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Affaire Karim Wade : Me Seydou Diagne démonte pièce par pièce les avocats de l’Etat et dénonce un "mensonge d'Etat"


Rédigé par leral.net le Jeudi 10 Mars 2016 à 12:30 | | 0 commentaire(s)|

Affaire Karim Wade : Me Seydou Diagne démonte pièce par pièce les avocats de l’Etat et dénonce un "mensonge d'Etat"
Derrière l’avalanche de chiffres formulés à Paris, plusieurs questions restent posées quant à la provenance, à la valeur réelle et au recouvrement des sommes évoquées par l’État sénégalais dans ce dossier politiquement sensible. Car la majeure partie des biens immobiliers, comptes bancaires et sociétés gelés ou dont la propriété a d’ores et déjà été mutée au profit des autorités n’appartiennent pas, sur le papier, à Karim Wade et ne sont pas encore portées au crédit du Trésor.

En l’occurrence, la société aéroportuaire ABS était officiellement la propriété d’Alioune Samba Diassé (condamné mais jamais incarcéré depuis le jugement). AHS Sénégal avait pour actionnaires les frères Karim et Ibrahim Aboukhalil – alias Bibo Bourgi – et Mamadou Pouye (le premier vit hors du Sénégal, le deuxième n’a pas été incarcéré malgré une peine de prison ferme et le troisième est actuellement emprisonné). S’il est exact que la société, placée de longue date sous administration provisoire, a été ré-immatriculée au nom de l’Etat sénégalais, la holding qui en est propriétaire a engagé une procédure arbitrale devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi, qui dépend de la Banque mondiale), laquelle suit son cours. De même, les appartements saisis du complexe immobilier Eden Roc, à Dakar, appartenaient officiellement aux frères Aboukhalil-Bourgi, que la CREI a considérés comme de simples hommes de paille de Karim Wade.

Concernant les comptes bancaires à Monaco, un seul appartient nommément à Karim Wade (pour un montant de 2 millions d’euros), les autres ayant pour ayant-droits et bénéficiaires économiques le trio Karim Aboukhalil, Bibo Aboukhalil-Bourgi et Pape Mamadou Pouye ainsi que diverses sociétés dont ils sont actionnaires – ainsi que deux membres de la famille Aboukhalil-Bourgi extérieurs à l’affaire. «Ces comptes sont gelés à titre conservatoire depuis 2013», indique Seydou Diagne, le coordinateur des avocats de Karim Wade. «Le solde cumulé de ces comptes est largement inférieur à la somme avancée par la CREI», ajoute une avocate de Bibo Bourgi. Quant aux deux appartements parisiens dans le XVIe arrondissement, l’un est la propriété de Karim Wade et un autre appartient à une SCI des frères Aboukhalil. Là aussi, les requêtes de l’État du Sénégal en vue d’une saisie n’ont pas encore été examinées par la justice française.

« Les seuls biens de Karim Wade que s’est réellement approprié l’État sénégalais sont deux des titres fonciers relatifs à la maison familiale des Wade au Point E, à Dakar, les voitures immatriculées au Sénégal au nom de mon client et des montres dont le montant n’excède pas 2 000 euros, affirme Me Diagne. Quant aux biens gelés, il s’agit d’un compte à Monaco, d’une assurance-vie au Luxembourg et d’un appartement à Paris ». Selon l’avocat, qui dénonce « une manipulation et un mensonge d’État », « l’accusation, qui évoquait initialement un patrimoine d’un milliard d’euros, se gargarise aujourd’hui d’avoir récupéré moins de 2,5 millions d’euros ».

« C’est troublant de voir les avocats du Sénégal se rendre à Paris pour justifier une condamnation pénale lors d’une conférence de presse en présence de l’agent du Trésor, ironise quant à lui un avocat de Bibo Bourgi. D’autant que le même jour, à la même heure, nous plaidions pour notre client un ultime recours devant la Cour suprême. Ni les avocats ni l’agent judiciaire de l’État n’étaient présents. Avaient-ils pressenti que l’après-midi même, la Cour nous débouterait ? ».

Une chose est sûre : cette fin de non-recevoir de la Cour suprême marque l’épilogue judiciaire de l’affaire Karim Wade sur le sol sénégalais. Quant à ses rebondissements médiatiques, rien n’est moins sûr.