si elle devait empêcher ce scénario.

Le Président WADE est fondamentalement politicien, au pouvoir comme dans l’opposition, anté et post pouvoir. Tous ses actes sont aussi posés en termes de survie politique. Inutile de revenir sur tous les éléments politiques, sociaux, économiques, financiers et psychologiques qui ont braqué les sénégalais contre Karim, et qui ont fait de lui une cible idéale et inévitable d’une forte demande de justice. Laquelle demande de justice grondait de manière assourdissante au sein de la population, encore plus au sein de la classe politique et de la société civile.

Pour réussir ce coup et prendre tout le monde dans ce piège, en utilisant cette image nauséabond de son fils, ce dernier devrait nécessairement être blanc comme neige, sous son manteau de super ministre d’Etat aux pouvoirs démesurés que l’opinion sénégalaise voyait tout noir. A cet égard, la stratégie du lavage à grande eau de Karim par son père, de tous soupçons d’enrichissement illicite, a été perçue comme un acte prémédité, inspiré par cette stratégie. Cette attitude de WADE père a fini d’alimenter une opinion répandue selon laquelle, les WADE, au pouvoir, auraient eu le temps, la latitude, la ruse et l’ingéniosité d’effacer toute traçabilité d’une délinquance financière éventuelle, pour laquelle ils étaient soupçonnés au sein de la population et de la classe politique de l’opposition d’alors.

Quel que soit le type de pureté de Karim, naturelle ou maquillée, le résultat reste pour le Président WADE, qu’il sera trouvé blanc. Ces soupçons donnent d’ailleurs encore plus de probabilité à une poursuite de Karim, exploitable par le génie manipulateur du Président WADE, pour en faire une victime politique, un martyr. A cela s’ajoute un élément subjectif de rancune politique, générée par les relations heurtées, qui étaient celles du président WADE et de l’ancien président de l’Assemblée Nationale, vainqueur de la présidentielle de 2012. La réhabilitation et la valorisation de l’image de Karim seraient, en outre, facilitées par les suspicions sur l’origine licite du patrimoine déclaré du président SALL et de certains de ses compagnons, contre lesquels, une campagne médiatique savamment a été menée.

Quand le président WADE déclare que son retour au Sénégal est politique, cela veut dire qu’il fait abstraction de sa casquette d’ancien président de la république. Ce qui signifie également qu’il faut s’attendre à tout de sa part, en terme de manœuvres politiques et en particulier à une manipulation médiatique de l’opinion publique sénégalaise, déjà plongée dans une atmosphère de morosité économique et sociale, ainsi que d’incapacité du pouvoir de Macky SALL à gérer correctement le Sénégal et à garantir les libertés, dans un Etat de droit. Il se met ainsi dans une posture de provocateur, déstabilisateur, en entraînant le Président Macky SALL et l’Etat, sur le terrain purement politique, afin de les pousser davantage à la faute.

Maître WADE a démontré qu’il est un virtuose de la médiacratie. A ce propos, il a déjà engrangé des points contre le régime de Macky SALL, dans la bataille médiatique pour conquérir une certaine frange de l’opinion publique sénégalaise. En plus de la pièce maîtresse, Karim, il a besoin de tirer encore plus sur les ficelles de tout son monde, qu’il considère comme des marionnettes entre ses mains expertes. Car, non seulement il a été traumatisé par la défaite que lui ont infligé les sénégalais et par la victoire de Macky SALL, ce dernier est en train de cannibaliser ou de phagocyter ce qui reste de son parti. En effet, le PDS est en plein effritement du fait notamment de l’émancipation de certains ténors, qui ne supportent plus de servir à chauffer « la Place ».

Le film de tous ces événements est un véritable jeu de dupes. Car, l’unification des libéraux qui est dans l’air, le maintien à la direction du PDS de son leader battu à la présidentielle de 2012 et ce retour de WADE au pays, après son absence volontaire, font bouillir la sauce trouble des libéraux. Tous ces faits n’ont pas les mêmes significations et les mêmes contenus ou les mêmes objectifs, pour tous ceux qui s’agitent ou tentent des retours au bercail. Dans tous les cas, chacun, à sa manière, tente de tirer son épingle du jeu, dont les WADE croient toujours être les maîtres.

Tous cherchent à déstabiliser, désarçonner voire ridiculiser ou plus encore, les tenants actuels du pouvoir qui prêtent le flanc, en bombant le torse. Alors qu’en l’occurrence, il s’agit d’être plus futé que le « Maître », qui a pu se demander il n’y a guère « par où Macky SALL est-il passé pour me battre ». Quoi qu’il en soit, tout ce monde des libéraux et de leurs souteneurs n’ont pas le droit de prendre le pays en otage, dans leurs querelles et intrigues de succession. Il y’a certainement plus et mieux à faire dans la gestion d’une nation et dans la gouvernance d’un pays. Le Sénégal ne mérite pas d’avoir à traîner ce boulet, dans le contexte actuel.


Kadialy DIAKHITE, journaliste, écrivain